Enquête ouverte sur les dollars de Hiro Kelley


Hiro Kelley lors de son interview donnée à Tahiti Infos.
Tahiti, le 22 aout 2023 – Une enquête a été ouverte concernant les activités de l'ancien président du GIE Tourisme Moorea, Hiro Kelley. Celui-ci a été accusé sur les réseaux sociaux “d'arnaque aux dollars”. Un collectif de plaignants a été constitué où “39 victimes” sont recensées pour un préjudice avoisinant, assurent-ils, les “35 millions de francs”.
 
Hiro Kelley est dans le viseur de la justice. En effet, une enquête a été ouverte par la gendarmerie sur une potentielle “arnaque” que l'ancien président du GIE Tourisme de Moorea aurait montée. Celle-ci reposerait sur des propositions d'échanges de devises, francs pacifiques contre dollars américain, qu'il proposait à des taux très avantageux : 90 francs pour un dollar US. Sauf qu’il semblerait que les dollars n’aient régulièrement pas été reversés aux acquéreurs.
 
L'affaire est sortie au grand jour, le 8 août dernier, par le biais des réseaux sociaux. Plus précisément par Stéphane Philipponneau, un commerçant ayant voulu faire un échange de devises en prévision d’un voyage aux États-Unis. “J'avais entendu parler des taux qu'il proposait. Il fallait lui donner l'argent et après attendre quelques semaines pour qu'il nous donne nos dollars. Mais l'attente a duré plusieurs mois. J'ai dû poster une publication l'accusant d'arnaque pour récupérer mon argent. Ça a allumé la mèche.” En effet – surprise – à la suite de ce post, plusieurs personnes se sont manifestées, elles aussi visiblement victime de la magouille. À la suite de ça, Stéphane Philipponneau a alors monté un collectif de plaignants. Assurant même à Tahiti Infos ce mardi, avoir recensé “39 victimes” pour un préjudice avoisinant les “35 millions de francs”. “Des familles ont donné l'intégralité de leur budget vacances mais ils ont dû les annuler car Hiro Kelley n'a pas assuré le paiement comme convenu”, témoigne-t-il. Du côté de la gendarmerie, les “victimes” doivent être entendues prochainement, afin de déterminer la suite de cette affaire.
 
“J'ai fauté”
 
Au lendemain du post l'accusant d'arnaque, Hiro Kelley avait donné une interview à Tahiti Infos pour s'expliquer. Durant cet entretien, il avoue bel et bien proposer des échanges de devises, alors que cette activité est encadrée par le registre du commerce et des sociétés et de l'Autorité de contrôle, (voir encadré), en rejetant cependant toutes accusations de vol et ou d'arnaque de sa part. Il accuse simplement un retard de paiements à ses clients. “J'ai fauté, c'est vrai et je demande pardon. Je dois de l'argent. Je ne m'en cache pas. Mais je vais le rembourser. J'ai déjà vu avec ma banque pour faire un prêt”, a-t-il assuré au micro de Tahiti Infos.
 
Toujours selon le principal intéressé, de très nombreuses personnes auraient eu recours à ses services. 70 par an en moyenne. “Les gens étaient contents. J'établissais de vrais bons de commande, avec les noms, tarifs et signatures. C'étaient des échanges gagnants quand on connait le taux des banques.” Mais alors comment Hiro Kelley arrivait-il à se procurer des dollars aussi bon marché. Rien de plus simple pour lui. En effet, il en aurait profité, grâce à son statut de président du GIE Tourisme Moorea, pour effectuer des échanges de monnaie avec des touristes américains débarquant en Polynésie via les bateaux de croisière. Ainsi son système de change fonctionnait parfaitement en Polynésie, jusqu'à l'arrivée du Covid-19 et la diminution du flux de voyageurs. Compliqué alors pour lui d'assurer ses paiements. Et si l'activité maritime à bien repris depuis plus d'un an maintenant, impossible pour lui de couvrir les dettes qui se sont accumulées.
 
Blanchiment d'argent
 
Si Stéphanne Philipponneau invite toutes les personnes victimes de cette affaire à porter plainte de manière individuelle auprès de la gendarmerie, elles pourraient malgré tout s'exposer à des retombées judiciaires.  

En effet, comme cette activité est illégale, les personnes ayant eu recours aux services de l'ancien président du GIE Tourisme de Moorea pourraient être poursuivies pour blanchiment d'argent. “C'est le parquet qui va décider s'il décide par la suite d'ouvrir une enquête là-dessus”, déclare cependant le gendarme en charge de l'affaire. Il est en outre important de rappeler que des arnaques aux dollars sont nombreuses au fenua, notamment via des pages Facebook.
 

Le cadre légal de l'échange de devises

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Les échanges de devises sont encadrés du point de vue juridique. En effet, seuls les établissements de crédit sont habilités à réaliser des opérations de change manuel. Pour les personnes physiques ou morales, comme des bureaux de change, qui veulent exercer cette activité, il faut impérativement faire une déclaration d'activité auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ainsi que s'enregistrer au registre du commerce et des sociétés. Par conséquent, il est interdit d'exercer la profession de changeur, comme le faisait Hiro Kelley, sans effectuer la déclaration prévue par le code monétaire et financier et sans respecter la réglementation, notamment en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux, imposée aux changeurs. Même si l'ancien président du GIE Tourisme Moorea expliquait d'ailleurs réaliser ces échanges, exclusivement de personne à personne, cette activité est strictement interdite par la loi.

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 22 Aout 2023 à 18:48 | Lu 12357 fois