Edouard Fritch : "on est en train de se tirer une balle dans le pied"


Le président Edouard Fritch répondait à la presse ce matin.
PUNAAUIA, le 25 novembre 2014. Le président Edouard Fritch venu ce mardi matin à l'hôtel Méridien, ouvrir la première conférence régionale pour les Pays et territoires d'outremer du Pacifique (PTOM) a été abordé par la presse sur la question qui agite depuis quelques jours le monde politique local. Il s'agit bien sûr du projet de résolution proposé le 18 novembre dernier par le président de l'assemblée de Polynésie Marcel Tuihani, qui réclame plus de 100 milliards de Fcfp à l'Etat en réparation des 30 ans d'essais nucléaires effectués à Moruroa et Fangataufa. Le président du Pays n'a pas caché que ce projet de résolution risque de compromettre les bonnes relations que le Pays et l'Etat viennent tout juste de restaurer.

Ce projet de résolution devrait être présenté, ce jeudi, aux représentants de l'assemblée de Polynésie. Qu'en pensez-vous ?

Edouard Fritch : Vous savez, c'est une prérogative du président de l'assemblée de Polynésie française, je ne vais pas me mêler des affaires de l'assemblée de Polynésie française. J'ai été président pendant un certain temps, j'ai beaucoup aimé que le gouvernement ne vienne pas s'immiscer dans mes affaires.

Le comité de majorité, réuni ce lundi soir, c'était pour convaincre de retirer cette résolution ?

Edouard Fritch : Pas du tout, du tout, du tout. Je crois qu'il ne faut pas construire des idées autour de ce qui n'est pas la réalité. J'ai effectivement vu hier le comité de majorité parce qu'il fallait préparer la séance de ce matin, il s'agit là des problèmes budgétaires puisque un certain nombre d'amendements devaient être déposés et j'ai souhaité que la majorité nous informe de la teneur de ces amendements. C'est vrai que j'ai souhaité leur parler aussi des conséquences possibles, de l'impact possible de l'adoption de cette résolution en séance à l'assemblée de Polynésie française parce que bon, 90 milliards de Fcfp ce n'est pas rien ! Je me sens un peu petit, moi, qui ne négocie que 2,3 milliards pour le RSPF quand on me parle de 90 milliards, je suis….. heu, je suis perturbé, voilà.

Ce que je souhaitais surtout, c'est qu'on laisse le gouvernement, qu'on laisse les députés, car je ne suis pas seul à négocier avec l'Etat en ce moment... Qu'on laisse les parlementaires et nous-mêmes continuer cette négociation puisque, a priori, le premier ministre comme les différents ministres de la santé en métropole et des affaires de l'outremer se sont engagés pour que d'ici la fin de l'année nous ayons une solution pour faire revenir l'Etat à la solidarité territoriale. J'ai estimé que ce serait peut-être bon que ce sujet soit discuté après la fin de l'année. C'est ce que j'ai expliqué à mes collègues de l'assemblée.

Il y a des priorités, en clair ?

Edouard Fritch : En clair, ne mettons pas trop de fers au feu. Il y a effectivement le volet environnemental des essais nucléaires sur lequel il faudra que l'on se prononce, sur lequel il faudra que l'on discute, oui ! Mais ne pressons pas trop, parce qu'à force de courir après deux ou trois lapins on finit à genoux par terre.

Vous êtes hostile à ce timing ?

Edouard Fritch : C'est un problème de timing, c'est sûr. Sur le volet environnemental des essais nucléaires nous sommes en plein dedans aujourd'hui. Nous sommes en train de préparer la venue de la société aquacole chinoise à Hao : il y a effectivement des zones qui sont polluées, tout le monde le sait. L'Etat est en train de mettre en œuvre les moyens pour dépolluer ces zones, nous savons que Moruroa est pollué, nous savons que Fangataufa est pollué c'est pas nouveau. Depuis dix ans avec le Tavini Huiraatira on en a un petit peu parlé à l'assemblée, nous avons rejeté toutes les solutions qui nous ont été proposées par le Tavini et effectivement le Tahoeraa a la meilleure solution, mais le timing peut-être devra être révisé.

Est-ce que vous avez convaincu la majorité, hier ?

Edouard Fritch : J'ai cru que j'avais convaincu ! Mais, je ne sais pas, on va voir. Il n'y a que le vote de jeudi qui nous dira la vérité.

Vous étiez donc bien au courant de cette résolution, puisque ça fait longtemps que le Tahoeraa y travaille?

Edouard Fritch : Dans toute chose il y a un alpha et un omega, c'est-à-dire il y a une tête et la queue. Il faut commencer par la tête et finir par la queue. Quand cette résolution a été écrite, j'étais en Australie et je n'ai pas eu connaissance du tout ni du projet ni d'un avant-projet, ni de l'esquisse. En d'autres termes comme je l'ai dit à mes amis de l'assemblée, je ressens cela un petit peu comme un coup de couteau. Parce que je suis en train de négocier car nous avons besoin de l'aide de l'Etat. Depuis 2012 avec Gaston Flosse, avec nos parlementaires nous faisons du charme à l'Etat pour que l'Etat revienne pour que l'Etat aide ce pays à se relever de dix années d'instabilité : c'était une nécessité d'intérêt commun et d'intérêt général. Ce que nous faisons aujourd'hui, j'ai quand même l'impression qu'on est en train de se tirer une balle dans le pied sans trop savoir à quoi cela va nous servir demain. Mais non, je ne savais pas, je vous promets je ne savais pas.

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 25 Novembre 2014 à 11:11 | Lu 4156 fois