Envie de dîner dans le noir? Un restau revendique un million de clients en 10 ans


PARIS, 11 octobre 2014 (AFP) - "Chez nous les gens confondent le thon et le veau, le canard et le boeuf". Lancé il y a 10 ans pour sensibiliser le public au handicap, le restaurant parisien "Dans le Noir" revendique un million de clients et fait des petits dans le monde.

Le principe: déjeuner ou dîner dans l'obscurité totale accompagné de "guides-serveurs" aveugles. C'est dans une démarche "rationnelle et pragmatique" qu'Edouard de Broglie a lancé ce projet, épaulé par l'association Paul Guinot pour les aveugles et les malvoyants.

Il a voulu prouver qu'"avec 50% de personnel en situation de handicap, sans aides, sans subventions, en étant une entreprise normale en milieu ordinaire", il est possible de "gagner de l'argent". Mission accomplie: avec 5 millions d'euros de chiffre d'affaires, le groupe Ethik Investment - auquel appartient "Dans le noir" - affiche une rentabilité de 12%.

Un tel succès tient, selon Edouard de Broglie, à la promesse d'"une expérience sensorielle différente". Les gens viennent d'abord "pour se marrer", explique-t-il. D'abord intimidés par cette plongée dans le noir, les clients s'animent, échangent leurs impressions, tâtonnent et, papilles stimulées, tentent de deviner le contenu de leur assiette.

Langoustines accompagnées d'un gaspacho de pastèque, turbot au lait d'amande et son risotto crémeux, canard au raisin frais, cheesecake à l'orange confite, les menus jouent subtilement avec les saveurs et les textures, valant au restaurant une recommandation du guide gastronomique Gault et Millau.

- Londres, Saint-Pétersbourg, Barcelone -

Parmi les nombreux clients, des chefs d'entreprise ont été séduits par l'approche. Désireux d'embaucher des travailleurs handicapés, mais confrontés à des difficultés lors de la mise en pratique, plusieurs d'entre eux ont sollicité Ethik Investment.

Le groupe a donc créé un département chargé de préparer les entreprises à l'accueil d'employés handicapés. Didier Roche, le directeur général, non-voyant, pilote l'initiative. Selon lui, une entreprise doit "prendre en compte" le handicap, tout en évitant de "tomber" dans certains "travers".

Pour Didier Roche, cela signifie que les travailleurs handicapés doivent être considérés "intrinsèquement" pour leurs compétences comme n'importe quel "salarié à part entière". Dans ce sens, le même département se consacre, depuis 2008, à l'accession des personnes handicapées à des diplômes d'Etat, "du CAP à l'école d'ingénieur (...), dans des secteurs aussi variés que l'esthétique, la banque, l'assurance, l'informatique, le management".

Certains cursus s'appuient même sur le handicap, qui devient "source de création de valeurs", selon les mots de Fabrice Roszczka, directeur adjoint d'Ethik Investment. Des non-voyants ont ainsi pu intégrer les centres de Recherche et de Développement de Danone ou L'Oréal après avoir suivi une formation d'analyse sensorielle "dans des écoles de pointe".

Après Londres, Saint-Pétersbourg, Barcelone, d'autres restaurants et franchises devraient voir le jour à Madrid et au Kenya. Le concept a été décliné avec l'ouverture de spas à Paris et Bordeaux. Des événements, conçus sur-mesure pour les entreprises, sont régulièrement organisés: sessions de recrutement, opérations marketing, lancement de produit, dégustations surprises. Chaque fois, dans l'obscurité totale.

Rédigé par () le Samedi 11 Octobre 2014 à 08:06 | Lu 1182 fois