Coulé il y a 252 ans par les forces espagnoles près de la côte uruguayenne, le navire de guerre anglais Lord Clive renferme un trésor que Ruben Collado, un Argentin de 78 ans, sortira bientôt de l'eau.
Sous les remous marron du Rio de la Plata gît l'épave de ce navire long de 50 mètres, qui a sombré lors d'une bataille en 1763, avec dans ses cales un trésor de 100.000 pièces d'or.
Un stylo à la main, Ruben Collado trace une carte sur un morceau de papier. Il dessine la côte de la baie de Colonia del Sacramento, ville fortifiée située à 177 kilomètres à l'ouest de Montevideo, fondée par les Portugais en 1680 et aujourd'hui classée au patrimoine mondial de l'Humanité.
Sur cette carte improvisée apparaissent les îles de Farallon et de San Gabriel, visibles depuis une terrasse située du port et sur laquelle celui qui s'autoproclame "le Corsaire du Rio de la Plata" explique à l'AFP où se trouve le Lord Clive.
Ce chercheur de trésor sait ce qu'il fait: il a déjà sorti de l'eau une dizaine d'épaves.
Malgré l'anxiété, l'enthousiasme se lit sur son visage après dix ans à attendre l'autorisation d'aller repêcher le bateau anglais, finalement délivrée par l’État en février.
Il peut maintenant tenter de récupérer les 100.000 pièces d'or, les milliers de litres de rhum, les armes et autres vestiges de la sanglante histoire de la conquête de l’Amérique.
"Je suis un chercheur de trésor professionnel. Si l'épave que j'explore n'en cache pas un, les investisseurs n'alignent pas" l'argent, raconte Ruben Collado, précisant qu'il ne dispose pas du manifeste du navire - le document qui décrit la cargaison - et ne peut donc pas connaître exactement son contenu. Il a dû longuement enquêter pour rassembler les fonds.
S'il ne connaît pas la valeur de ce trésor, il sait déjà une chose: la moitié de tout ce qu'il trouvera sera attribuée à l’État uruguayen.
Selon lui, ce que contiennent les cales du navire vaut plusieurs centaines de millions de dollars.
- 'La chance c'est comme les trésors' -
Grâce à ses recherches, Ruben Collado a pu retracer l'histoire de ce navire britannique: le 6 janvier 1763, le Lord Clive se serait trop approché de Colonia del Sacramento.
Il était alors escorté par deux navires, le Gloria et l'Ambuscade, appartenant à la Compagnie des Indes britanniques et dirigeant une flotte de 11 navires marchands.
Ruben Collado estime qu'avec cette incursion, les Anglais souhaitaient apporter armes et équipement pour soutenir une insurrection contre la couronne espagnole et s'assurer le contrôle du commerce régional.
Le navire "avait une puissance de feu incroyable", raconte Ruben Collado. "Il disposait d'un important arsenal, un fabuleux trésor historique".
Malgré une force de feu impressionnante, avec trois étages de canons, le Lord Clive a payé le prix d'une erreur tactique: jeter l'ancre à 350 mètres de la côte, devenant ainsi une cible facile pour les canons ennemis.
Depuis la ville fortifiée, les forces espagnoles "trois heures durant, observent et préparent tout" puis "commencent à ouvrir le feu".
Les boulets britanniques, tirés de trop près, s'envolent au-dessus de la ville, et lorsque les canons sont abaissés, les tirs finissent dans le fleuve. "Les Espagnols intensifient alors le feu jusqu'à ce que le bateau commence à sombrer".
Ces derniers jours, l'équipe de Ruben Collado a délimité le périmètre de travail, pour une opération qui durera près de deux ans. Seulement six mètres d'eau séparent le chercheur des restes du navire.
Mais l'équipe devra d'abord retirer jusqu'à 100 tonnes de pierres que les habitants de Colonia ont déposées sur le navire pour qu'il ne soit pillé.
Puis il faudra enlever la boue qui emprisonne l'embarcation afin de pouvoir soulever le Lord Clive jusqu'à la superficie.
Qu'est-ce qui motive Ruben Collado ? "Quelque chose dans le cœur", dit-il à propos de son travail.
Il a passé 14 ans sur la piste d'un bateau qu'il aura finalement retrouvé par hasard, ou par chance, mais "la chance, il faut la chercher", dit-il. Comme les trésors.