OSLO, 28 novembre 2013 (AFP) - Répit salutaire pour une société habituée à courir contre la montre, la "slow TV" bat des records d'audience en Norvège avec des heures, voire des jours entiers d'images de paysages, de tricot ou de pêche.
Adieu intrigues haletantes et coups de théâtre: la chaîne publique norvégienne NRK propose occasionnellement de suivre, en prime time, le voyage au très long cours d'un paquebot le long des fjords ou un feu de bois qui crépite.
Pouvant durer jusqu'à... 134 heures sans interruption, ces programmes forment un genre télévisuel nouveau, la "slow TV", une sorte de "téléscargot" dont la Norvège a fait sa spécialité.
"C'est de la télé-réalité au sens littéral du terme: quelque chose d'authentique, que l'on montre en temps réel et sans condensé", explique Rune Moeklebust, directeur d'unité de programme chez NRK.
Le ballon d'essai remonte à 2009. A l'occasion du centenaire de la ligne ferroviaire qui relie Bergen et Oslo à travers des paysages époustouflants, l'idée est lancée de retransmettre le périple à l'aide de caméras embarquées -- et d'images d'archives pour occuper l'antenne pendant les traversées de tunnel.
Originale, facile à mettre en oeuvre et bon marché, la proposition séduit la direction du groupe audiovisuel public qui, affranchi des contraintes pesant sur les chaînes commerciales, peut se permettre ce genre d'expérimentation sur l'un de ses deux canaux nationaux.
Le succès est inespéré. Environ 1,2 million de personnes, près du quart de la population norvégienne, suivront au moins une partie du voyage de 7 heures et 16 minutes sur NRK2.
Express côtier et "slow TV"
"Quand j'ai demandé quelques jours plus tard si je pouvais emprunter les ondes pendant cinq jours et demi pour diffuser en direct depuis l'Express côtier (un paquebot qui croise le long du littoral norvégien, ndlr), on m'a répondu +oui, bien sûr+", témoigne M. Moeklebust.
C'est un succès retentissant. Quelque 3,2 millions de téléspectateurs suivent --ponctuellement -- la croisière. Des centaines de badauds se massent dans les ports de relâche et, quand le paquebot croise le yacht royal, la reine Sonja en personne se poste sur le pont pour saluer les téléspectateurs.
Hypnotisé, Knut Grimeland, 82 ans, restera scotché à son téléviseur quasi sans interruption. "C'est difficile de calculer combien d'heures j'ai dormi mais pas beaucoup", a-t-il confié à NRK. "J'ai un peu piqué du nez sur le canapé de temps en temps mais je n'ai pas utilisé mon lit pendant cinq jours".
Une nuit, au coup de sifflet d'embarquement, il se précipite dans l'escalier, ne réalisant qu'une fois arrivé à l'étage qu'il n'est pas du voyage.
Au terminus du programme Bergen-Oslo en train, un autre téléspectateur est tellement persuadé d'être un passager qu'il se prend dans les rideaux de son salon en se levant pour récupérer son sac imaginaire.
"Quand la plupart des chaînes optent pour les mêmes programmes formatés ayant recours aux mêmes ressorts, il est tentant de s'engouffrer dans une niche qui va à contre-courant", décrypte Arve Hjelseth, sociologue à l'Université de Trondheim.
"La +slow TV+, c'est pour les gens l'occasion de se poser, de se détendre, de méditer", ajoute-t-il.
À côté des grands voyages depuis chez soi, NRK offre des émissions de "téléscargot" thématique, explorant la pêche au saumon, l'art du feu de bois ou encore le tricot sous toutes les facettes.
La recette est rodée. A une très longue séquence consacrée aux paroles d'experts et perspectives historiques succède une deuxième séquence, encore plus longue, de mise en pratique en temps réel: début novembre, NRK a ainsi disséqué la confection d'un pullover en huit heures et 35 minutes, de la tonte du mouton à la dernière maille.
"La +slow TV+ attire toutes les catégories de population: les jeunes intrigués par le côté inédit et insolite de la chose et un public plus âgé que le thème proposé ou le voyage intéressent", affirme M. Moeklebust.
Preuve que la notion de lenteur n'est pas la même partout, aux États-Unis le périple de l'Express côtier a été réduit à un programme... d'une heure.
Populaire, le genre n'est pas du goût de tous.
"Affreusement ennuyeux", tranche Trond Blindheim, recteur de l'Ecole de management d'Oslo. "Que dire de sensé sur des gens qui se collent à leur téléviseur pour regarder la proue d'un bateau et des personnes qui agitent leurs bras sur la rive", confie ce sociologue de formation.
Mais NRK a d'autres projets dans ses cartons. M. Moeklebust confie caresser l'idée de faire un programme sur le temps en disséquant la fabrication d'une horloge puis en filmant le temps qui s'écoule.
"Quand quelqu'un me dit qu'on ne peut pas montrer ça à la télévision, (...) je me dis qu'on tient quelque chose", s'amuse-t-il.
Adieu intrigues haletantes et coups de théâtre: la chaîne publique norvégienne NRK propose occasionnellement de suivre, en prime time, le voyage au très long cours d'un paquebot le long des fjords ou un feu de bois qui crépite.
Pouvant durer jusqu'à... 134 heures sans interruption, ces programmes forment un genre télévisuel nouveau, la "slow TV", une sorte de "téléscargot" dont la Norvège a fait sa spécialité.
"C'est de la télé-réalité au sens littéral du terme: quelque chose d'authentique, que l'on montre en temps réel et sans condensé", explique Rune Moeklebust, directeur d'unité de programme chez NRK.
Le ballon d'essai remonte à 2009. A l'occasion du centenaire de la ligne ferroviaire qui relie Bergen et Oslo à travers des paysages époustouflants, l'idée est lancée de retransmettre le périple à l'aide de caméras embarquées -- et d'images d'archives pour occuper l'antenne pendant les traversées de tunnel.
Originale, facile à mettre en oeuvre et bon marché, la proposition séduit la direction du groupe audiovisuel public qui, affranchi des contraintes pesant sur les chaînes commerciales, peut se permettre ce genre d'expérimentation sur l'un de ses deux canaux nationaux.
Le succès est inespéré. Environ 1,2 million de personnes, près du quart de la population norvégienne, suivront au moins une partie du voyage de 7 heures et 16 minutes sur NRK2.
Express côtier et "slow TV"
"Quand j'ai demandé quelques jours plus tard si je pouvais emprunter les ondes pendant cinq jours et demi pour diffuser en direct depuis l'Express côtier (un paquebot qui croise le long du littoral norvégien, ndlr), on m'a répondu +oui, bien sûr+", témoigne M. Moeklebust.
C'est un succès retentissant. Quelque 3,2 millions de téléspectateurs suivent --ponctuellement -- la croisière. Des centaines de badauds se massent dans les ports de relâche et, quand le paquebot croise le yacht royal, la reine Sonja en personne se poste sur le pont pour saluer les téléspectateurs.
Hypnotisé, Knut Grimeland, 82 ans, restera scotché à son téléviseur quasi sans interruption. "C'est difficile de calculer combien d'heures j'ai dormi mais pas beaucoup", a-t-il confié à NRK. "J'ai un peu piqué du nez sur le canapé de temps en temps mais je n'ai pas utilisé mon lit pendant cinq jours".
Une nuit, au coup de sifflet d'embarquement, il se précipite dans l'escalier, ne réalisant qu'une fois arrivé à l'étage qu'il n'est pas du voyage.
Au terminus du programme Bergen-Oslo en train, un autre téléspectateur est tellement persuadé d'être un passager qu'il se prend dans les rideaux de son salon en se levant pour récupérer son sac imaginaire.
"Quand la plupart des chaînes optent pour les mêmes programmes formatés ayant recours aux mêmes ressorts, il est tentant de s'engouffrer dans une niche qui va à contre-courant", décrypte Arve Hjelseth, sociologue à l'Université de Trondheim.
"La +slow TV+, c'est pour les gens l'occasion de se poser, de se détendre, de méditer", ajoute-t-il.
À côté des grands voyages depuis chez soi, NRK offre des émissions de "téléscargot" thématique, explorant la pêche au saumon, l'art du feu de bois ou encore le tricot sous toutes les facettes.
La recette est rodée. A une très longue séquence consacrée aux paroles d'experts et perspectives historiques succède une deuxième séquence, encore plus longue, de mise en pratique en temps réel: début novembre, NRK a ainsi disséqué la confection d'un pullover en huit heures et 35 minutes, de la tonte du mouton à la dernière maille.
"La +slow TV+ attire toutes les catégories de population: les jeunes intrigués par le côté inédit et insolite de la chose et un public plus âgé que le thème proposé ou le voyage intéressent", affirme M. Moeklebust.
Preuve que la notion de lenteur n'est pas la même partout, aux États-Unis le périple de l'Express côtier a été réduit à un programme... d'une heure.
Populaire, le genre n'est pas du goût de tous.
"Affreusement ennuyeux", tranche Trond Blindheim, recteur de l'Ecole de management d'Oslo. "Que dire de sensé sur des gens qui se collent à leur téléviseur pour regarder la proue d'un bateau et des personnes qui agitent leurs bras sur la rive", confie ce sociologue de formation.
Mais NRK a d'autres projets dans ses cartons. M. Moeklebust confie caresser l'idée de faire un programme sur le temps en disséquant la fabrication d'une horloge puis en filmant le temps qui s'écoule.
"Quand quelqu'un me dit qu'on ne peut pas montrer ça à la télévision, (...) je me dis qu'on tient quelque chose", s'amuse-t-il.