“Être parent, un métier à plein temps ”


Tahiti, le 30 mai 2024 - La maison de l’enfance à Faa’a a fêté ses dix ans mercredi au cours desquels elle a vu passer 40 000 enfants. Moins de violence dans les familles, la sociabilisation, “le développement du langage” ou encore plus “d’interaction” avec les autres sont quelques-uns des résultats du passage des parents et des enfants dans ces centres.
 
C’est la directrice du Fare tama hau, taote Laurence Bonnac, et les agents qui ont accueilli les invités pour les dix ans de la maison de l’enfance de Faa’a, ce mercredi. Pour la directrice, ces centres sont importants pour les familles car “ce sont des endroits où l’on s’amuse avec son enfant, où l’on peut avoir des conseils de professionnels et où l’on peut discuter des problématiques que l’on rencontre avec son enfant comme le sommeil, l’alimentation ou encore les colères”.  De plus, ces centres sont ouverts à tous et surtout “gratuits” pour tout ce qui relève des échanges et consultations avec les professionnels.

“Personne ne sait ce qu’est la parentalité car chaque parent et chaque enfant a son histoire. On est là pour les accompagner car parfois, on est dans une impasse en tant que parent, on ne sait plus comment faire, quoi dire ou comment gérer son enfant. Ici, on réfléchit en fonction de l’enfant et du parent et l’on voit comment on peut proposer des solutions et des hypothèses de travail.”

Et ce travail de tous les jours paie, selon Laurence Bonnac, car des changements, au niveau notamment de la violence, sont visibles. “Il y en a moins”, souligne-t-elle. Et pour que le dialogue s’installe entre les parents et leur enfant, les écrans, notamment les téléphones portables, sont interdits dans ces centres.

“40 000 enfants ont fréquenté ce centre”

Pour la quatrième adjointe au maire de Faa’a, en charge de la solidarité, de la famille, du logement et de la cohésion sociale, Emma Vanaa, “ces maisons sont importantes pour nos familles car elles sont de plus en plus mal et je parle en connaissance de cause puisque je suis une ancienne travailleuse sociale”. L’élue était “émue”, mercredi, d’être présente pour les dix ans de la maison de l’enfance.

Elle se souvient avoir été contactée par l’ancienne ministre de la Solidarité Armelle Merceron, “à l’origine de ce projet”, pour travailler ensemble. “Il fallait trouver un terrain pour mettre en place la maison de l’enfance. Ici, il y avait un CJA, il a fallu trouver un autre terrain pour mettre le CJA. Après, il y a eu toute la partie de la conception à laquelle j’ai vraiment participé. Et je suis fière de dire que c’est un peu mon bébé, cette maison de l’enfance. Il y a eu 40 000 enfants qui ont fréquenté ce centre, on peut être doublement fier.”

L’actuelle ministre des Solidarités, du Logement, en charge des familles, Minarii Galenon, présente aussi sur les lieux ce mercredi, a félicité le travail des agents, car celui-ci a du “sens” pour le  gouvernement et “surtout avec tous les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui”. Elle ajoute qu’“à chaque fois que nous rencontrons des personnes, elles disent que cela ne va pas”. Elle a rappelé que pour pallier ce problème, elle a mis en place des camps de familles. “Elles sont sélectionnées dans les quartiers difficiles et ont été identifiées par rapport aux problèmes sociétaux que nous rencontrons aujourd’hui comme la violence et les addictions. Et ce sont ces problèmes que l’on doit prendre à bras-le-corps”. Ces camps de familles, où sont présents des professionnels, aident parents et enfants à “renouer le dialogue pour un mieux-vivre ensemble”.

Enfin, pour le ministre de la Santé, Cédric Mercadal, présent également, ces centres sont “de beaux projets au service des enfants et qui permettent aux familles de pouvoir se réunir et apprendre la parentalité dans un moment où dès fois, on se sent abandonné et on ne sait pas comment avancer”.

“Nous étions là tous les jours”

Pour les travailleurs sociaux, cet anniversaire met en lumière le fruit de leur travail. Un agent social à la maison de l’enfance de Faaa, Émélie Pahuiri, indique que lorsque de nouveaux parents arrivent au centre, on leur fait faire le tour de la maison et leur explique le fonctionnement puisque “les parents restent avec l’enfant et cela fait partie de notre charte d’accueil. On voit l’évolution des parents. Être parent, c’est un métier à plein temps.”

Ce qui lui plaît dans son métier, c’est de voir parents et enfants avoir le sourire aux lèvres. “Quand certains arrivent, ils sont un peu fatigués. Et le fait de venir ici les apaise car il y a des professionnels pour pouvoir les accompagner.” Autre élément qu’Émélie Pahuiri aime, c’est qu’à la maison de l’enfance, il n’y a plus de barrières sociales. “Quand on vient ici, il n’y a plus de classe sociale. Tout le monde est pareil et tout le monde est le bienvenu.”

Il y a dix ans, Mauarii Noho faisait partie des premières mamans à investir les lieux avec son fils Teuratea. C’est avec émotion qu’elle s’en souvient : “Il avait un an et quelques mois et la première fois, lorsque l’on est venus ici, on a été très bien accueillis. Du coup, on n’a plus quitté la maison de l’enfance jusqu’à ce que l’on déménage pour aller s’installer à Papeete. Sinon, nous étions là tous les jours et mon fils avait beaucoup d’interaction avec les autres enfants. D’être ici, cela lui a permis de se sociabiliser et de jouer avec les autres enfants. Et à partir de là est venu aussi le développement du langage.”

Depuis quelque temps, Mauarii Noho est de retour à la maison de l’enfance à Faa’a avec, cette fois-ci, des enfants qu’elle garde. “Je suis là en tant que nounou de deux enfants, des jumeaux, et c’est vraiment un plaisir de les amener ici et de revivre ce que j’ai vécu ici avec mon fils il y a 9 ans.” Pour elle, si le personnel a changé, “l’accueil est toujours resté le même”.

Plusieurs projets sont en développement à Tahiti et Moorea. À Taravao, un espace jeunes ouvert aux12-25 ans devrait ouvrir à la fin de l'année. Plusieurs animations et ateliers seront proposés et seront encadrés par des professionnels.

À Moorea, des équipes de psychologues et d’éducateurs ont été déployés dans les établissements scolaires. “Nous voulons ouvrir une maison de l’enfance ou un espace jeunes, ou les deux d’ailleurs. Il nous faudrait une emprise foncière et peut-être que la commune pourrait nous en mettre une à disposition. Et après, il nous faut de l’argent pour construire”, affirme la directrice du Fare tama hau, Laurence Bonnac. Elle explique que ces centres sont “un réel besoin pour les communes. On est très sollicités par les élus pour pouvoir ouvrir ce type de maison”. Un projet est en cours à Mahina et elle espère qu’il va aboutir.
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Jeudi 30 Mai 2024 à 19:17 | Lu 1723 fois