Et si la Polynésie devenait le centre de la recherche sous-marine mondiale ?


Lors de la réunion de la HUS en janvier à Paris. Sur la photo : Jean-Pierre Aimé, directeur de recherche au CNRS spécialisé dans les nanotechnologies bio-inspirées ; Lionel Rousseau, directeur de recherche à l'ESIEE, spécialisé en capteurs micro-électroniques ; Olivier Archambaud, président de la Human Underwater Society ; Kate Lambrechts, spécialisée dans la médecine hyperbare. (crédit photo : HUS)
PAPEETE, le 11 mars 2015 - Créer un centre de recherche sous-marine (dans le sens où il serait installé sous la surface de l'eau), c'est le projet un peu fou d'un passionné de plongée et entrepreneur installé en Polynésie depuis presque 10 ans. La Human Underwater Society rassemble des scientifiques et innovateurs du monde entier pour accélérer la recherche sur la plongée sous-marine… Et plus encore. L'espoir, à terme, est de créer dans les eaux polynésiennes le seul laboratoire sous-marin au monde.


Olivier Archambaud veut créer un "village technologique" en Polynésie, consacré à la recherche et à l'innovation sur la plongée sous-marine et plus généralement les relations entre l'homme et le milieu marin. Et si quelqu'un en Polynésie a une chance d'y arriver, c'est peut-être lui.

Il a ainsi participé à la création de 13 entreprises à travers le monde. Il fut par exemple le premier investisseur en 2011 dans la start-up américaine Bionik Laboratories, qui fabrique des exosquelettes pour permettre aux paraplégiques de remarcher. Il l'a accompagné dans son développement jusqu'à son entrée en bourse en début d'année (valeur aujourd'hui : environ 200 millions de dollars). Il a aussi longtemps travaillé dans le développement des pays pauvres, comme les 4 ans qu'il a passé à Madagascar à développer une industrie de la culture d'algues sous-marines pour le laboratoire Sanofi…


Olivier Archambaud, dans son élément (crédit photo : Olivier Archambaud)
Mais c'est surtout un passionné de plongée, et c'est pour ça qu'il vit en Polynésie depuis 2006. Il a vécu aux Tuamotu, mais en 2011 il est victime d'un problème de santé qui l'oblige à raccrocher la palme. "Ça m'a conduit à m'interroger sur le matériel de plongée que nous utilisons" se souvient-il.

Car toute la technologie de la plongée sous-marine utilisée aujourd'hui découle du scaphandre autonome développé par le commandant Cousteau (avec Émile Gagnan) dans les années 40. "Mais des seuils technologiques n'étaient pas encore dépassés à son époque, et les technologies découvertes depuis 10 ans ne sont pas mises au service de cette cause" nous assure Olivier Archambaud. Il parle ainsi des progrès de l'imagerie médicale, des nanotechnologies, des nouveaux matériaux qui sortent des laboratoires, de "l'approche biomimétique", de l'extraction de l'oxygène directement de l'eau de mer…

Le problème : il n'y a plus de gros moteur économique pour faire avancer la plongée sous-marine. Pendant longtemps ce fut l'industrie pétrolière qui finançait la recherche, mais désormais ses efforts se consacrent à la robotique, jugée moins risquée.

Créer une fondation pour donner un coup de fouet à la recherche

Olivier Archambaud a du coup rassemblé ses amis, des scientifiques et des innovateurs du monde entier (dont plusieurs polynésiens) travaillant sur ces sujets, et a commencé à travailler avec eux à la meilleure méthode pour favoriser un renouveau des technologies concernant "l'autonomie humaine dans l'eau".

Ils ont décidé de fonder la Human Underwater Society (HUS) en octobre dernier. Cette association a tenu sa première réunion à Paris, dans les locaux de la représentation polynésienne, en janvier. Pour l'occasion, c'est une vingtaine de passionnés, dont une douzaine de scientifiques et deux "développeurs d'applications", qui se sont rassemblés pour déterminer un plan d'action.

Le premier laboratoire sous-marin au monde, en Polynésie ?

Ces chercheurs, innovateurs et entrepreneurs ont décidé de commencer par créer un réseau pour mettre en contact tous les acteurs du secteur, et faciliter l'émergence et le financement de nouveaux projets. Le but sera donc d'abord de développer la recherche scientifique et le développement de nouvelles technologies "pratiques". Ensuite, quand la HUS aura fait ses preuves, viendra le temps de lever des fonds importants et de créer un "village technologique" incluant un incubateur de start-up, qui s'ouvrira à toutes les initiatives pouvant trouver une application en Polynésie.

"Nous sommes une association polynésienne, l'idée est donc d'apporter ces expertises et ces technologies aux Polynésiens. Et aussi de donner à la Polynésie française une place d'initiateur avec le seul laboratoire sous-marin au monde pour tester ces avancées" conclut Olivier. Il a déjà reçu le soutien du gouvernement polynésien et de la société Air Tahiti Nui, et à l'international le soutien et le partenariat de Dan Europe (une ONG médicale et de recherche internationale dédiée à la sécurité et à la santé des plongeurs).


Une loi pour attirer les start-ups internationales

Pour mener à bien son projet, la Human Underwater Society veut pouvoir se constituer en fondation pour attirer les donateurs internationaux, mais cette forme juridique n'existe pas encore en Polynésie. Elle aimerait aussi pouvoir créer un village technologique au Fenua pour attirer les start-up et les grosses entreprises technologiques mondiales, mais là encore aucun statut attractif n'existe. Enfin, Olivier Archambaud ne cache pas que l'ambitieux projet de la HUS aura besoin de forts soutiens politiques locaux et d'investisseurs du monde entier.

Les problèmes à surmonter

Pour réduire la barrière qui sépare l'homme de l'eau, la Human Underwater Society a identifié plusieurs blocages qu'il faudra surmonter, avec l'aide de la science :
- La respiration : les technologies utilisées aujourd'hui ont plus de 70 ans
- La santé : surveiller les indicateurs vitaux du plongeur, lutter contre l'apparition de bulles de gaz dans le sang…
- L'équilibre thermique : on se refroidit très vite dans l'eau
- La perception du milieu : comment adapter nos sens à l'exploration sous-marine
- La communication : entre plongeurs et avec la surface
- La protection contre les dangers dans l'environnement : les phénomènes météorologiques, les animaux dangereux, et même à long terme la montée et le réchauffement des eaux
- La production d'énergie et les déplacements sous l'eau : indispensables pour pouvoir créer un laboratoire sous-marin

L'avantage selon l'organisation est que la recherche dans ces secteurs a de nombreuses applications en dehors du monde de la plongée. Par exemple ces technologies pourraient permettre de désenclaver les iliens (surveillance des signes vitaux à distance, outils de communication), adapter les communautés aux changements climatiques (production d'énergie, protection contre les cyclones, fermes sous-marines), faire avancer la recherche médicale (échanges de gaz dans l'organisme)…


(and now in English:)

Could French Polynesia become the epicenter of world underwater research?

PAPEETE, 11th of March 2015 - Create an underwater research facility (as in: a facility located under the sea), that is the project of a diver and entrepreneur who came to Tahiti 10 years ago. A bold -and just a little crazy- objective. But before that, he helped create the Human Underwater Society, which assembles scientists and innovators from all around the world who all want to collaborate and accelerate research about diving… And a lot more beyond that.


Olivier Archambaud wants to create a “technology village” in French Polynesia, that will be dedicated to research on diving, and more broadly everything relating to humans and the sea. A big project, but he just might be the one who will be able to make it a reality.

After all, he already helped start 13 companies around the world. For example, he explains how he was the first investor in the american start-up Bionik Laboratories, which builds exoskeletons to help paraplegics walk again. He helped develop this activity until the company went public at the start of the year (market cap today : around 200 million dollars). He also worked in developing countries for quite a while. Like the 4 years he spent in Madagascar to create an industry of seaweed farming for the French pharma company Sanofi.

But first and foremost, he’s a diving nut. This is why he made Tahiti and her islands his home in 2006. He even favoured life in the Tuamotu Islands, an archipelago of small and isolated atolls east of Tahiti and Bora Bora, rich in coral-reefs, lagoons and sea life. But in 2011, a health problem forced him to lay down the fins. “It made me have a hard look at the diving equipment we use” he remembers.

All of our current diving technology comes directly from the AquaLung, invented by Jacques Cousteau himself (with Émile Gagnan) in the 40s. “But some technological milestones were still ahead of us at the time, and technologies developed in the past 10 years are not used for this cause” assures Olivier Archambaud. He talks about medical imagery, nanotechnologies, the new materials coming out of laboratories, “biomimicry approach”, oxygen extracted directly from seawater…

What he sees is the problem : the big economic incentive to drive progress in diving is gone. For a long time, the petrol companies funded this research, but now all their money goes to robotics, another promising new technology judged less risky.

A foundation to boost research

So Olivier Archambaud assembled his friends, scientists and innovators from around the world working on these themes. They started to work on a way to bring about a renewal of technologies favouring “human underwater autonomy”.

They founded the Human Underwater Society (HUS) last October, as a Polynesian non-profit organisation, aiming to become a foundation. Its first meeting was organised in January in Paris, at the offices of the “Polynesian representation” (French Polynesia is part of France, but largely autonomous). Around 20 enthusiasts assembled, including 12 top scientists and 2 “application creators”, to elaborate an action plan.

The world first underwater research facility

These scientists, innovators and entrepreneurs decided to start by creating a network joining every actor in this field, and to ease the emergence and financing of new projects. First, the goal will be to boost scientific research and the development of new and useful technologies. Then, when HUS will have made a name for itself, it will become time to raise bigger fundings and create the “technology village”, that will include a start-up accelerator. It would be opened to all the initiatives that could be tested or applied in Polynesia, explains the president of the HUS.

“We are a Polynesian non-profit organisation, thus our goal is to bring our expertise and all these technologies to the Polynesian people. French Polynesia would also gain the role of a world initiator, as the home of the only underwater laboratory where these high technologies will be invented and tested” concludes Olivier. He has already received the support of the Polynesian government and the air transport company Air Tahiti Nui. Internationaly, the Human Underwater Society is in partnership with DAN Europe (Divers Alert Network Europe), an international non-profit medical and research organization dedicated to the safety and health of divers, "mainly PhD Alessandro Marroni (DAN co-founder) and PhD Costantino Balestra (vice-president and director of research of DAN, co-founder of HUS)" insists Olivier Archambaud.

Now, to succeed the HUS will need that French Polynesia adapts its legislation to the knowledge economy, explains the ambitious Frenchman. He urges the small autonomous territory to pass laws facilitating the creation of start-up and the installation of tech companies. It would also be helpful if a long talked-about but never voted law introducing foundations to Polynesia were to be born… Finally, he admits that for his big dream to come true, he will need very strong support from the local government and international investors.



Problems to overcome

The reduce the barrier separating man from water, the Human Underwater Society identified various roadblocks that it hopes to overcome with science:
- Respiration: technologies used today are 70 years old
- Health: monitor vitals of the diver, stop gas bubbles from forming in the blood
- Thermal equilibrium: it gets cold very fast in the water
- Pereption of the environment: how do we adapt our senses to underwater exploration
- Communication: between divers and with the land
- Protection from environmental dangers: storms, animals, tides, climate change…
- Energy production: mandatory for an underwater laboratory

According to HUS, the benefit of this approach is that research in these sectors has a lot of applications outside of diving. For example, these technologies could help isolated islands (remote health monitoring, communication tools), adapt communities to climate change (energy production, submarine farms), advance medical research (gas exchanges in the body)...


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 11 Mars 2015 à 17:05 | Lu 4699 fois