Education : le torchon brûle entre le Tahoera'a Huira'atira et Nicole Sanquer


Charte et convention de l'éducation : l'offensive du Tahoera'a Huira'atira

PAPEETE, 12 janvier 2016 - Ce mercredi, les élus du Tahoera'a Huira'atira ont organisé une conférence de presse pour expliquer les raisons de leurs récents recours en annulation de la charte de l'éducation et de la convention décennale devant le tribunal administratif.

Les élus du parti orange n'adhèrent pas à la politique de l'éducation du gouvernement, comme Radio 1 en avait déjà rendu compte dans un reportage lundi dernier. A deux reprises, en l'espace de trois mois, ils ont déposé des recours devant le tribunal administratif. L'un l'a été en septembre dernier par l'ancien ministre de l'Éducation de Gaston Flosse, Michel Leboucher, pour contester la charte de l'éducation actualisée. Le second, a été déposé la semaine dernière par Gilda Vaiho. Ce recours en annulation concerne cette fois-ci la convention de l'éducation signée en octobre dernier par Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation nationale et le président de la Polynésie française, Édouard Fritch, laquelle s'appuie sur la charte de l'éducation actualisée. Les élus contestent les textes qui, selon eux, ne permettront pas d'améliorer la vie des enseignants et des écoliers de Polynésie.

Pour les élus du Tahoeraa, cette convention de l'éducation 2017-2027 est contrainte à la loi organique portant statut de la Polynésie française. "En effet, grand nombre de compétences sont aujourd'hui transférées à l'État ou "partagées" avec l'État", explique Michel Leboucher.

Selon les représentants du parti orange à l'assemblée cette charte et cette convention ont de graves conséquences sur l'éducation en Polynésie. Les premières victimes sont les professeurs qui, dans les premier et second degrés, n'auraient plus de temps pour préparer les programmes. "En Nouvelle-Calédonie, les professeurs ont deux ans pour adapter les programmes", affirme Michel Leboucher.

La charte participe aussi d'après eux à la disparition du palier d'orientation en fin de 5ème. "A l'heure actuelle, nous avons déjà 1700 élèves décrocheurs, que se passera t-il dans dix ans si ce palier est supprimé?", interroge l'ancien ministre de l'Education. Une autre des conséquences de cette convention est, selon le groupe Tahoeraa, la disparition des centres d’éducation aux technologies appropriées au développement (CETAD). "Plusieurs cas récents viennent contredire les propos de la ministre et du vice-recteur qui persistent à dire que les CETAD sont non seulement maintenus mais valorisés par les nouvelles mesures : la situation des CETAD Taha'a, de Tubuai, de Taiohae et dans l'enseignement privé du CED de Makemo financé sur fonds du Pays et de l'Etat."

La charte de l'éducation est en ce moment même étudiée au CESC. En effet, elle pourrait faire l'objet d'une nouvelle loi de pays. Pour les élus du Tahoera'a, c'est grâce à leur recours que la charte est à nouveau étudiée. Ils espèrent que le reste de leurs doléances sera lui aussi entendu et attendent beaucoup du nouveau recours qu'ils viennent de déposer.


La ministre de l'Education contre-attaque

Mercredi après-midi, quelques heures après la conférence des élus du Taohera'a, Nicole Sanquer, ministre de l'Éducation a convoqué la presse. Elle a répondu aux accusations du parti orange.

"Je suis ici pour démentir ce que je lis et entends depuis plusieurs jours", a annoncé d'entrée de jeu Nicole Sanquer, ministre de l'Éducation. Pour répondre aux élus du Tahoera'a, qui ont intenté deux recours récemment pour faire annuler la charte de l'éducation et la convention décennale de l'éducation, la ministre de l'Éducation a choisi de s'exprimer devant la presse.

Assistée de son directeur de cabinet, Christian Morhain, elle a démonté point par point ce qu'elle considère comme des allégations.i[ "Concernant la charte de l’éducation, le recours intenté par Michel Leboucher porte exclusivement sur le support juridique utilisé, à savoir une délibération. […] La charte de l'éducation a été votée à l'unanimité en 2011. Au bout de quatre ans, nous sommes venus y apporter des mises à jour"]i, a-t-elle précisé.

En ce qui concerne la convention de l'éducation signée avec la ministre de l'Éducation nationale en octobre dernier, Nicole Sanquer a indiqué qu'il était "urgent d'en réécrire une nouvelle".

Ses propos quant aux méthodes de travail utilisées pour la mettre en place ont fait écho à ceux du vice-recteur : "Nous avons d'abord fait un état des lieux des 10 années précédentes pour voir ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné. Nous nous sommes ensuite réunis en comité de travail État/Pays pendant un peu plus d'un an pour élaborer cette convention. Nous ne perdons aucune compétence. Cette convention permet d'éclaircir le rôle de chacun."

La ministre a réfuté de manière catégorique l'accusation de vouloir fermer les CETAD et les CJA. "Il n'est pas question de les fermer mais nous les avons fait évoluer. Typiquement, ce sont des structures polynésiennes et il n'est pas question de les perdre. Tout comme les CJA. Désormais, il est possible pour les élèves de les intégrer dès le CM2 mais aussi plus tard, pour les élèves de collège qui sont en grande difficulté. "

De plus, Nicole Sanquer a précisé que depuis 2016, le diplôme délivré par le CETAD avait été réécrit afin qu'il soit reconnu localement et en métropole.

Enfin, la ministre a affirmé que la démarche pour faire passer la charte de l'éducation en loi de Pays a été engagée bien avant le recours des élus du Tahoera'a. "Si elle est étudiée en ce moment au CESC, c'est un pur hasard de calendrier. Nous avons besoin d'une loi de Pays pour cette charte si nous voulons y ajouter le statut d'élève décrocheur."

En épilogue, Nicole Sanquer a conclu : " Je regrette que le Tahoera’a fasse de l’éducation un sujet politique et désinforme la population sur les travaux menés par le gouvernement afin que chaque élève puisse trouver sa voie et que personne ne soit laissé au bord du chemin."

"La convention permet de clarifier tous les points d'ombre de la convention de 2007"

Parole à ... Jean-Louis Baglan, vice-recteur de la Polynésie française

" Concernant, la charte de l'éducation, c'est une compétence du Pays, donc je n'ai pas de commentaire à faire là-dessus. En ce qui concerne la convention, l'affaire est au tribunal administratif. En tant que représentant de l'Etat, ce que je peux dire c'est que l'Etat et le Pays ont travaillé pendant plus d'un an à l'élaboration de cette charte. Ce qui est certain, c'est que cette convention amène un plus pour les étudiants polynésiens : elle améliore la gouvernance du comité de pilotage, elle respecte l'autonomie de la Polynésie française et elle permet de clarifier tous les points d'ombre de la convention de 2007."

Rédigé par Amelie David le Mercredi 11 Janvier 2017 à 18:06 | Lu 4784 fois