Électricité : Nouvelle donne dans les îles


Tahiti, le 22 août 2022 – Alors que Rangiroa est en passe de s'engager avec son futur délégataire pour sa concession électrique et que Rurutu entend rejoindre la Société publique locale des Raromatai pour la gestion de son service public de l'électricité, la stratégie énergétique des îles éloignées a été profondément marquée par la réforme de la péréquation des tarifs de l'électricité et les objectifs en matière d'énergies renouvelables.
 
Il y a trois ans, dix communes polynésiennes planchaient sur le renouvellement de leurs concessions de délégation du service public de l'électricité. Toutes passées avec EDT. Dans le détail : Moorea, Taha'a, Huahine, Tumara'a, Taputapuatea, Rangiroa, Rurutu, Hiva Oa, Nuku Hiva et Ua Pou. Après bien des péripéties administratives pour chacune d'entre elles, les choix stratégiques opérés par ces municipalités se sont avérés aussi variés qu'inattendus. Une nouvelle donne pour l'énergie dans les îles, permise par la réforme de la péréquation des tarifs de l'électricité et guidée par des objectifs extrêmement ambitieux de progression de l'énergie renouvelable…
 
Rangiroa et Rurutu se positionnent
 
Sur ces dix communes évoquées précédemment, seules deux gardaient encore le mystère complet sur leurs orientations pour la fin de concession prévue pour le 30 septembre 2022 : Rangiroa et Rurutu. La première a voté la semaine dernière en conseil municipal pour le choix d'un nouveau délégataire dans le cadre d'une procédure assez classique d'appel d'offres. Difficile pourtant d'avancer avec certitude sur le choix du candidat finalement retenu. Selon nos informations, c'est Électricité de Polynésie (EDP) qui a remporté le vote des élus de Rangiroa. La société EDP étant la filiale créée par EDT spécifiquement pour répondre à ce type d'appels d'offres dans les îles. Pourtant, le maire de la commune, Tahuhu Maraeura, refuse catégoriquement de confirmer l'information. Le tāvana veut attendre que les recours des candidats déçus soit purgés et surtout que le haut-commissariat n'invalide pas le choix de la commune. “Rien n'a encore été signé”, martèle uniquement Tahuhu Mareura. Ce qui est parfaitement exact à l'heure actuelle.
 
Sur Rurutu, la donne est toute autre. De sources concordantes, la commune s'oriente vers le choix assez inattendu de déclarer son appel d'offres infructueux pour s'engager avec la Société publique locale (SPL) Te Uira Api no Raromatai. La SPL qui gère actuellement l'électricité en régie mutualisée pour les quatre communes de Taha'a, Huahine, Tumara'a et Taputapuatea. L'opération est même encore plus ambitieuse, puisqu'elle consisterait à intégrer la commune de Rurutu dans le capital de la SPL des Raromatai qui évoluerait en une nouvelle entité baptisée “Te ito no te mau motu”. Là-aussi, rien n'est encore signé. Mais les maires impliqués dans l'actuelle SPL des Raromatai font actuellement un lobbying intensif auprès de plusieurs autres tāvana pour les convaincre que l'union fait la force. Affaire à suivre donc…
 
Péréquation et énergie renouvelable
 
Pour recontextualiser le sort des huit autres communes concernées, on rappellera notamment que Moorea-Maiao a fait le choix d'une gestion en régie directe qui doit débuter à l'issue de l'actuelle concession passée avec EDT au 1er janvier 2023. On l'a dit, Taha'a, Huahine, Tumara'a et Taputapuatea ont choisi en début d'année 2022 l'organisation inédite de la SPL, finalement validée par un avis du tribunal administratif de Papeete. Et enfin, les trois communes des Marquises ont gagné un répit de deux ans pour mutualiser leurs services publics de l'énergie via leur communauté de commune (Codim), en actant le 31 décembre dernier une nouvelle prolongation de deux ans de leurs concessions avec EDT.
 
Difficile d'imaginer il y a trois ans que les communes polynésiennes en arriveraient aujourd'hui à cette diversité de choix. De ce seul point de vue, l'instauration par le Pays d'une péréquation des tarifs de l'électricité courant 2021 a eu l'effet escompté. Celui de favoriser l'émergence de la concurrence dans le secteur et de donner davantage de latitudes aux communes pour leur service public de l'électricité. Une limite est néanmoins pointée du doigt par les professionnels de l'énergie au fenua, aujourd'hui sollicités tant en prestation qu'en tant que candidats aux appels d'offres par les communes. Cette péréquation est encore trop souvent perçue par les élus municipaux comme une manne financière permettant de faire baisser les prix de l'électricité pour leurs administrés.
 
Pour autant, il serait également réducteur de considérer que les communes des îles abordent la problématique de l'énergie sous le seul angle de la grille tarifaire. Les dix communes citées précédemment se fixent en effet toutes les mêmes objectifs extrêmement ambitieux en matière de part des énergies renouvelables (EnR) dans leur mix énergétique. Celui de 75% d'EnR d'ici 2030, également voulu par le Pays. Qu'il s'agisse de choix actés dans les schémas directeurs des communes ou d'arbitrages données aux bureaux d'études assistant les communes pour le renouvellement des concessions…
 
À Rangiroa, le tāvana Tahuhu Maraeura semble faire de cet objectif une contrainte inhérente à gestion future du service public de l'énergie. “On nous demande d'avoir 75% d'énergies propre en 2026. Que ce soit du solaire ou même du coprah… Pour l'instant, on est en train de voir la faisabilité”, explique le maire. Et des Marquises aux Raromatai, en passant par Moorea, c'est le même refrain. Quel que soit le prestataire ou le délégataire choisi, il devra nécessairement révolutionner un mix énergétique qui plafonne aujourd'hui entre 20 et 30% de renouvelable. La marche s'annonce haute.
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun et Antoine Samoyeau le Lundi 22 Aout 2022 à 22:57 | Lu 3000 fois