Donald Trump tente d'unifier son camp pour abroger "Obamacare"


Washington, Etats-Unis | AFP | mercredi 08/03/2017 - Le premier grand test des talents de négociateur politique de Donald Trump a commencé. Le président américain doit cajoler l'aile droite de la majorité républicaine, qui a des velléités de fronde dans l'épineuse réforme du système de santé.
Revêtant les habits effectifs de chef de parti, il recevra en fin de journée mercredi un groupe de parlementaires conservateurs afin de les amadouer, et il dînera à la Maison Blanche avec Ted Cruz, son ex-rival aux primaires, sénateur du Texas dont la voix est décisive.
"Obamacare est en train de s'écrouler, et nous allons agir", a déclaré M. Trump mardi, avant une réunion avec une trentaine d'élus républicains. "Il n'y aura plus d'attente et plus d'excuses".
Tous les républicains sont d'accord pour abroger Obamacare, la réforme de 2010 emblématique de la dérive socialisante des années Obama, disent-ils.
Mais par quoi la remplacer?
Les chefs républicains ont concocté une proposition de loi qui "abroge et remplace" simultanément, selon leur formule, et qu'ils veulent faire adopter au pas de charge, avant les vacances de Pâques dans un mois.
Mais ce texte ne va pas assez loin pour les ex-élus du Tea Party. Ils l'ont qualifié d'Obamacare "light" et exigent un désengagement complet de l'Etat dans le marché de la santé.
En fait, ils n'ont pas claqué la porte. Ils veulent obtenir des concessions directement de l'homme d'affaires.
"C'est le début de la négociation", a affirmé mardi le sénateur libertarien Rand Paul, lors d'une conférence de presse à l'extérieur du Capitole avec plusieurs autres rebelles. Selon lui, la Maison Blanche multiplie les contacts en coulisses avec les élus conservateurs, notamment les membres du courant Freedom Caucus de la Chambre des représentants.
Son collègue Jim Jordan insiste: les crédits d'impôts, le maintien de certaines taxes créées par Obamacare, la prolongation de subventions fédérales... rien de tout cela, présent dans le plan républicain, ne correspond à l'orthodoxie conservatrice, dit-il.
  - Question de crédibilité -  
Les démocrates ont dénoncé un texte "catastrophe" qui ferait perdre à des millions de personnes leur couverture-maladie, mais du point de vue des chefs de la majorité, leur texte est un compromis, calibré pour satisfaire les républicains modérés.
Ils ont d'ailleurs conservé plusieurs acquis très populaires d'Obamacare: la possibilité pour les enfants de rester sur l'assurance de leur parents jusqu'à 26 ans, et l'interdiction pour les assureurs de refuser d'assurer quelqu'un à cause de ses antécédents médicaux.
Paul Ryan, président de la Chambre, a réfuté le terme de "négociation" et martèle que les républicains ont été élus sur la promesse d'abroger Obamacare. Ils perdraient toute crédibilité en cas d'échec.
"Nous passons par l'inévitable crise de croissance du passage d'un parti d'opposition à un parti de gouvernement", a-t-il déclaré mercredi, confiant dans l'adoption finale du texte.
Kellyanne Conway, mercredi matin, a admis que le texte initial était susceptible de changer pendant le processus parlementaire.
"Je suis sûr que mon ami Rand Paul soutiendra le nouveau et bon programme sur la santé, car il sait qu'Obamacare est un désastre!" a aussi tweeté le chef de l'Etat américain.
A ce stade, le plan républicain reste plus que jamais en vie.
Il devrait être adopté en commissions mercredi matin, première étape formelle avant les débats en plénière à la Chambre. Le Sénat, où la majorité républicaine est de seulement 52 sièges sur 100, examinera le texte seulement s'il est adopté par la chambre basse du Congrès.
De la réussite de cette abrogation dépend la suite du programme législatif de Donald Trump pour 2017: une grande réforme fiscale et un plan d'investissements dans les infrastructures.
"Ce sera une grande baisse d'impôts, la plus grande depuis Reagan, voire plus grande", a-t-il dit mardi. "Mais on ne peut malheureusement pas commencer tant qu'on n'en a pas terminé avec la santé".

Questions Réponses

Le président américain Donald Trump et la majorité républicaine se sont engagés à abroger "Obamacare", la réforme emblématique de la couverture-maladie par Barack Obama. Comment fonctionne-t-elle, et par quoi veulent-ils la remplacer?
  - La couverture-maladie aux Etats-Unis Aux Etats-Unis, la couverture-maladie est principalement un marché privé.
La moitié environ des Américains ont une couverture souscrite via leurs employeurs, selon la Kaiser Family Foundation, souvent à un coût abordable, auprès d'assureurs privés. Seul un peu plus d'un tiers des Américains bénéficient d'une couverture publique, réservée aux plus vulnérables (programme Medicaid) et aux plus de 65 ans (Medicare).
Le reste est soit sans assurance, soit assuré individuellement auprès d'assureurs privés, par exemple des travailleurs indépendants ou des salariés de petites entreprises. Pour ces individus, le coût peut être très élevé, jusqu'à plusieurs milliers de dollars par mois.
  - Les apports d'Obamacare En 2010, Barack Obama et ses alliés démocrates ont voté une grande réforme destinée à réduire le nombre de personnes vivant sans couverture-maladie, alors 16% de la population.
La loi, surnommée "Obamacare", a augmenté les plafonds de revenus permettant de bénéficier du programme public Medicaid, et a créé des aides financières, sous la forme de crédits d'impôts, pour aider les gens à souscrire à des assurances privées sur le marché individuel.
En échange, la loi a imposé une amende à toute personne n'étant pas assurée.
Autres nouveautés: les enfants peuvent désormais rester sur l'assurance de leurs parents jusqu'à 26 ans, et les assureurs ne peuvent plus refuser d'assurer quelqu'un à cause de ses antécédents médicaux, comme une maladie chronique ou un cancer. Ces deux acquis, très populaires, sont conservés par les républicains dans leur projet de réforme.
Le résultat d'Obamacare est positif pour le taux de personnes sans assurance, tombé à moins de 9% en 2016 selon l'administration précédente. Mais la facture pour le contribuable est lourde, et le prix des assurances individuelles a bondi dans plusieurs Etats, car ce marché individuel s'est révélé moins rentable que prévu.
Les républicains dénoncent depuis des années la lourdeur et le coût de la loi, craignant une socialisation de la médecine.
  - La réforme républicaine La philosophie de la réforme républicaine est de désengager l'Etat fédéral, de libérer le marché, de supprimer l'obligation individuelle de s'assurer en échange d'incitations, et d'abroger un certain nombre de taxes créées par Obamacare.
Mais les républicains sont confrontés à un défi de taille: comment faire en sorte que des gens ne perdent pas leur couverture?
Par compromis, ils ont gardé l'idée des crédits d'impôts pour aider une partie de la population à s'assurer. Mais les montants sont moins généreux qu'actuellement, surtout pour les ménages les plus modestes.
Et ils veulent réduire la voilure de Medicaid en plafonnant les montants déboursés par l'Etat fédéral, au grand dam d'un certain nombre d'Etats, qui cogèrent le programme public.
  - L'opposition conservatrice La minorité démocrate du Congrès devrait voter contre la réforme républicaine, ce qui force la majorité républicaine à être quasiment unie pour faire adopter le plan.
Mais l'aile conservatrice a déjà surnommé la proposition de loi de "Obamacare 2.0", selon la formule du représentant Justin Amash.
Ces parlementaires conservateurs estiment que leurs principes ne sont pas respectés puisque les crédits d'impôts ne sont pas supprimés, et que l'Etat fédéral continue à subventionner une partie du système de santé.
"Si la direction (du groupe républicain) insiste pour remplacer Obamacare par Obamacare Light, aucune abrogation ne sera adoptée", ont prévenu plusieurs de ces élus lundi.
La bataille, lancée cette semaine à la Chambre des représentants, sera féroce. Le texte devra être adopté par les deux chambres du Congrès, or au Sénat, les sénateurs républicains ne sont que 52 sur 100 sièges, rendant dangereuse toute défection.

le Mercredi 8 Mars 2017 à 06:22 | Lu 277 fois