Études en métropole : le parcours du combattant pour les familles


T. a quitté le fenua, le 7 août.
PAPEETE, le 17/08/2017 - T. M., 21 ans, a quitté le fenua pour poursuivre ses études en master d'anglais, à l'université de Nîmes. Et pour ses parents, le challenge est de taille : entre le billet d'avion à prendre en charge, les frais d'inscription à payer ou encore l'hébergement à trouver… Le plus dur pour eux, est de laisser partir leur fille seule, parce qu'ils n'ont pas les moyens pour l'accompagner.

Si la rentrée scolaire a bien démarré pour le premier et le second degré, elle se fera bientôt pour les universités. Beaucoup de filières sont ainsi proposées à celles et ceux qui veulent poursuivre leurs études après le baccalauréat. Et pour certains, pas d'autre choix que de partir dans l'Hexagone. C'est le cas de T. M., 21 ans.

Après trois années en licence d'anglais, la jeune femme s'est vue obligée de quitter le fenua pour faire son master, "parce que le master d'anglais sur le territoire a été fermé. Ça nous aurait bien arrangé qu'elle poursuive ici. Comme ça, nous aurions eu moins de dépenses à supporter", explique la mère de T..

Et les dépenses peuvent être dures à supporter s'il n'y a qu'un parent qui travaille. "Son inscription en Master 1 est de 115 000 francs, il y a aussi le billet d'avion. On a fait les démarches auprès de la continuité territoriale, il y a des dispositifs pour ça, c'est le passeport mobilité. 50% est pris en charge par l'État et le reste c'est à nous de supporter, après nous serions remboursés. Et à son retour, 100 % du prix de son billet est pris en charge", précise Tepurotu Mariteragi.

Les parents ont donc payé le billet d'avion de leur fille, mais il reste encore le logement. "Actuellement, elle est chez mon petit-frère. Il l'aide à trouver un appartement pas loin de l'université", poursuit la mère de famille de 47 ans.

DIRECTION L'UNIVERSITÉ DE NÎMES

Avant de quitter Tahiti, la jeune étudiante "a reçu quatre vœux des universités où elle pouvait postuler (Paris-Sorbonne, Montpellier, Toulouse et Nantes). À Tahiti, elle a passé le concours d'admission. Lorsqu'elle est arrivée en France, elle a eu les résultats et elle a réussi. Donc, elle pouvait postuler dans toutes les universités de France. La semaine dernière, elle m'a dit qu'elle irait à Nîmes", explique sa mère.

Et pour l'aider dans ses démarches, les parents de T. lui ont donné de l'argent pour qu'elle puisse "payer son logement, son inscription, sa nourriture, son compte en banque et sa mutuelle".

"Depuis janvier, nous étions en contact avec l'association des étudiants Polynésiens en métropole, c'était bien, on discutait beaucoup. Ils me rassuraient en me disant de ne pas m'inquiéter, ils se chargeront de ma fille. Et au final, nous n'avions rien eu. Donc, il ne faut pas compter sur les autres, mais que sur soi-même. Heureusement que mon petit-frère est là-bas."

"Ce n'est pas toujours facile pour des parents de laisser partir leurs enfants, surtout qu'elle est partie seule, parce que ça nous revenait trop chère de l'accompagner, et on n'a pas vraiment eu d'aides. Nous avions frappé à toutes les portes et on nous a dit de faire un prêt étudiant bonifié, ce que ma fille a refusé. À ce moment-là, nous vivions dans une maison à louer, et nous avions apporté tous les justificatifs de ce que nous payons par mois, mais en vain. Certaines fois, on nous fermait les portes et nous nous sommes débrouillés. Nous avons pris sur nos économies", assure sa mère.

INSCRIPTION LE 23 AOUT

Alors que T. profite encore de ses derniers jours de vacances chez son oncle, le jour de l'inscription avance à grand pas. "C'est le 23 août. J'aurai aimé qu'elle fasse toutes ses démarches, surtout que son inscription est la semaine prochaine et on lui demande son compte bancaire, le logement… Et maman doit faire de Tahiti, elle n'a pas l'air de s'en inquiéter, de même que mon frère. J'espère qu'elle sera inscrite", s'inquiète la mère de famille.

Surtout que la maman et son mari doivent aussi s'occuper de leur cadette de 18 ans.

T., quant à elle, reviendra au fenua dans trois ans. "Elle fera sa première année à Nîmes. Et si elle la valide, elle ira à Londres pour sa deuxième année. Après, elle reviendra en France pour valider sa deuxième année de Master."

La mère espère rejoindre sa fille l'année prochaine. Mais la mère de famille a dû suivre des formations pour trouver un emploi. "Je commence en septembre", déclare-t-elle. "Et ce matin (hier, NDLR), ma fille m'a dit qu'elle avait trouvé un petit boulot, en tant que vendeuse de légumes. Je lui ai dit que je ne voulais pas qu'elle travaille. Je veux qu'elle consacre son temps à ses études. Et si je vais travailler, c'est pour aider mon mari à payer les études de ma grande fille. Elle m'a dit que si elle n'arrivait pas à jongler, elle démissionnerait."

Pour l'heure, "mon frère a trouvé un appartement. Mais ce sera en colocation, et la part de T. est de 400 euros. Mais si elle trouve moins cher tant mieux."

Tous les mois, les parents de T. lui enverront de l'argent pour assurer ses dépenses durant ses trois années scolaires.

Elle fera sa rentrée à l'université de Nîmes, en septembre.


 

T. M., 47 ans
Maman de T.

"Si les parents peuvent partir avec leurs enfants, eh bien qu'ils le fassent"


"Il faut se préparer psychologiquement, financièrement, être fort mentalement et moralement. Si les parents peuvent partir avec leurs enfants, eh bien qu'ils le fassent. Pour moi, c'est dur parce qu'on ne sait pas ce qui peut arriver. Il faut aussi préparer l'assurance, sait-on jamais. S'il y a un décès, il ne faut pas faire de demande d'aide par facebook. Quand je vois un décès d'un enfant polynésien, il y a des cagnottes qui sont mises en place pour rapatrier le corps. Et grâce à ça, nous avons frappé à toutes les portes pour voir quelles sont les assurances qui sont prêtes à prendre en charge. C'est toujours mieux."

 


le Jeudi 17 Aout 2017 à 17:01 | Lu 8672 fois