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EDT va devoir s'accommoder de la concurrence


Aujourd'hui EDT peut proposer un tarif unique de l'électricité à l’ensemble des concessions qu'elle exploite, même si les coûts d'exploitation sont différents d'une île à une autre, car les pertes des petites concessions des îles sont supportées par les excédents réalisés à Tahiti.
Aujourd'hui EDT peut proposer un tarif unique de l'électricité à l’ensemble des concessions qu'elle exploite, même si les coûts d'exploitation sont différents d'une île à une autre, car les pertes des petites concessions des îles sont supportées par les excédents réalisés à Tahiti.
PAPEETE, le 8 novembre 2015. Les deux experts métropolitains de la commission de régulation des énergies (CRE) venus en mission en août 2015 à Tahiti, ont remis la semaine dernière leur rapport définitif au gouvernement. Cette "mission relative aux prix et à la concurrence dans le secteur de l'électricité en Polynésie" va nécessairement laisser des traces…

Il y a d'abord le constat, dans ce rapport, d'une évidence : la situation de quasi monopole d'EDT aujourd'hui en Polynésie française pour ce qui est la production et la distribution de l'électricité. Pour autant, ce monopole n'est pas que le résultat de la position dominante de la société elle-même : les politiques locaux ont aussi leurs responsabilités en ayant laissé faire et même en encourageant, parfois, cet état de fait. Ainsi, "les prorogations successives du contrat de la concession de Tahiti-nord ont été consenties par le territoire à EDT, sans mise en concurrence, en contrepartie de l’instauration de fait d’un système de péréquation avec les autres concessions exploitées par l’entreprise. Cette situation a permis à EDT de se développer en Polynésie, notamment en étendant ses activités aux principales concessions (Secosud, Moorea ou Bora Bora), jusqu’à atteindre un quasi-monopole".

Aujourd'hui EDT peut proposer un tarif unique de l'électricité à l’ensemble des concessions qu'elle exploite, même si les coûts d'exploitation sont différents d'une île à une autre, car les pertes des petites concessions des îles sont supportées par les excédents réalisés à Tahiti. "La comptabilité d’EDT fait apparaître que la majorité des concessions exploitées par l’entreprise sont déficitaires, à l’exception de celle de Tahiti nord. Celle du Secosud est proche de l’équilibre". A chacune des négociations étendant son secteur d'intervention, EDT a réussi à imposer "que les profits réalisés sur l’exploitation de la concession de Tahiti-nord compensent, au sein du bilan global d’EDT, les pertes supportées sur les autres concessions".

SECOSUD : UN RENOUVELLEMENT DE CONCESSION EMBLEMATIQUE

C'est pourquoi, ce que craint le plus EDT est un changement d'attitude à son égard de la part des autorités concédantes : le Pays notamment pour Tahiti nord, mais aussi les communes qui composent le syndicat Secosud pour ce qui est de la distribution de l'électricité dans la partie sud de Tahiti. D'autant que selon les déclarations du ministre en charge des énergies, Nuihau Laurey la semaine dernière, le syndicat Secosud aurait demandé l'assistance du Pays dans les démarches à effectuer pour ce renouvellement de concession qui doit aboutir pour le début de l'année prochaine !

Pour EDT perdre cette concession serait une sacrée entaille dans son confortable réseau local. "La perte de certaines concessions proches de l’équilibre économique, telle que Secosud fragiliserait en effet son équilibre financier". Cela conduirait la société EDT à devoir détricoter une partie de son organisation et notamment la mutualisation de la production par des moyens centralisés : "dans l’hypothèse où la concession Secosud viendrait à être attribuée à une autre entreprise, elle se retrouverait en situation de devoir réaliser des études sur l’évolution de la consommation et sur l’adaptation de la production, sur un territoire exploité par une autre entreprise".

EDT étant concessionnaire actuellement de Tahiti nord et de Secosud, "l’entreprise a toujours géré son approvisionnement de manière intégrée". Ce qui ne serait donc plus possible si le sud de Tahiti sortait du giron d'intervention d'EDT. "Se poserait alors la question de l’approvisionnement des deux concessions ou régies, et, par voie de conséquence, du rattachement juridique des actifs de production".


Les barrages de Marama Nui ne sont pas à leur maximum

On le sait, pour atteindre son objectif d'atteindre 50% de production électrique en provenance d'énergies renouvelables le Pays souhaite confier à un industriel, sélectionné par appel d’offres, la construction et l’exploitation d’un nouvel équipement hydraulique de production d’électricité dans la vallée de la Vaiiha. "Il considère, par ailleurs, que les autres installations hydrauliques de production d’électricité, actuellement propriété de Marama Nui, ne sont pas exploitées de manière optimale au regard des besoins du système électrique". Dans sa réponse à cette problématique Marama Nui (une filiale d'EDT) "considère que l’absence d’évolution du prix d’achat de l’électricité produite par ses installations au cours des dernières années conduit à une rémunération insuffisante de son activité
et ne lui permet pas de réaliser les investissements qui permettraient une meilleure exploitation de son parc
".

EDT s'oppose déjà au futur rôle central de la TEP

Dans son plan de transition énergétique, présenté lundi dernier, Nuihau Laurey, le ministre en charge des énergies a confirmé que le Pays souhaitait faire de la société d'économie mixte TEP, l'acteur central et neutre de la régulation électrique. Cette recomposition du système électrique présente des enjeux sociaux pour EDT en raison du transfert à prévoir de la dizaine de salariés actuellement en charge de l’activité de dispatching. Pour EDT ce transfert de personnel vers la TEP est difficile à envisager "dans la mesure où les statuts et les perspectives de carrières diffèrent d’une structure à l’autre".
Mais ce n'est là que l'arbre qui cache la forêt, dans son rapport la mission de la CRE indique que la société EDT est opposée catégoriquement au futur rôle central de la TEP. "EDT conteste la légalité de l’approche proposée et a indiqué qu’il serait susceptible de s’y opposer par la voie contentieuse. Afin de garantir la robustesse juridique de la démarche, la mission suggère que le Pays sollicite l’avis d’un cabinet d’avocats spécialisés dans le droit des concessions sur la question de la définition du périmètre des activités relevant du contrat de concession à EDT".

Rédigé par Mireille Loubet le Dimanche 8 Novembre 2015 à 22:03 | Lu 4301 fois