En Cornouailles, les surfeurs vent debout contre un projet minier en mer


ST AGNÈS, 16 août 2013 (AFP) - De leur passé minier, les Cornouailles n'ont pas seulement gardé de pittoresques cheminées de pierre, vestiges des mines juchées sur les côtes de cette région à la pointe sud-ouest de l'Angleterre: elles ont aussi hérité de milliers de tonnes d'étain gisant au fond de la mer.

"Il y a 22.000 tonnes d'étain ici", explique Mike Proudfoot, ingénieur des mines et directeur général de Marine Minerals Ltd, en balayant de la main la mer Celtique depuis le site de Wheal Coates, une ancienne mine située sur la côte nord des Cornouailles.

Ce sont les restes de déchets miniers déversés dans les rivières quand l'extraction d'étain battait son plein dans la péninsule aux 18e et 19e siècles, qui ont été charriés jusqu'à la mer et réduits à l'état de petits grains par les courants.

De ces déchets, Mike Proudfoot entend tirer profit: ce métal utilisé dans l'électronique (téléphones portables, tablettes) vaut actuellement près de 22.000 dollars la tonne, moins que son record de 33.600 dollars datant d'avril 2011 mais toujours cher historiquement.

D'autres ne l'entendent pas de cette oreille: son projet rencontre l'opposition des surfeurs habitués des plages des Cornouailles, qui s'inquiètent de l'impact potentiel sur l'environnement et le tourisme, principal pourvoyeur d'emplois dans cette ancienne région industrielle.

"Toute la côte nord des Cornouailles est extrêmement importante pour le tourisme, donc tout ce qui pourrait affecter le secteur doit être pris très au sérieux", prévient Tony Flux, conseiller pour les côtes du sud-ouest de l'Angleterre auprès de la fondation The National Trust, en charge de la protection du patrimoine historique.

"Les sédiments (où se trouve l'étain) forment des bancs de sable qui permettent aux vagues de se briser d'une certaine façon qui est idéale pour surfer", explique Andy Cummins, directeur de campagne de l'association de défense de l'environnement Surfers Against Sewage.

"Dans le passé, un projet similaire a eu un impact nuisible sur la qualité du surf", se souvient-t-il, rappelant les derniers chiffres officiels sur l'industrie du surf dans la région, qui datent d'une dizaine d'années (64 millions de livres de revenus annuels et 1.600 emplois).

En effet, Mike Proudfoot, un sud-africain habitant la région depuis les années 1970, n'en est pas à son coup d'essai. Il avait déjà essayé de récupérer cet étain au début des années 1980, mais avait été interrompu par une brutale chute des prix.

A ses opposants, il rétorque que sa méthode d'extraction sera différente: "dans les années 1980, nous utilisions le dragage", qui consiste à aspirer de grandes quantités de sable, ce qui abaisse le niveau des plages et endommage la vie marine, mais là "nous ne prélèverons que 5%" des sédiments concernés, détaille-t-il.

Des robots aspireraient les sédiments qui seraient filtrés in situ sur un bateau de façon à ce que 95% soient presque immédiatement remis à leur place. Les 5% restants seraient triés dans une usine.

Craintes pour l'environnement

"Pour moi, cette société jette peut-être de la poudre aux yeux des gens en disant qu'il s'agit d'une nouvelle méthode. Ça ne sera qu'une variante d'une ancienne méthode", juge, sceptique, Matt Arnold, un surfeur de 22 ans tout juste diplômé comme ingénieur des mines, venu profiter des vagues à Porthtowan.

Certains craignent également que le soulèvement de ces sédiments n'affecte l'environnement marin et la qualité de l'eau.

"Nous avons probablement les plus belles plages du Royaume-Uni et l'eau la plus pure donc si l'on détruit cela, on détruit la spécificité des Cornouailles", s'inquiète Steve, un cinquantenaire habitant du port de St Ives, dont la célèbre baie serait également touchée par le projet.

L'étain étant généralement associé à d'autres métaux lourds, "il est très important que la méthode d'extraction garantisse qu'aucun élément chimique polluant ne soit libéré", pointe Tony Flux.

Mike Proudfoot assure que les premiers échantillons prélevés n'ont révélé qu'une "présence minime" d'arsenic, de 1 millionième, et pas de mercure.

"Nous ne mènerons pas ce projet à bien s'il n'est pas acceptable en termes sociaux et environnementaux", rappelle le sud-africain, dont la société consacre 500.000 livres (environ 583.000 euros) à une étude d'impact environnemental.

Si Marine Minerals obtient la licence d'exploitation, l'extraction pourrait commencer en 2015 et durer dix ans.

Rédigé par Par Jessica BERTHEREAU le Jeudi 15 Aout 2013 à 21:09 | Lu 243 fois