Du ferme requis pour privation de soins


Tahiti, le 20 avril 2023 – La cour d'appel a jugé jeudi une femme de 59 ans qui était poursuivie pour “privation de soins et d'aliments” sur un enfant polyhandicapé dont la charge lui avait été confiée par les services sociaux. Trois ans de prison dont deux avec sursis ont été requis à son encontre alors qu'elle avait été relaxée par le tribunal de première instance. 
 
Une femme de 59 ans a été jugée par la cour d'appel jeudi matin pour des faits de “privation de soins et d'aliments” sur un mineur de moins de 15 ans polyhandicapé dont elle avait la charge. Cette affaire, qui avait abouti à la relaxe de la prévenue en première instance, avait débuté en avril 2015 lorsque le responsable de l'Institut d'insertion médico-éducatif (IIME) de Taravao avait émis un signalement à propos d'un mineur handicapé qui était pris en charge au sein de l'établissement. L'homme avait alors fait état de la “régression motrice” de l'enfant, qui était handicapé après avoir été violenté par son père alors qu'il n'avait que trois semaines. Il avait également expliqué qu'il soupçonnait la mère de la famille dans laquelle l'enfant avait été placé de ne pas avoir assuré le suivi médical de ce dernier. Le mineur présentait également des blessures physiques relatives, selon sa femme, à des blessures qu'il se serait fait seul.
 
Placée en garde à vue, la prévenue avait nié avoir jamais commis une quelconque privation sur l'enfant. Le médecin qui avait examiné le mineur avait pourtant conclu à une “négligence alimentaire avec perte de poids” et à une négligence dans le suivi médical de l'enfant qui avait dû subir une ablation du testicule suite à une infection non soignée. L'expert psychiatre qui avait examiné la mère de la famille d'accueil avait quant à lui relevé que cette dernière souffrait d'une “atteinte narcissique importante”, qu'elle avait “instrumentalisé les personnels médicaux” dans le cadre du “conflit” qui l'opposait aux “services sociaux” et qu'elle présentait un risque de récidive “important”. 
 
Dénégations
 
Relaxée des faits pour lesquels elle était poursuivie en première instance, la prévenue a comparu devant la cour d'appel jeudi. Tout comme elle l'avait fait lors de son premier procès, la quinquagénaire a fermement nié les faits en expliquant qu'elle s'était toujours bien occupée de l'enfant et ce, alors que les deux autres enfants handicapés dont elle avait eu la charge étaient décédés des suites de leur handicap. Elle a également sous-entendu que c'était plutôt l'IIME de Taravao qui avait parfois failli quant à la prise en charge du jeune homme. Malgré ces dénégations, l'avocat de l'association qui gère la tutelle de l'enfant, Me Etienne Chapoulie, a soutenu que la prévenue avait fait preuve de négligence quant au suivi médical de l'enfant qui était déjà “lourdement handicapé” avant d'être placé dans la famille d'accueil. 
 
Alors que quatre ans de prison dont trois avec sursis avaient été requis en première instance, l'avocat général a cette fois demandé à la cour d'appel de condamner la quinquagénaire à trois ans de prison dont deux avec sursis. Si la thèse soutenue par la mise en cause selon laquelle l'IIME avait fait preuve d'“acharnement” à son encontre semble “peu crédible” pour l'avocat général, il ressort clairement du dossier que la prévenue n'a pas assuré le suivi médical du mineur tel que cela avait pourtant été recommandé par les médecins. Le représentant du ministère public a par ailleurs assuré que si l'enfant n'avait pas changé de famille d'accueil, on ne sait “jusqu'où cela serait allé”. 
 
Déjà constitué pour la défense de la prévenue lors du procès de première instance, Me Hina Lavoie a demandé à la cour de “garder à l'esprit” que le mineur avait été, durant les premières semaines de sa vie, victime du syndrome du bébé secoué et qu'il était déjà dans un état de santé très difficile lorsqu'il avait été placé par les services sociaux. L'avocate a également insisté sur le fait que sa cliente était poursuivie pour des infractions relevant d'un caractère intentionnel alors qu'elle n'avait “jamais eu l'intention de lui faire du mal” et a rappelé que cette femme avait de l'affection pour cet enfant qu'elle n'a jamais revu. La cour d'appel rendra sa décision le 17 mai. 

Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 20 Avril 2023 à 21:32 | Lu 2856 fois