Et si le salon du tourisme ne valait plus le coût


Tahiti, le 03 fevrier 2023 – Le premier salon du tourisme de 2023 a été inauguré vendredi. L’occasion pour tous les professionnels du secteur qui ont fait le déplacement de présenter leurs activités et promotions aux visiteurs. Un constat se dégage, cet événement très attendu est de moins en moins rentable pour les petits exposants venant des îles.
 
Qui dit premier week-end de février, dit premier salon du tourisme de l’année. Dès huit heures du matin vendredi, un flot de personnes en quête de réductions sur leurs futures vacances et activités n’a cessé de déferler sur le parc expo de Mamao où est organisé l’événement. Cette année, 262 stands, représentant diverses activités, pensions ou encore hôtels sont présents le temps d'un week-end forcément chargé. Pour les visiteurs autant que pour les professionnels du tourisme, c'est un événement très attendu. Cependant, d’après les principaux concernés, il devient au fil des années moins intéressant financièrement pour les petits exposants provenant des îles.
 
“La marge générée est vraiment mince”
 
Pour les exposants venant des îles, le salon du tourisme est devenu de moins en moins rentable. Et si les plus gros hôtels continuent à y trouver un intérêt économique, ce n’est pas toujours le cas des plus petites structures. “C’est mon 24e salon, a expliqué Jean-Jacques, qui possède un hôtel à Hiva Oa, le bilan du salon est mitigé pour nous. Quand nous étions en période difficile comme lorsque je suis arrivé sur l’île il y a 15 ans, on était bien content de s’assurer un minimum d’activité. Mais quand on tourne aussi bien que c’est le cas depuis quelque temps déjà, honnêtement, ça ne vaut pas le coup économiquement”. Un constat fataliste qui s’explique par plusieurs facteurs, “nous avons déjà un coût énorme pour venir sur Tahiti et au salon”. De plus les prix affichés sont “très promotionnels, de l’ordre de 20 à 30%. Donc ce n’est vraiment pas intéressant pour nous, la marge générée est vraiment mince. Je ne viens d’ailleurs plus qu’une fois par an contre deux avant”.

Même constat pour la plupart des sociétés proposants des activités ou excursions dans les différents archipels, le salon du tourisme et de moins en moins rentable pour eux, malgré la nécessité qu’il représente en matière de visibilité sur le marché local. “Le salon est un évènement important pour nous, nous le faisons chaque année” a témoigné Fréderic, gérant d’un club de plongée à Rangiroa. Pourtant pour lui aussi, le coût que représente le déplacement est très important, “même si nous avons des offres pour les vols, nous devons payer l’hôtel et la location d’une voiture, ça représente un sacré budget. De plus, la marge dégagée s’amincit d’année en année”. Un manque à gagner qui s’explique notamment par un nombre de réservations de moins en moins importants : “c’était plus que calme ce matin (vendredi ndlr), il y a moins de gens qu’autrefois et ceux qui font le déplacement achètent moins. L'inflation doit certainement jouer un rôle là-dedans” a rapidement témoigné Nathalie, qui tient un stand pour sa pension de Tubuaï.
 
Pour certains, le Salon du tourisme est même devenu un gouffre financier. “Lors du dernier salon, je me suis retrouvé à perte. Je ne pouvais pas me rembourser le prix du stand et les billets d’avion, nous a révélé Kenji, propriétaire d’un petit hôtel à Rimatara, “je continue à venir pour entretenir la visibilité et pour pouvoir discuter directement avec les clients et ne plus passer par les plateformes de réservations en ligne”.
 
Toujours rentable pour Tahiti et Moorea
 
A contrario de ceux qui ont fait le déplacement depuis les différents archipels de Polynésie, les exposants qui sont basés à Tahiti et Moorea carburent à plein régime lors des salons. Eux ont moins de frais, et proposent des services sur l’île où la quasi-totalité des visiteurs du salon habitent, bien plus pratiques pour vendre des activités types plongées, balades en bateau, journées en 4x4… “Je dégage toujours une bonne marge, c’est assez rentable. Nous avons au minimum trois mois de week-end de réservés à chaque salon” a expliqué Haunui, qui propose des sorties bateaux sur la Presqu’île. Un témoignage qui concorde bien avec ceux des autres exposants de Moorea comme Sylvie qui vient de lancer une pension sur l’île sœur : “C’est mon premier salon, et nous avons déjà eu pas mal de réservations ce matin, je suis vraiment contente du résultat”. Les îles très touristiques comme Bora Bora ne sont également pas touchées par le manque de réservations en raison de leur réputation et du nombre de touristes qui y séjournent.
 

Air Moana dans le grand bain

Le petit événement de ce Salon du tourisme était la première sortie publique de la nouvelle compagnie aérienne Air Moana. Pour la compagnie, dont les vols inauguraux sont prévus mardi, être présent au salon, c’est rassurer les futurs acheteurs. “Pour réserver, les gens ont besoin d’y croire et pour y croire ils avaient besoin de voir un avion sur le tarmac. Depuis les achats en ligne explosent. On espère également que notre présence ici va remplir nos calendriers de mars, avril, mai et juin”, a expliqué Karl Tefaatau, le président de la compagnie. Ce sont les Marquises qui sont à l’honneur à l’occasion ce ce salon, et Air Moana propose bien sûr des vols directs à destination de l’archipel : “Si on était une compagnie qui voulait faire de l’argent, on aurait privilégié Raiatea et Bora Bora, mais ce n’est pas dans notre ADN. On pense que l’on est un vecteur de développement de la Polynésie et il fallait donc à tout prix que dès l’ouverture, nous puissions aller aux Marquises. Dès que les aérogares seront prêtes sur les Australes, nous allons également desservir Tubuai et Rurutu” a continué le responsable d’Air Moana. Comme pour Air Tahiti, les offres du salon d’Air Moana sont sous réserve de réservation dans une pension ou un hôtel.
 

Fritch répond à Brotherson sur le nombre de touristes

Lors de l’inauguration du salon, le président du Pays a tenu un discours sur l’objectif de sa politique en matière de tourisme. Il est également revenu sur les propos tenus par Moetai Brotherson sur Radio 1, qui souhaite faire passer le nombre de touristes à “600 000” par an.
 
Présent pour l’inauguration du Salon du tourisme, Édouard Fritch a tenu à rappeler dans son discours sa politique en matière de tourisme qui se veut durable et écoresponsable. L’objectif est “d’un touriste pour un habitant” s’est-il également exclamé. Une position très éloignée de celle de Moetai Brotherson et du Tavini qui, dans une interview donnée à Radio 1 mardi, a évoqué sa volonté de passer à “600 000 touristes” par an, qu’il jugeait être un cap “raisonnable”. Pendant sa visite du salon, le président du Pays a répondu à cette annonce : “J’appelle ça de la démagogie. Je pense qu’on ne peut pas annoncer 600 000 touristes alors que nos structures d’accueil ne peuvent pas répondre à ce chiffre. Avec les 3 000 chambres que nous avons aujourd’hui, c'est impossible”. Le président du Pays a également tenu a alerté que le chiffre avancé par Moetai Brotherson risquait de “submerger” les Polynésiens.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Dimanche 5 Février 2023 à 15:59 | Lu 4450 fois