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En Nouvelle-Calédonie, le géant du nickel et la pêcheuse de crabes font bon ménage


En Nouvelle-Calédonie, le géant du nickel et la pêcheuse de crabes font bon ménage
NOUMEA, 5 décembre 2011 (AFP) - "Ca fait mal de voir cette usine qui surplombe la mangrove, pourtant elle a amélioré ma vie", confie Paulette Poeni, pêcheuse de crabes de la tribu d'Oundjo dans le nord de la Nouvelle-Calédonie où une gigantesque usine de traitement de nickel est en chantier.

Comme toutes les femmes d'Oundjo sur la commune de Voh, à 300 km au nord de Nouméa, Paulette, dynamique quinqua, est une pêcheuse. Crabes, holothuries, picots, coquillages... le lagon est un garde-manger généreux.

Mais désormais, sa zone de pêche a changé de visage. Dans la baie de Vavouto, derrière les flots bleutés et les touffes de mangrove surgit une cathédrale de tuyaux. C'est l'usine que construisent le géant minier anglo-suisse Xstrata et son partenaire calédonien, SMSP (Société minière du sud pacifique), dirigée par les indépendantistes kanaks.

Symbole du rééquilibrage économique en faveur des populations kanaks, cette unité de 5 milliards de dollars US, d'une capacité de 60.000 tonnes annuelles de nickel, exploitera à compter de fin 2012 le richissime massif du Koniambo.

Projetée dans la mondialisation, la vie des villages et des tribus kanaks est chamboulée par ce développement accéléré et les milliards investis.

"La plupart des jeunes des tribus ont été embauchés à l'usine. Maintenant on ne les voit plus sur le bord des routes aller aux champs avec un sabre d'abattis", explique Paulette Poeni, regrettant que le dialecte local, le "boato", soit aussi de moins en moins usité.

Avec le salariat, elle observe que des valeurs fondatrices de la société kanak comme la solidarité entre les générations, le partage communautaire ou le respect des anciens se perdent.

"Aujourd'hui, c'est l'argent d'abord. On devient plus individualiste", souligne-t-elle.

-- "Un bateau, c'est le paradis" --

Pourtant, Paulette Poeni, veuve, se réjouit de la construction de cette usine, voulue par sa communauté, car elle lui a permis de multiplier ses activités et d'améliorer sa vie quotidienne.

"Avant, les colporteurs nous achetaient le kilo de crabes à 500 ou 700 francs (4 à 6 euros). Maintenant comme il y a plus de clients, les femmes se sont associées et ont fixé le prix à 1.000 francs".

Sur le bord de la route, Koniambo Nickel, la coentreprise industrielle, a construit un petit marché, fraîchement peint, où les femmes vendent leur pêche deux fois par semaine.

Lors de l'étude d'impact du port de l'usine, Paulette Poeni, qui connaît la zone comme sa poche, avait été embauchée pour faire des relevés d'algues en mer.

Elle continue sa mission aujourd'hui en collectant des graines et en replantant de la mangrove sur certains sites autour de l'usine. Le programme financé par l'industriel doit compenser les 4,5 hectares de palétuviers détruits avec le dragage du port.

Grâce à ces revenus, la pêcheuse a pu faire un microcrédit et s'acheter un bateau à moteur de 5 mètres.

"Avant, je pêchais avec un sac dans le dos, et je faisais des kilomètres à pied pour aller jusqu'aux palétuviers. Avec un bateau, c'est le paradis!", confie Paulette Poeni dans un éclat de rire.

Pour entretenir le vaste terrain autour de sa petite maison, elle s'est aussi offert une tondeuse et une débroussailleuse. Et bientôt, si l'argent continue de rentrer, elle construira "une cuisine kanak" dehors pour cuire au feu de bois.

"Ce n'est plus la vie d'avant!", lance l'habitante de la tribu d'Oundjo.


L'usine de nickel Koniambo: symbole du rééquilibrage en Nouvelle-Calédonie

En Nouvelle-Calédonie, le géant du nickel et la pêcheuse de crabes font bon ménage
L'usine métallurgique de nickel Koniambo, qui entrera en production fin 2012 dans le nord de la Nouvelle-Calédonie, est le symbole du rééquilibrage économique et géographique de cet archipel, jadis en proie à des violences entre Kanaks et Européens.

"Notre objectif est d'avoir la première coulée au dernier trimestre 2012. Nous sommes tout à fait dans les délais prévus", a récemment déclaré Ian Pearce, patron d'Xstrata Nickel, affirmant que l'objectif de 60.000 tonnes annuelles de nickel serait atteint en 2015.

Le cinquième producteur mondial est associé à hauteur de 49% dans le projet Koniambo, avec la Société minière du Sud Pacifique (51%), fililale de la province nord de Calédonie, gérée par les indépendantistes kanaks.

Cette usine a fait l'objet à la fin des années 1990 d'un long combat des indépendantistes, qui sont parvenus, avec l'appui de l'Etat, à mettre la main sur le riche massif du Koniambo, jusqu'alors propriété du groupe français Eramet.

Implantée à 300 km au nord de Nouméa, dans une région agricole et tribale, l'unité est la pièce maîtresse de la politique de rééquilibrage économique en faveur des populations kanaks et de rééquilibrage géographique, alors que le sud concentre 75% de la population et des richesses.

Dans la zone VKP -initiales des trois villages voisins de l'usine Koniambo: Voh, Koné, Pouembout- un pôle urbain, qui devrait compter 15.000 habitants en 2015, est en train d'émerger.

Quelque 5.000 personnes de 32 nationalités travaillent actuellement sur le chantier Koniambo, qui comprend une centrale électrique au charbon, un port et une usine métallurgique.

Le marché mondial du nickel, indispensable à la fabrication d'acier inoxydable, représente environ 1,4 million de tonnes et est essentiellement tiré par la croissance chinoise.

cw/rh/jlc

Rédigé par Par Claudine WERY le Lundi 5 Décembre 2011 à 05:04 | Lu 1882 fois