Enseignes « ethniques » à Auckland : une source de malaise, selon un sondage


Avec ou sans traduction : les enseignes chinoises d’un quartier d’Auckland (Source photo : New Zealand Herald)
AUCKLAND, mercredi 16 mai 2012 (Flash d’Océanie) – La présence d’un nombre croissant d’enseignes « ethniques » ornant les commerces d’Auckland susciterait un « malaise » au sein de la population de la plus grande ville de Nouvelle-Zélande, selon un sondage publié en début de semaine par le quotidien New Zealand Herald.
Ce quotidien, dans son édition du mardi 15 mai 2012, publie les résultats d’une étude menée sur un échantillon de 8.100 personnes interrogées sur cette question et censées réagir à la présentation d’une série de photographies montrant des devantures de magasins ou d’entreprises d’Auckland arborant des panneaux dans une langue autre que l’Anglais.
Selon ce sondage, 39 pour cent des personnes interrogées exprime ressentir un « malaise », terme choisi dans le questionnaire à choix multiples.
Parmi les mêmes personnes interrogées, 40 pour cent pensent que ma meilleure alternative serait d’afficher une traduction en Anglais.
21 pour cent, par contre, n’y voient aucun problème, étant donné que ces panneaux devraient être reconnus comme un signe de la diversité de la société néo-zélandaise.
Le journal pousse plus loin son enquête avec des confidences de résidents de cette ville, interrogés alors qu’ils font leurs courses dans la rue commerçante de la ville, Queen Street.
Le quotidien rapporte notamment les propos d’une réceptionniste de 27 ans, qui déclare se sentir « comme une étrangère dans son propre pays », dans certaines rues où l’on peut voir une majorité d’enseignes en caractère chinois.
Point de vue divergent : celui du maire d’Auckland, Len Brown, qui estime que ces enseignes contribuent au « caractère unique » de sa ville.
« Tant que les chefs d’entreprises respectent les règlements et les arrêtés municipaux, ça ne me gêne pas de voir des enseignes dans des langues différentes (…) Ils pensent probablement que cela correspond à leurs clientèles et à leurs communautés (…) J’aimerais penser que la majorité des habitants d’Auckland comprennent cela », estime l’édile.
En matière de régulations des langues figurant sur les enseignes, la municipalité d’Auckland ne possède pas de texte ou d’arrêté particulier.
Position médiane et conciliante : celle exprimée par un membre de la communauté chinoise établie de longue date en Nouvelle-Zélande, Arthur Loo, Président de l’amicale de Chinois de la ville : tout en précisant que lui-même ne pratique qu’une seule langue, l’Anglais, et est incapable de déchiffrer les caractères chinois, il concède que « ce serait quand même bien » que les commerces tenus par des immigrants faisaient l’effort de « traduire en Anglais ce qu’ils ont à dire sur leurs panneaux ».
Ce sondage fait suite à une récente étude publiée par l’Université Massey de la même ville, dans laquelle les sociologues Robin Pearce et Ian Goodwin ont jeté leur dévolu sur une série de cinq cent photographies de « paysages linguistiques », tous pris dans des endroits-clés la ville.
L’étude, intitulée « La cosmopolitique des paysages linguistiques », fit notamment ressortir le fait que ces paysages communautaires, d’un côté, peuvent fournir une impression « confortable » pour les nouveaux arrivants dans le pays, mais qu’en revanche, ils peuvent constituer une source de gêne, voire de malaise, chez les habitants appartenant à une autre communauté.
Certaines personnes interrogées, dans cette étude, évoquent même un sentiment de « répugnance ».

La population asiatique de Nouvelle-Zélande en passe de dépasser les Maori

Depuis 2010, les Néo-zélandais classés dans la catégorie originaire d’Asie sont considérés comme étant sur le point, en tant que communauté, de devenir plus nombreux dans ce pays que les Maori indigènes, selon les statistiques officielles publiées par l’institut national Statistics New Zealand.
Dans ses derniers bulletins de projections démographiques, avec éclatement par groupe ethnique et communautaire, Statistics New Zealand estime ainsi que ce dépassement pourrait se produire à l’horizon 2025.
Selon ces extrapolations, le groupe d’origine asiatique, qui continue de croître à un rythme soutenu de 3,4 pour cent l’an, pourrait passer des quatre cent mille individus actuels à près du double (790.000).
Selon la terminologie néo-zélandaise, sont aussi bien classées dans cette communauté « asiatique » les personnes d’origine orientale et extrême orientale (Chine et Asie du Sud-est) que ceux d’origine indienne ou indo-fidjienne, qui représentent aussi une forte part de ce groupe.
Les principaux facteurs de croissance de cette communauté sont surtout de type migratoire.
Selon les mêmes projections, à ce stade, les Maoris indigènes, dont le nombre ne progresse que de 1,3 pour cent l’an au taux actuel, seraient alors sur le point d’être dépassés, avec un effectif officiel de 810.000, selon les mêmes sources.
Autre communauté en pleine croissance, mais dans des volumes encore moindres : les Néo-zélandais d’origine océanienne (Kiribati, Samoa, îles Cook, Tuvalu, Tokelau, Fidji, Tonga), qui représentent dès maintenant une importante communauté regroupe principalement à Auckland et dans sa grande banlieue et qui représenteraient, selon les mêmes projections, près de cinq cent mille personnes dans 15 ans.
Le taux de croissance de la communauté océanienne de Nouvelle-Zélande, qui s’appuie à la fois sur un facteur migratoire et un fort taux de natalité, est actuellement estimé à 2,4 pour cent l’an.
La cuillère de bois, dans ce classement, revient au groupe des immigrants historiques : ceux d’origine européenne, dont le taux de croissance actuel n’est plus que de 0,4 pour cent l’an.

Discriminations contre les Asiatiques

Mi-février 2012, la Commission néo-zélandaise chargée des questions de relations raciales (Race Relations Commission, qui dépend de la commission des droits humains) publiait un rapport rendant compte d’une étude menée tous les cinq ans auprès du grand public et selon laquelle environ trois quart des personnes interrogées estimaient qu’en matière de discriminations en tous genres, c’est le groupe de la catégorie « asiatique » qui serait le plus ciblé, plus que toute autre race.
Joris de Bres, qui préside cette commission, a aussitôt lancé un appel à des campagnes d’éducation du grand public concernant une communauté « significative » qu’il qualifie de « la plus récemment arrivée » en Nouvelle-Zélande.
La communauté asiatique est principalement installée à Auckland et dans sa grande banlieue, tout comme d’autres importants groupes ethniques d’origine océanienne (îles Cook, Samoa, Tonga, Fidji) qui ont conféré à cette ville néo-zélandaise le titre non officiel de capitale mondiale polynésienne.
Le Commissaire a par ailleurs rappelé que dans la terminologie néo-zélandaise, le terme « asiatique » comprend aussi bien les personnes originaires d’Asie continentale et du Sud-est que ceux originaires d’Inde, soit directement, soit via Fidji (une importante communauté indo-fidjienne est établie en Nouvelle-Zélande depuis le premier putsch à Fidji, en 1987).
« Il est temps que les communautés asiatiques soient reconnues tout comme les Maori, les Européens (Pakeha) et les communautés océaniennes, d’autant plus que cette communauté asiatique représente actuellement le quatrième du pays et celui qui se développe le plus rapidement », avait alors commenté le Commissaire, qui demande aussi plus de visibilité dans les médias et institutions, au plan national.

Racisme canin : un couple de Christchurch condamné agressions asianophobes en série

Mi-mars 2012, le tribunal du district de Christchurch (île du Sud) a condamné un couple de cette ville à une peine de huit mois de prison au motif qu’ils avaient été reconnus coupables d’avoir dressé leurs chiens à attaquer les passants « asiatiques ».
Au cours des audiences, il a été rappelé que ce couple avait des liens notoires avec des groupes d’obédience extrême droite.
Phillipa Ann Parker, 18 ans, et son ancien petit ami, Steven Brian Donaldson, 25 ans, ont tous deux plaidé coupables de chefs d’accusation portés contre eux.
Ils ont notamment reconnu plusieurs faits d’agressions caractérisées contre des passants d’origines vietnamienne, philippine et japonaise, courant 2011, à Christchurch et dans ses environs.
Lors d’une de ces agressions contre un jeune homme d’origine vietnamienne, la jeune accusée a reconnu les faits selon lesquels elle avait d’abord lancé à l’endroit du passant des propos racistes, puis ordonné à son chien, un mastiff, de « le tuer », avant qu’elle finisse par l’agresser elle-même à l’aide d’une bouteille de bière.
Quelques mois plus tard, le couple s’en est pris à un homme originaire des Philippines, sur lequel deux chiens ont été lancés.
Le même scénario s’est ensuite reproduit avec une Japonaise, qui a dû être hospitalisée à la suite d’une morsure de chien.
Outre la peine de prison qu’ils devront purger, pour « agression à main armée « (l’utilisation des chiens ayant constitué une arme, selon le raisonnement de la Cour), les chiens qu’ils ont dressés devront être euthanasiés, a par ailleurs ordonné le juge Colin Doherty.
« Vos actes n’ont pas fait honneur du tout à l’image de la Nouvelle-Zélande », a lancé le magistrat à l’attention des deux coupables.

pad

Document-ressource :
Le dernier rapport portant sur la perception des discriminations
http://www.hrc.co.nz/race-relations/annual-review-of-race-relations

Rédigé par PAD le Mardi 15 Mai 2012 à 22:41 | Lu 1036 fois