Évacuation des eaux pluviales à Mahina : des familles menacées d'expropriation


La rencontre entre le maire et les propriétaires concernés par la DUP, s'est déroulée dans le calme
MAHINA, le 21/01/2016 - Une procédure de déclaration d’utilité publique pourrait voir le jour bientôt à Mahina, ce qui entraînerait par conséquent l'expropriation de plusieurs familles. Cette procédure accorde au Pays la possibilité d’exproprier les terrains nécessaires à la réalisation d’un projet. Et à Mahina, les inondations dans le secteur de la pointe Vénus sont importantes durant les périodes de fortes pluies. Il a donc été décidé de revoir l'évacuation des eaux pluviales et c'est là que le bât blesse.

Les riverains de la baie de Matavai sont en colère : près de dix familles sont menacées d'expropriation pour permettre l'aménagement du réseau des eaux pluviales de la pointe Vénus, en rejoignant un ancien "caniveau", appelé Vai Rupe. "Ce n'est pas un caniveau mais une rivière. À l'époque, elle était même plus grande que la Tuauru", raconte Denis Helme, riverain et président du syndicat No te Aru Tai Mareva.

Une mesure qui ne peut voir le jour que si la déclaration d'utilité publique (DUP) est effective. Une procédure qui accorde au Pays la possibilité d'exproprier les terrains nécessaires à la réalisation d'un projet routier. Le 16 novembre dernier, le Pays a pris un arrêté pour lancer deux enquêtes conjointes : l'une préalable à la déclaration d'utilité publique et l'autre parcellaire, relative à l'acquisition de parcelles de terres nécessaires à l'aménagement du réseau d'eaux pluviales de la pointe Vénus.

"Cette façon de faire me fatigue, je n'ai même plus envie de me mettre en colère. Il n'y a pas de discussions avec les propriétaires", déclare Denis Helme. "Si, à partir du moment où nous ne sommes pas écoutés et qu'il faut passer par le maire ou d'autres personnes et bien je pense qu'on ne va faire que retarder les choses et on n'a plus le temps", regrette Valentin Teaotea, un riverain, et de rajouter, "l'autre problème est l'expropriation de certains propriétaires, ils le font bêtement. Déjà, on n'est pas concertés, il nous impose ce projet et nous ne sommes pas d'accord."

Inquiets, les propriétaires ont rencontré le maire de Mahina, Damas Teuira, mercredi soir, afin de lui faire part de leur mécontentement. Une réunion qui s'est tenue dans le calme, où chacun a pu proposer des solutions alternatives.


Des constructions sans permis de construire dans la ligne de mire

Le souci des inondations sur la pointe Vénus en période de fortes pluies est principalement dû à un débit élevé d'eaux pluviales sur un même secteur. "L'évacuation du rond-point se retrouve au même point à savoir la Vai Rupe (lire encadré). L'idéal serait de reprendre le dénivelé positif vers la Tuauru, comme cela, toutes les eaux de pluies qui ruissellent du flanc de montagne jusqu'à devant Champion pourraient éventuellement être évacuées vers la Tuauru et non vers le Taharaa qui doit rejoindre la Vai Rupe, c'est là où le problème se pose actuellement", explique Damas Teuira.

Pour Denis Helme, il faudrait utiliser les bras de rivière déjà existants pour éviter les expropriations, mais il y a aussi "des constructions qui ont été réalisées sur les lits d'arrivée sans permis de construire, ce sont des erreurs encore de l'équipement et de l'urbanisme. On avait dénoncé cela à l'époque. Ils n’ont rien fait et utilisent la DUP pour exproprier les familles comme les Tuiho et les Teaotea, en faveur des constructions sans permis, c'est là où ça ne tient pas debout et c'est un problème que l'on rencontre dans toutes les communes. On n'a pas à endosser les erreurs de l'équipement et de l'urbanisme. C'est au maire à gérer maintenant "Rupe" avec nous, les propriétaires".

Le président de No te Aru Tai Mareva demande à mettre en place un comité de suivi afin que tout le monde puisse donner son avis avant la mise en place de projets.

Malgré la situation, le maire se félicite de la volonté chacun de discuter pour tenter de faire avancer le dossier. Denis Helme, de son côté, a assuré : "On laisse un mois au maire et au Pays pour donner leur accord à mettre en place un comité de suivi sinon on fera une conférence de presse où tout sera dénoncé."

HISTORIQUE

D’où vient le nom Matavai et qu’elle est sa signification ?


Bien avant que Tahiti ne connaisse la vie moderne, il existait un endroit où les jeunes filles venaient passer leur temps à se baigner, s’amuser et s’admirer dans un hopuna (bassin d’eau naturelle en forme d’étang, comme une source) appelé Te Vai Rupe. Cette source ne se trouvait pas très loin de l’embouchure de la pointe Vénus, elle se situait sur la terre de la famille Teaotea. En ce temps-là, il n’existait pas encore de miroir et à cause de la limpidité de l’eau qui rendait une image parfaite de soi-même, les jeunes affluaient en nombre pour se baigner et s’admirer.

Un jour, Hina se rendit à cet endroit pour se laver, se coiffer et aussi pour admirer sa beauté. Elle regarda à gauche et vit plusieurs filles qui venaient dans sa direction pour se mirer. S’adressant à sa suite, elle leur dit : "Je nomme cette eau du nom de Te mata o te Vahine." (le regard de la femme.) Au coucher du soleil, elle rentra à sa demeure à Fareroi. Elle raconta à son époux sa journée. Le roi lui dit : "Hina ma beauté, Hina ma vie, Hina qui apaise mes désirs, tu exaltes le regard de la femme, j’exalte le regard de l’eau. N’est-ce pas le regard qui dévoile l’eau ? Hina, ma beauté, ici se concrétise notre amour."

Depuis ce jour, cette source d’eau miroitante a été baptisée Matavai. Plus tard, ce nom a été donné à la petite rivière qui coule jusqu’à la pointe de Tefauroa, dite aujourd’hui pointe Vénus.

Valentin Teaotea, riverain

"Il faudrait voir d'abord les personnes qui sont fautives dans cette affaire"


"Il faut qu'il y ait un peu plus de concertation au niveau de la population pour pouvoir faire avancer les travaux. Si à partir du moment où nous ne sommes pas écoutés et qu'il faut passer par le maire ou d'autres personnes et bien je pense qu'on ne va faire que retarder les choses et on n'a plus le temps. Le message que je voudrais lancer au ministre est : avant d'exproprier des propriétaires qui n'ont rien fait, il faudrait voir d'abord les personnes qui sont fautives dans cette affaire."

Manava Thieme, riverain

"Que le Pays vienne à notre rencontre"


"Si l’on est obligés de céder l'accès pour le curage des caniveaux, il n'y a plus d'espace pour construire. Je suis obligé de céder 5 mètres, tu as le caniveau plus 3 mètres de circulation et paraît-il c'est un peu plus. Le pays nous a informés de cela par la lettre d'expropriation. Je suis d'accord d'aller dans le sens du Territoire mais pas comme ils veulent. On peut céder par exemple, au niveau de la route, faire une évacuation sur la servitude parce qu'elle est assez large et ce sera plus facile pour faire le curage que de rentrer dans la propriété. Que le Pays vienne à notre rencontre, nous ne sommes pas là pour bloquer mais pour trouver des solutions."

Denis Helme, président du syndicat "No te Aru Tai Mareva"

"Rupe ne peut pas assainir tout cela et faire une évacuation normale"


"On impose au maire un projet, il n'a même pas le temps de consulter. On applique une DUP sur une commune sans concertation. On avait rencontré Solia, le 10 novembre, le lendemain, il a lancé le projet sans nous en parler. Alors que le message que nous lui avons transmis était : on fait le projet de "rupe", mais à condition qu'on travaille en amont avec le conseil municipal et l'association, ça ne s'est pas fait. Rupe, c'est résoudre le problème d'inondation dans la zone de la pointe Vénus, si on ne le résout pas, la pointe sera inondée à chaque période de pluie, pire depuis que la route a été rehaussée. Ce que nous avions dénoncé à l'époque avec le maire Joël Buillard, quand nous avions demandé de ne pas accepter le rehaussement de la route, comme c'est fait actuellement. Joël a eu la sagesse d'arrêter. Arrive la nouvelle équipe de Monsieur Jamet, on se lance dedans. Ce qu'on avait prévu pour le rehaussement de cette route des zones de Matavai et Muriavai se produit. Maintenant, ils lancent encore des projets et Rupe ne peut pas assainir tout cela et faire une évacuation normale."

Damas Teuira, maire de Mahina

"Il n'y a pas eu de contrôles sur l'application en matière d'urbanisme"


"i[La position de la commune est d'accompagner ces personnes et de trouver des solutions à ce projet de DUP, surtout l'expropriation. S'il y a des solutions alternatives, la commune est partante pour essayer de voir de quelle manière on pourra résoudre le problème de la Vai Rupe, pour que l'écoulement se fasse naturellement. Aujourd'hui [mercredi, NDLR], la réunion s'est tenue en toute sérénité, malgré cette décision d'expropriation qui pèse sur certains. Il y a un constat qui est quand même alarmant, il n'y a pas eu de contrôles sur l'application en matière d'urbanisme. Ce sont des situations qui datent depuis plus de 30 ans. Certaines personnes ont connu des inondations assez fréquentes sur une longue période. Aujourd'hui, ces règles d'urbanisme n'ont pas été respectées.]i"

Le président de No te Aru Tai Mareva, Denis Helme souhaiterait que les bras existants de la rivière (en bleu sur la photo) soit réaménagés pour mieux permettre l'évacuation des eaux pluviales

Selon Denis Helme, ces maisons sont à l'origine des problèmes d'inondations

Rédigé par Corinne Tehetia le Jeudi 21 Janvier 2016 à 17:11 | Lu 979 fois