Economie bleue : les défis de 2017


"Le monde de l'aquaculture est très petit mais il se réunit rarement. Or je suis sûr qu'il y a une technicité, un esprit commun, des conjonctions d'énergies que l'on pourrait mettre en place", souligne Teva Rohfritsch, le ministre de l'Economie bleue, qui souhaite mettre en place cette année la zone bio-marine à Faratea.
PAPEETE, le 5 janvier 2017. Avec 5,5 millions de kilomètres carrés, la Zone économique exclusive (ZEE) du fenua représente l'un des plus grands territoires marins d'outre-mer. Un potentiel encore loin d'être exploité. Pour inverser la tendance, Teva Rohfritsch, ministre en charge de l'Economie bleue, souhaite lancer une zone bio-marine à Faratea cette année. Les Polynésiens partis se former à Shanghai pour travailler au complexe aquacole de Hao seront de retour en avril. Ils auront comme première mission de sélectionner des géniteurs. Le gouvernement doit aussi recevoir en début d'année le rapport d'un cabinet spécialisé définissant une stratégie pour la pêche pour les 10 prochaines années. Tour d'horizon des dossiers qui ont la lourde charge de faire décoller l'économie bleue.



● Zone bio-marine

La première zone à être aménagée devrait ainsi être celle qui est près du quai, au bord de la mer
En septembre dernier, le ministre de l'Economie bleue s'est réuni avec les professionnels de l'aquaculture. Ceux-ci ont présenté leurs projets pour que le gouvernement puisse définir les équipements à mettre en place. "J'ai proposé au conseil des ministres de reconvertir cette zone qui était vouée à une destination industrielle à la base. On va garder une petite zone industrielle qui sera compatible avec les activités futures du pôle bio-marine de Faratea, qui aura une forte vocation aquacole. Contrairement à ce qui a pu se faire par le passé, j'ai souhaité réunir les professionnels pour qu'on balaie avec eux le champ des possibles. Je dis bien les professionnels actuels car un tel pôle pourrait aussi décider d'autres à se lancer", indique Teva Rohfritsch.
Dans la zone bio-marine, le ministre prévoit d'installer des "ateliers relais de la mer". "Comme pour les ateliers relais 'classiques', il s'agira de mettre à disposition des entreprises en création une structure avec des équipements communs pour qu'elles puissent tester leur idée et la mise sur le marché", précise Teva Rohfritsch. La seconde partie pour les professionnels, plus solides économiquement, pourrait accueillir des activités autour des "algues marines, de la fabrication d'aliments, de l'aquariophilie, de la pisciculture avec d'autres espèces de poissons que celles qui sont élevées aujourd'hui, et de la crevetticulture, consommatrice de davantage de place."
Le Pôle le Pôle Mer Méditerranée, qui regroupe des grandes entreprises, PME, laboratoires publics et privés, Universités et grandes écoles concernés par le maritime, est aussi en contact avec le gouvernement et pourrait installer une de ses antennes à Tahiti.
A terme, la zone bio marine devrait s'étendre sur environ 30 hectares. "J'ai demandé à un cabinet d'études de travailler sur le cahier des charges mais aussi la priorisation de l'affectation du foncier au projet", indique Teva Rohfritsch. La première zone à être aménagée devrait ainsi être celle qui est près du quai, au bord de la mer (voir schéma ci-contre). Le projet de route du sud, qui devait passer au milieu de la future zone aménagée sera revu. "J'ai demandé à l'équipement de déplacer la route pour venir un peu plus en bas, j'ai eu le nouveau tracé", explique Teva Rohfritsch.
Au départ, le ministre pensait commencer l'installation de la zone bio-marine sur le terrain où est située l'ancienne écloserie mais le bâtiment est vétuste et amianté. TNAD a donc été chargé de son désamiantage et de sa destruction.
"Je fais une zone bio-marine car la diversité des projets m'intéresse", souligne Teva Rohfritsch. "C'est l'idée de la Silicon Valley. Le monde de l'aquaculture est très petit mais il se réunit rarement. Or je suis sûr qu'il y a une technicité, un esprit commun, des conjonctions d'énergies que l'on pourrait mettre en place", met-il en avant. "Mais notre première priorité est que nos aquaculteurs puissent mieux travailler."

● La réforme de la perliculture

La réforme de la perliculture a été adoptée mi-décembre à l'Assemblée. Elle a pour ambition d'atteindre une production organisée et de qualité, grâce à la mise en place de quotas de production et de mesures destinées à assurer la traçabilité des volumes de perles, de leur production jusqu'à leur exportation. On devrait enfin savoir combien de perles sont produites !
Mais les résultats de cette réforme ne seront pas visibles tout de suite. "Il faut déjà une année pour mettre en place les nouvelles structures : comités de gestion dans les îles et conseil de la perliculture", note Teva Rohfritsch. "Ce n'est pas une reprise en main par le gouvernement, -ce qui a été mal compris par l'opposition-, c'est une reprise en main par les professionnels", souligne le ministre. "Dans les comités de gestion, c'est un interlocuteur égale une voix, c'est la démocratie, les petits comme les plus gros auront une voix. Les comités de gestion vont coordonner la préservation du lagon, les quotas de production et traiter des autres sujets. Tous les comités de gestion seront représentés au conseil de la perliculture, où on examinera les arrêtés d'application. J'espère qu'on pourra déterminer un objectif de production pour 2018. On va se donner trois à cinq ans pour que le système tourne à plein régime mais je pense que d'ici trois ans on verra les premiers effets."

● Pêche : "Passer de 6 000 à 12 000 tonnes"

Avec l'Agence française pour le développement, la Polynésie française a demandé à un cabinet spécialisé de réaliser une étude sur le développement stratégique de la filière pêche en Polynésie pour les 10 prochaines années. Cette étude devrait être rendue en avril au plus tard. "L'idée est à la fois le renouvellement de la flottille actuelle qui a une quinzaine d'années et le renouvellement des installations à terre. On a aussi mis des options stratégiques à creuser : le surgelé, la pêche de l'espadon aux Australes et un scénario pour sur une stratégie de base avancée aux Marquises", souligne Teva Rohfritsch. "J'ai tenu à ce qu'il y ait dans le cabinet d'experts un architecte naval qui vienne faire un audit de la flottille. Certains bateaux peuvent être rénovés d'autres non. Il y a une soixantaine de navire en exploitation mais la moitié sont des thoniers congélateurs. Ils sont utilisés aujourd'hui en pêche fraiche mais ont des coûts d'exploitation qui ne sont pas compatibles avec la pêche fraiche. Cela pèse lourd sur la pêche. Je pense qu'il faudra changer ces bateaux. Le cabinet d'experts nous dira comment dimensionner notre outil de pêche fraiche. L'objectif est de doubler l'effort de pêche polynésien en passant de 6 000 à 12 000 tonnes en 10 ans."
Lors du Sommet de l'Océan Pacifique à Hawaii, Edouard Fritch a annoncé début septembre qu'il souhaitait faire de la Polynésie la plus grande aire marine gérée du monde d'ici 2020. Dans ce cadre, le gouvernement souhaite obtenir le Référentiel environnemental du MSC (Marine Stewardship council), qui permet de montrer qu’une pêcherie est durable et bien gérée. Le cabinet spécialisé devra aussi donner des conseils au gouvernement qui souhaite atteindre 12 000 tonnes par an d'ici 2028 tout en s'engageant dans une pêche durable.
Début décembre, l'assemblée a adopté la loi du Pays portant à 70% le taux du crédit d'impôt pour l'achat de navires de pêches construits dans un chantier naval polynésien. "On va augmenter pendant deux ans la défiscalisation locale. On a pris la part de Bercy, qui ne donne plus d'agrément fiscal pour les bateaux de pêche, car le ministère de l'Economie et des Finances attend le plan de stratégie. J'ai recensé entre 13 et 15 navires en attente", souligne Teva Rohfritsch. "Cela assure deux à trois ans de travail pour les trois chantiers navals existants. Les dossiers sont en train d'être déposés. "

● Complexe aquacole de Hao

Le futur complexe aquacole de Hao.
Fin septembre dernier, dix jeunes Polynésiens ont commencé leur formation aquacole à l'Université de Shanghai. Leur formation est financée par le Pays et Tahiti Nui Ocean Food. Ils reviendront le 17 avril. A leur retour au fenua, le complexe aquacole de Hao ne sera pas encore en fonctionnement. Une de leurs premières missions sera de trouver "les géniteurs".
Pour alimenter les écloseries, des captures de poissons géniteurs dans les stocks sauvages seront effectuées en veillant à ne pas entraver la viabilité des populations sauvages. Les trois espèces de poissons qui seront élevées seront les Mara ou Napoléon ; Tonu et Ha'apu qui sont des loches. "Nos jeunes seront les ambassadeurs de TNOF pour aller acheter aux pêcheurs les futurs géniteurs de la ferme. Il y aura des techniques pour sélectionner les géniteurs et les attraper sans les blesser. Ce sera le travail des jeunes de faire rencontrer ces technologies chinoises et les techniques traditionnelles d'ici. Les premières autorisations d'occupation du domaine maritime de Hao seront bientôt délivrées pour stocker les géniteurs et commencer les processus pour tester le circuit d'écloserie en parallèle du chantier", précise le ministre de l'Economie bleue. "On ne va pas accueillir d'espèces d'Asie. Ils maitrisent les techniques de reproductions des espèces de cousins de nos mérous et loches.
La date de démarrage des travaux de construction du complexe aquacole n'est pas encore connue. "On finit les travaux préparatoires du site. TNOF a rencontré les entreprises. Il y a un travail de préparation du chantier mais il faut avoir bien conscience que c'est un projet énorme", rappelle Teva Rohfritsch.
Tahiti Nui Ocean Foods vise 50 000 tonnes de production annuelle. Les travaux de construction devraient durer environ deux ans.

Rédigé par Mélanie Thomas le Jeudi 5 Janvier 2017 à 16:20 | Lu 4582 fois