Equateur: crises en cascade à l'approche de la présidentielle


Rodrigo BUENDIA / AFP
Quito, Equateur | AFP | jeudi 20/11/2024 - Coupures d'électricité à rallonge, économie chancelante, violence persistante des narcotrafiquants, tension politique... C'est un Equateur en profonde crise qui se prépare à l'élection présidentielle de février, à laquelle le président sortant Daniel Noboa apparaît pourtant favori.

"L'Équateur connaît une crise multidimensionnelle, à la fois économique, électrique et politique", résume à l'AFP Fernando Carrion, chercheur à la Faculté latino-américaine des sciences sociales (Flacso) de Quito.

"Il y a des défis à relever de tous les côtés", constate également l'analyste Alberto Acosta Burneo, du cabinet de conseil Spurrier Group.

La pire sécheresse depuis soixante ans a mis en péril les centrales hydroélectriques (qui fournissent 70% de l'électricité du pays), l'approvisionnement en eau potable ou encore la production agricole, faisant vivre un cauchemar au quotidien à de nombreux Équatoriens.

Dernier épisode: le pays a décrété lundi l"urgence nationale" pour soixante jours en raison du manque d'eau, de la sécheresse et des incendies de forêt, concentrés dans le sud, où plus de 40.000 hectares ont brûlé depuis le début de l'année, dont 10.000 en novembre.

Ces rationnements ordonnés par le gouvernement, entamés en avril et intensifiés en septembre, exaspèrent la population, confrontée au casse-tête des coupures d'électricité pouvant durer jusqu'à 14 heures par jour.

Ces coupures d'électricité ont déjà entraîné des pertes de 1,44 milliard de dollars, soit 1% du PIB, selon les organisations patronales, qui estiment à 12 millions de dollars le coût de chaque heure de délestage.

"Téléphone et internet régulièrement hors-service. Beaucoup de gens ont peur de sortir le soir", déplore Fabio Marotti, propriétaire du restaurant La Briciola, à Quito. "C'est une autre pandémie que nous vivons, une autre crise majeure".

L'économie équatorienne, dollarisée et dépendante d'une production pétrolière stagnante, est ainsi touchée de plein fouet, alors que le pays se trouvait déjà dans une "phase de croissance très faible", note l'analyste Acosta Burneo.

Les prévisions de croissance étaient de 0,9% en 2024, contre 2,4% en 2023. Le FMI ne prévoit finalement que 0,3%.

- "Très frustrante" -

Entre la Colombie et le Pérou, les plus grands producteurs de cocaïne au monde, ce pays de 17 millions d'habitants connaissait déjà depuis des mois une grave crise sécuritaire, alimentée par le narcotrafic et la violence des groupes criminels.

M. Noboa a adopté en janvier, après une nouveau pic de violences, de sévères mesures contre une vingtaine de gangs liés aux cartels internationaux, désignés comme "terroristes" et "belligérants". Sa stratégie a permis de réduire le nombre d'homicides et d'augmenter les saisies de drogue.

Cependant, la population conserve "un très fort sentiment d'insécurité", juge M. Carrion. Les massacres dans les prisons se poursuivent, le dernier en date mardi a fait au moins quinze tués, tandis que les enlèvements et l'extorsion saignent toujours le pays.

"C'est une période très frustrante", a reconnu M. Noboa, 36 ans, élu à l'automne 2023 plus jeune chef d’État de l'Histoire du pays sur la promesse d'en finir avec la violence des groupes criminels. "Je comprends que les gens soient frustrés, énervés".

A cela s'ajoute une crise politique avec la vice-présidente du pays, Veronica Abad, qui entretient des relations exécrables avec le président Noboa. Nommée ambassadrice en Israël et suspendue de ses fonctions, elle dénonce être victime de "persécution" et a effectué un retour fracassant en Equateur mercredi. 

"Les différentes crises" que connaît le pays "affectent la légitimité du président et ses aspirations à la réélection. Et probablement celle qui le touche le plus durement (...) est celle de l'électricité", estime M. Carrion.

Sa cote de popularité est passée de 85% en janvier à 42% en octobre, selon l'institut de sondage Opinion Profiles.

Malgré le contexte très défavorable, M. Noboa reste en tête des intentions de vote, avec une différence de quatre points avec  l'opposante de gauche Luisa Gonzalez, selon Informe Confidencial.

Son mandat de 18 mois s'achève en mai 2025. Il avait remplacé le conservateur Guillermo Lasso (2021-2023), parti prématurément après avoir dissous le Parlement et convoqué des élections anticipées afin d'éviter un procès en destitution sur des accusations de corruption.

La campagne présidentielle qui s'ouvre en janvier est déjà marquée par des menaces de mort à l'encontre des candidats. Plus de 30 hommes et responsables politiques ont été assassinés depuis l'année dernière.

le Jeudi 21 Novembre 2024 à 07:09 | Lu 217 fois