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Essais cliniques : l'IA pour redonner une chance aux patients


FRANCOIS GUILLOT / AFP
FRANCOIS GUILLOT / AFP
Paris, France | AFP | mardi 17/03/2025 - Identifier le bon patient au bon moment, pour le bon essai clinique: l'intelligence artificielle vient faciliter le recrutement de participants aux études qui évaluent les nouveaux médicaments, un maillon faible de la recherche clinique.

"Les traitements en oncologie évoluent très vite. Le fait de participer à un essai clinique, c'est une potentielle chance de bénéficier d'un traitement qui ne sera disponible sur le marché que dans plusieurs années", explique à l'AFP Arnaud Bayle, oncologue médical à Gustave Roussy et un des co-fondateurs de la start-up Klineo qui favorise l'accès à des essais cliniques.

Faute de patients, le développement du potentiel médicament est alors ralenti ou parfois même bloqué si les études ne peuvent pas être menées.

Selon les entreprises du médicament (Leem), 85% des essais cliniques sont confrontés à des retards d'inclusion de patients.

Pour surmonter cet écueil qui leur coûte cher, de gros laboratoires pharmaceutiques ont donc commencé à signer des partenariats avec des start-up qui utilisent l'IA pour orienter les patients vers les essais qui leur correspondent.

Les françaises Klineo et PatLynk s'appuient sur différentes bases officielles qui référencent les essais cliniques.

Les algorithmes d'IA vont nettoyer, structurer et croiser ces données mises à jour automatiquement pour proposer aux patients des essais qui correspondent à leurs besoins. 

-Outil de +matching+ -

Généralement, un patient n'a la chance d'intégrer un essai clinique que si celui-ci est ouvert dans le centre hospitalier qui le suit. La plupart du temps, dans les grandes villes.

L'IA est ainsi perçue comme un moyen de démocratiser l'accès aux essais cliniques, indépendamment du lieu de résidence mais aussi de contribuer à une meilleure représentation de la diversité dans ces essais.

Au lieu de partir d'une étude pour ensuite chercher un patient, ce qui est habituellement pratiqué, "on part d'un patient pour aller trouver facilement l'étude qui lui convient", décode la jeune patronne de PatLynk, Elise Khaleghy.

"C'est fondamentalement un outil de +matching+" à partir de données sur la pathologie, l'âge, la localisation du patient, résume cette ingénieure.

"L'IA va générer des questions automatiques basées sur tous les critères d'inclusion et d'exclusion des études cliniques" dans le monde, poursuit-elle.

Cette technologie intervient aussi pour traduire le texte scientifique, dont l'anglais est la langue de référence, et le rendre le "plus intelligible pour les patients", ajoute la scientifique.

La plateforme, qui sera proposée gratuitement fin mars aux patients et médecins, se concentre pour l'heure sur une dizaine de pathologies dont Alzheimer, Parkinson, le cancer du sein, l'endométriose, ou le syndrome des ovaires polykystiques.

Inclure les biomarqueurs

Celle de Klineo, dédiée à la cancérologie, permet déjà au patient et au médecin "de trouver en quelques minutes un essai clinique classé par pertinence et par proximité géographique", en intégrant les compte-rendus médicaux, précise l'oncologue Arnaud Bayle.

Avec "une visibilité complète de tous les essais en France", le praticien peut faire "une demande en une seule fois pour plusieurs centres, ce qu'actuellement il ne fait pas, parce que c'est compliqué, fastidieux, chronophage de contacter chaque centre individuellement".

Et dès qu'un nouvel essai s'ouvre pour son patient, "celui-ci est notifié automatiquement", ajoute le spécialiste, qui prévoit d'étendre son outil à d'autres pays européens.

"Cela permet d'élargir notre capacité de recrutement" en oncologie, a confié à l'AFP le deuxième laboratoire français Servier, qui "teste la méthode" Klineo, en plus de ses partenariats avec Tempus aux Etats-Unis ou Omico en Australie.

"L'identification de patients est particulièrement complexe en cancérologie, surtout lorsque les études cliniques incluent des critères de sélection tels que la présence d'une mutation génétique ou d'un biomarqueur spécifique", souligne de son côté l'américain Amgen, interrogé par l'AFP.

Ce laboratoire soutient un projet (AIIPIK) utilisant un logiciel d'IA ayant permis, selon de premiers résultats, de trouver 23 patients contre six identifiés manuellement pour une étude clinique en oncologie.

Le logiciel intègre les compte-rendus d'hospitalisation, de consultation, d'imagerie médicale, y compris les biomarqueurs, de plus en plus utilisés en cancérologie.

"La méthode traditionnelle de recrutement dans les hôpitaux sera toujours d'actualité", assure Mme Khaleghy. "Là où on intervient, c'est pour aller chercher les patients qui n'auraient pas été identifiés par ce biais-là".

le Mardi 18 Mars 2025 à 05:09 | Lu 234 fois