Environnement : le revers de la carte postale, en Polynésie


La 3e édition de l’analyse de l’état de l’environnement en Polynésie française vient d'être restituée. L'étude pose un diagnostic factuel de l’évolution des écosystèmes depuis 2007.
PAPEETE, 23 octobre 2015 – La troisième édition de "l’état de l’environnement en Polynésie française" présente en 350 pages un état des lieux dynamique des observations réalisées depuis 2007.

Le recueil réalisé sous l’égide de la direction de l’Environnement pose un diagnostic très factuel et assez complet de la situation de l’environnement en Polynésie française au regard de l’impact de l’activité humaine : Heremoana Maamaatuaiahutapu a présenté vendredi la nouvelle édition de "l’état de l’environnement en Polynésie française". C’est la troisième analyse du genre réalisée depuis 1995, le dernier ayant été publié en 2007.

Qualité de l’air, gestion des déchets, occupation du territoire, état de la pêche, agriculture, biodiversité, patrimoine naturel, pollutions diverses, qualité des eaux : les constats observent une dégradation générale étroitement liée à la répartition démographique, sur le territoire de la collectivité.

Des aménagements et une actualisation du Code de l’Environnement ont été annoncés par le ministre de même qu’un renforcement des moyens d’action et de répression des agents de la direction de l’environnement. Heremoana Maamaatuaiahutapu a profité de la conférence de presse organisée vendredi pour lancer un appel au civisme, compte tenu de la dégradation générale qu’observe ce diagnostic.

Le document est consultable en ligne.

Le bruit, un problème de voisinage

En 2013, la gendarmerie a enregistré plus d’une centaine d’interventions pour nuisances sonores. Sur la moitié de l’année, 678 plaintes pour tapage, dont 50 % à Papeete ont été déposées. 431 plaintes ont donné lieu à une ordonnance pénale avec amende (maximum de 18 000 Fcfp) et 107 ont été renvoyées devant le tribunal avec des amendes s’échelonnant entre 20 000 et 57 135 Fcfp. Les dommages et intérêts pour ceux qui s’étaient constitués partie civile, ont atteint un maximum de 80 000 Fcfp. Sur la commune de Pirae par exemple, 99 % des appels à la police étaient dus à de la musique trop forte.
En Polynésie française, parmi les bruits de voisinage, la majorité des nuisances sonores (57,7 %) est constituée par les habitations et les voitures boum-boum ou les amplificateurs de musique. La seconde source de bruit est due aux animaux (chiens et coqs, 13 %). Les autres sources sont les sports et loisirs et les établissements recevant du public (répétition de danse locale avec percussions par exemple), puis pour une faible part, l’artisanat, les commerces et l’industrie.

Le cas inquiétant des pesticides

L’institut de la consommation a procédé en 2007 et 2008 à des campagnes de prélèvements pour analyser les taux de 150 pesticides dans des produits locaux et importés. Près du tiers des produits analysés avaient des taux de pesticides supérieurs aux normes françaises (limites maximales de résidus de pesticides - LMR), le double de la proportion mesurée dans les produits importés. Parfois les valeurs sont inquiétantes, comme sur les salades locales dans lesquelles les taux d’un fongicide étaient 1 700 fois supérieurs à la LMR, ou ceux d’un insecticide 630 fois au-dessus de la limite maximale. Ces mêmes analyses sont réalisées au sein d’un laboratoire ILM-SDR, 2 fois par an, sur les produits de consommation courante, sur la base du volontariat des agriculteurs. Le SDR a investi dans des machines de précisions pour effectuer ces analyses en interne à partir de 2014. L’impact des pesticides sur les récifs est mal connu. Parmi les divers pesticides susceptibles de polluer les récifs coralliens, les herbicides paraissent a priori plus particulièrement redoutables.
Les importations d’insecticides sont en baisse continue depuis 2008, mais les importations de pesticides en général sont de nouveau en hausse depuis 2012. Elles atteignent plus de 700 tonnes par an. Cela reste 13 % de moins qu’en 2005.

La pollution de l’air à Tahiti seulement

La Polynésie française n’est pas affectée par les problèmes de pollution atmosphérique, à l’exception de la ville de Papeete et des vallées avoisinantes. Cela s’explique par l’étroitesse de la bande littorale, la forte densité de population, le réseau routier sursaturé par les embouteillages, la densité industrielle la plus élevée de Polynésie, le seul aéroport international et le seul port en eau profonde pouvant accueillir les cargos. Seule une étude réalisée par la SEDEP en 1999 s’est intéressée à la qualité de l’air en Polynésie française. Elle ne concerne que Papeete. Ses résultats montrent que les activités les plus génératrices et émettrices de polluants sont les transports et la production d’électricité par les centrales thermiques, ainsi que les activités industrielles avec combustion ou incinération. Le centre-ville de Papeete voit chaque jour plus de 100 000 véhicules traverser, stationner ou circuler ; à ce trafic intense s’ajoute la circulation interne des bus avec le moteur au ralenti durant de nombreuses heures de la journée. Les autres sources de pollutions sont les centrales de production électrique à partir de fuel ou de diesel.

Déchets en augmentation et traitement en baisse
Le gisement de déchets est en forte augmentation en volume, et concerne toujours plus de déchets moins dégradables et plus dangereux. La production de déchets est conforme à la répartition démographique : plus de 75 % sont produits chaque année sur Tahiti et Moorea.
Le gisement total d’ordures ménagères brutes est aujourd’hui estimé entre 70 et 83 400 tonnes/an. Selon une estimation faite en 2012, le gisement total de déchets de Polynésie serait compris entre 130 000 et 147 000 tonnes/an, soit 13 % de plus qu’en 2006.
Les coûts de gestion des déchets (collecte et traitement) ont été en 2012 de 28 700 Fcfp par tonne en moyenne, et 12 500 Fcfp par habitant/an.
Près de 40 % des déchets sont traités en 2013, ce qui représente une importante diminution comparé à 2005 (61 %). Le taux de recyclage progresse de 3,5 à 6 % du volume total de déchets. Le taux de captage a également augmenté à Tahiti, démontrant l’implication des communes dans le tri sélectif et le recyclage.

L’activité pêche centrée sur le marché local

Les produits de la pêche exportés en 2012 ont atteint une valeur de 1,6 milliard Fcfp pour un volume de 1 700 tonnes alors que les produits de la pêche hauturière pèsent 2/3 de la production totale et représentant 6 561 tonnes en 2013. Cette hausse est imputable à l’activité des thoniers de pêche fraîche dont la production augmente. La flotte hauturière concentre son activité dans un rayon de 400 miles nautiques autour de Tahiti depuis 3 ans. Une réflexion est engagée par le Pays pour favoriser la pêche congelée.
La pêche côtière enregistre une production record de 3 300 tonnes en 2012, avant d’accuser une légère baisse de 2 % en 2013.
La pêche lagonaire génère une production stable estimée à 4 300 tonnes par an environ. Dans les îles étudiées (Moorea, Tikehau), des signes de surexploitation des lagons apparaissent : taille des prises, diminution de la biomasse de certaines espèces et modification de la structure trophique, avec diminution des carnivores au profit des herbivores. Sur Tikehau, la richesse spécifique a diminué de manière significative entre 1987 et 2003 alors que la densité totale reste stable. Les pêches aux trocas, burgaux, holothuries ne sont autorisées que ponctuellement par les communes en faisant la demande. Les exportations de coquilles de nacres ont augmenté de 7,5 % en poids depuis 2006, tandis que leur valeur a perdu 38 %.

L’impact des nuisibles sur la biodiversité

Les espèces les plus menaçantes pour la biodiversité : Rat noir ; Merle des Moluques ; Miconia ; Tulipier du Gabon ; Bulbul à ventre rouge ; Euglandine ; Petite Fourmi de Feu ; Fourmi folle jaune (pas encore classée nuisible).
L’expansion du Miconia se poursuit et l’espèce a contaminé, depuis Tahiti, les îles de Moorea, Raiatea et Tahaa, et celles de Nuku Hiva et Fatu Hiva aux Marquises. Certaines plantes menacées par l’espèce sont considérées au bord de l’extinction. La lutte biologique contre le Miconia à partir d’un champignon pathogène spécifique a permis la régénération en sous-bois des plantes indigènes et endémiques et de freiner à 70 % de la régénération du Miconia.
Le rat noir (Rattus rattus) est la cause première de disparition des oiseaux dans tout le Pacifique. En Polynésie française, il menace d’extinction au moins 3 oiseaux terrestres endémiques, et s’attaque à plus de 56 plantes indigènes et endémiques (santal, Tiare ‘apetahi, etc).
La Fourmi électrique ou petite fourmi de feu est présente sur l’île de Tahiti depuis 1994. Les efforts de lutte permettent de repérer chaque année de nouveaux sites infestés : 12 colonies en 2005, 30 en 2007, 96 en 2014 avec de surcroît plusieurs colonies qui ont fusionné sur Tahiti. Actuellement, la PFF est présente sur les îles de Tahiti, Moorea et Rurutu.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 23 Octobre 2015 à 13:35 | Lu 5567 fois