Dopage russe et corruption : 4 ans de prison, dont deux ferme, pour Lamine Diack


Paris, France | AFP | mercredi 16/09/2020 - L'ancien patron de l'athlétisme mondial Lamine Diack a été condamné mercredi à Paris à quatre ans de prison, dont deux ans ferme, pour son implication dans un réseau de corruption voué à cacher des cas de dopage en Russie.

Cinq ans après que le scandale a éclaté, le Sénégalais de 87 ans, une figure de l'univers sportif qui avait présidé la fédération internationale d'athlétisme (IAAF) de 1999 à 2015, a été reconnu coupable de corruption active et passive et d'abus de confiance et a aussi écopé d'une amende maximale de 500.000 euros. 

L'ancien membre influent du cercle olympique, vêtu d'un boubou blanc, a écouté sans réagir le jugement et a quitté libre la salle d'audience, laissant ses avocats, William Bourdon et Simon Ndiaye, annoncer qu'ils faisaient appel d'une décision "injuste et inhumaine", qui "avale religieusement" la thèse de l'accusation.

Parmi les six prévenus, la peine la plus lourde a été prononcée contre son fils, Papa Massata Diack, qui est resté à Dakar et avait refusé de comparaître au procès en juin: celui qui dirigeait le marketing à l'IAAF a été condamné à cinq ans de prison ferme et un million d'euros d'amende. Le tribunal a maintenu le mandat d'arrêt à son encontre.

Concernant Lamine Diack, la peine est à la hauteur de la "gravité des faits de corruption qui vous étaient reprochés", lui a lancé la présidente de la 32e chambre correctionnelle, Rose-Marie Hunault. "Vous avez gravement porté atteinte à la lutte contre le dopage" et "violé les règles du jeu de la compétition sportive", a-t-elle ajouté.

Tous condamnés

Dans cette affaire qui a secoué le monde du sport, les Diack père et fils étaient jugés pour avoir permis de retarder, à partir de fin 2011, des procédures disciplinaires à l'encontre d'athlètes russes soupçonnés de dopage sanguin.

Derrière cette indulgence, un deal rocambolesque, révélé par Lamine Diack lui-même durant l'enquête et confirmé par le tribunal: le renouvellement de contrats de sponsoring et de diffusion de l'IAAF avec la banque d'Etat russe VTB et la télévision publique RTR, ainsi que des fonds pour financer l'opposition au sortant Abdoulaye Wade lors de la présidentielle de 2012 au Sénégal. Durant le procès, Lamine Diack, qui avait été décoré au Kremlin fin 2011, avait réfuté tout financement politique, mais le tribunal s'en est tenu à sa première version.

L'ancien chef de l'antidopage à l'IAAF, Gabriel Dollé, a écopé de 2 ans avec sursis et 140.000 euros d'amende, tandis que l'avocat Habib Cissé, qui conseillait Lamine Diack, a été condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis et 100.000 euros d'amende. Deux responsables russes jugés par défaut, l'ancien président de la fédération nationale d'athlétisme Valentin Balakhnitchev et l'ancien entraîneur Alexeï Melnikov ont été condamnés respectivement à trois et deux ans de prison ferme, avec maintien du mandat d'arrêt à leur encontre.

Depuis la Russie, Valentin Balakhnitchev a contesté le jugement. "Ils m'ont privé de mon droit légal de me défendre, ils ont dit que je ne coopérais pas à l'enquête, ce à quoi je suis catégoriquement en désaccord", a-t-il dit à l'agence Ria Novosti.

"Protection totale"

Au total, les six prévenus ont aussi été condamnés à verser 10,6 millions d'euros de dommages et intérêts à l'IAAF sur le volet corruption.

Mais Lamine Diack et son fils ont aussi été condamnés pour avoir capté des sommes indues sur des contrats de l'IAAF avec des sponsors. Sur ce volet, ils ont été condamnés à payer 5,2 millions d'euros à la fédération internationale.

Durant le procès Lamine Diack avait concédé avoir donné l'ordre d'étaler les sanctions contre les Russes, une version confirmée par Gabriel Dollé. Mais pour eux, il en allait de la survie financière de l'IAAF, un argument qui n'a pas convaincu le tribunal.

Le tribunal a considéré que pour au moins six athlètes russes, les procédures disciplinaires avaient pris trois ans de retard et que les sportifs avaient dû payer pour bénéficier d'une "protection totale".

La pièce centrale de l'accusation est un virement de 300.000 euros reçu par la marathonienne Lilya Shobukhova, depuis un compte lié à Papa Massata Diack, en guise de remboursement quand elle a finalement été suspendue en 2014. Une note, retrouvée chez l'avocat Habib Cissé, décline d'autres sommes à côté des noms de coureurs, pour un total évalué par le tribunal à 3,2 millions d'euros. L'argent n'a pas été retrouvé et les athlètes russes pas entendus, ce que la défense avait dénoncé.

Les avocats de Lamine Diack espéraient avant tout que leur client évite la prison. Dans l'immédiat, il n'en a pas fini avec la justice française. Avec son fils, il est mis en cause dans une seconde enquête à Paris sur des soupçons de corruption dans l'attribution des JO de Rio-2016 et de Tokyo-2020. Lamine Diack sera bientôt entendu dans ce dossier.

le Mercredi 16 Septembre 2020 à 08:23 | Lu 597 fois