Erika: la possible annulation de procédure suscite l'indignation générale


NANTES, 6 avr 2012 (AFP) - La cour de cassation pourrait annuler toute la procédure judiciaire du naufrage en 1999 du pétrolier Erika au large des côtes bretonnes, souillées par une marée noire géante, ce qui suscite la colère des élus, associations et acteurs de tous bords de ce dossier.

Dans son avis pour l'audience de la Cour de cassation prévue le 24 mai, l'avocat général, M. Boccon-Gibod, conclut à "la cassation sans renvoi" de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en faisant valoir que la justice française n'était pas compétente car le naufrage a eu lieu en dehors des eaux territoriales et parce que le navire qui transportait du carburant pour Total battait pavillon maltais.

"Toutes les remarques de l'avocat général avaient été évoquées en première instance et en appel par les représentants du navire", a indiqué à l'AFP la directrice de l'association bretonne Vigipol, Sophie Bahé, en ajoutant qu'une annulation serait "scandaleuse, mais pas aberrante".

Mais les avocats des collectivités territoriales dans le dossier Erika soulignent à l'inverse que "ce serait en vain qu'on dissocierait le lieu de survenance de celui des effets puisque c'est le délit de pollution et non le naufrage en tant que tel qui a été poursuivi", déclarent Me Jean-Pierre Mignard et Me Emmanuel Tordjman dans un communiqué commun.

Ces avocats ont également souligné qu'à ce stade, la décision n'était pas encore prise et que "seuls les magistrats de la chambre de la Cour de cassation sont souverains".

Une précision utile tant la publication de ce document a suscité l'indignation des élus, toutes tendances confondues, comme des associations.

"La Cour de cassation s'apprête à ramener la France 10 ans en arrière en matière de préjudice écologique", s'est inquiété Jacques Auxiette, président socialiste de la région Pays de la Loire. "Ce n'est pas normal qu'il n'y ait pas de condamnation de Total, même si c'est une entreprise qui crée beaucoup d'emplois", a souligné pour sa part Danielle Rival, maire UMP de Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique).

Pour Corinne Lepage, avocate de plusieurs communes du littoral, la question des indemnisations ayant été traitée séparément au civil, "ça ne change rien sur le plan financier, mais ça change tout pour la jurisprudence", a-t-elle souligné. "Qui aurait après ça un intérêt économique à faire de la sécurité?" a-t-elle relevé.

Eva Joly, candidate EELV à l'Elysée, a déclaré qu'il fallait "mettre un terme à cette machine infernale qui protège les plus grands pollueurs de cette planète au lieu de les faire payer".

En revanche pour l'avocat de Total, Me Daniel Soulez Larivière, l'analyse de l'avocat général de la Cour de cassation "conforte" ce que le groupe pétrolier avait dit au procès sur "l'incompatibilité entre les traités internationaux et le code pénal français".

Il a souligné que les "171 millions d'euros" de dommages et intérêts versés par Total aux parties civiles à l'issue du premier procès, en 2008, ne seraient pas remis en cause si la Cour de cassation suivait l'avis de l'avocat général, "pas plus que les 200 millions d'euros versés par Total", notamment pour le nettoyage des plages.

Le 12 décembre 1999, l'Erika avait fait naufrage au large de la Bretagne avec 37.000 tonnes de fioul à bord. Une marée noire avait touché 400 km de côtes bretonnes et vendéennes le 25 décembre.

La cour d'appel de Paris a confirmé, le 30 mars 2010, au plan pénal, les condamnations pour pollution maritime à l'encontre de la société de classification Rina, ainsi que du propriétaire et du gestionnaire du navire.

Elle a retenu contre Total SA une imprudence dans la sélection du navire, qui lui a valu une amende de 375.000 euros et Total s'est pourvu en cassation.

La Cour de cassation peut, ou non, suivre l'avis de l'avocat général. Sa décision ne sera pas forcément connue dès le 24 mai car elle peut la mettre en délibéré.

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Rédigé par Par Alexandra TURCAT le Vendredi 6 Avril 2012 à 06:27 | Lu 453 fois