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Dix propositions pour lutter contre la vie chère


Tahiti, le 19 mars 2025 – Coup d'envoi ce mercredi matin à l'assemblée du colloque sur la lutte contre la vie chère avec les experts des différentes autorités de la concurrence, les élus de Tarahoi mais aussi les acteurs économiques du pays. Dix propositions ont été listées parmi lesquelles le renforcement des contraintes pour les grands groupes, la révision de la défiscalisation locale, ou encore davantage de transparence sur les niveaux de marges.
 

C’est en l'absence du gouvernement en déplacement à Raiatea pour un conseil des ministres décentralisé que le président de l'assemblée a ouvert le colloque sur la lutte contre la vie chère ce mercredi matin à l'assemblée. Si la cherté de la vie est une fusée à plusieurs étages, “nous avons choisi de concentrer nos travaux sur le secteur essentiel qu'est l'alimentation”, a d'abord rappelé Antony Géros qui attend que “des mesures pragmatiques” puissent émerger de ce colloque car “la vie chère n'est pas une fatalité”.
 
Les acteurs économiques avaient répondu présents et ont écouté avec attention les experts des autorités de la concurrence des pays membres du réseau PINCER (Pacific Islands Network of Competition and Economic Regulators). Ils ont d'abord posé un diagnostic sur les causes de la vie chère avant de décliner dix propositions pour tenter d'y apporter des solutions. Des propositions qui ne sont pas figées et qui pourront évoluer en fonction des travaux lors des ateliers prévus sur l'après-midi et la matinée de jeudi. Certaines pourront être retenues et d'autres pourront émerger. Mais l'idée à la clé est que les élus de Tarahoi puissent ensuite se saisir à bras le corps de ce sujet en proposant des textes qui participent à redonner du pouvoir d'achat aux Polynésiens.
 
Des erreurs à corriger
 
Première proposition : l'interdiction des exclusivités d'importation créée par la loi Lurel de 2012 et intégrée au code de commerce. Cette interdiction des accords exclusifs d'importation avait bien été adoptée par l'assemblée de Polynésie en 2015 mais supprimée en 2018 sans avoir jamais été appliquée. Résultat des courses, les entreprises polynésiennes peuvent très bien conclure ce type d'accords sans être sanctionnées par l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC). “Une erreur qu'il faut rectifier”, selon Walid Chaiehloudj de l'ACNC (autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie), car cela “annule une concurrence intra-marque”.
 
La deuxième proposition consiste à supprimer progressivement les quotas d'importations qui sont aujourd'hui “hors-jeu”, et les substituer par des mesures plus souples et plus efficaces. Mais aussi en réformant la fameuse taxe de développement local (TDL) qui doit revenir à son objectif premier, à savoir protéger une industrie naissante. L'idée est aussi de baisser les barrières à l'entrée de la Polynésie en sortant du carcan des normes européennes pour trouver des équivalences de normes plus proches de nous, dans la zone Pacifique. Cela permettrait de réduire les coûts de transport, de favoriser la concurrence avec l'entrée de nouveaux produits et donc de jouer sur les prix.
 
La troisième proposition ne va pas plaire à tout le monde puisqu'il s'agit d'accroître la transparence des grands groupes pour mieux identifier la formation des marges. Pour ce faire, il est proposé d'augmenter les amendes en cas de non-dépôt des comptes annuels d'une entreprise, mais aussi en introduisant l'obligation d'établir des comptes consolidés pour les entreprises dépassant un certain seuil de chiffre d'affaires ou de nombre de salariés notamment.
 
Plus de transparence sur les niveaux de marges
 
Vient ensuite la proposition d'accroître la régulation en instaurant l'obligation pour les distributeurs de communiquer leurs marges à l'APC. Et uniquement à l'APC car trop de transparence pourrait avoir l'effet inverse et faciliter les ententes et les pratiques anti-concurrentielles. Mais ce manque de visibilité sur les niveaux de marges empêche de poser un diagnostic précis et de trouver le remède adéquat. L'idée est donc d'imposer des contraintes aux grandes enseignes qui sont intégrées “verticalement”, autrement dit qui cumulent plusieurs fonctions (distributeurs, grossistes, importateurs, producteurs). La cinquième proposition s'inscrit dans la même veine puisqu'il s'agit de faire peser des contraintes nouvelles sur les groupes agissant simultanément sur les activités d'import et de distribution. Ce sont ces cinq premières propositions qui étaient discutées dans les ateliers ce mercredi.
 
Jeudi matin, les intervenants travailleront sur les cinq autres. D'abord, sur la proposition de créer un label “entreprise citoyenne” pour récompenser les comportements vertueux des entreprises qui jouent le jeu de la concurrence en les faisant bénéficier d'un avantage fiscal. Une proposition qui a d'ailleurs été applaudie par les acteurs économiques présents dans l'hémicycle. La septième proposition vise à refondre la défiscalisation locale, l'idée étant de dépolitiser l'agrément fiscal en supprimant la validation par le conseil des ministres. Mais aussi de revisiter ce dispositif pour que l'outil soit davantage corrélé aux politiques publiques sectorielles.
 
Revoir les concessions d'aconage
 
Il est ensuite proposé de moderniser la gestion du fret maritime. D'abord en appliquant le schéma directeur du port autonome qui prévoit notamment d'approfondir la passe de Papeete pour les gros porteurs d'ici 2027. Et en revoyant les concessions des trois sociétés d'aconage mises en place depuis 30 ans et qui doivent être renouvelées en 2027 afin qu'elles puissent mutualiser leurs moyens (comme leurs grues par exemple) et faire baisser les prix d'aconage.
 
L'avant-dernière proposition consiste à réformer l'Institut de la statistique (ISPF) en bâtissant en outil statistique plus performant et plus moderne avec Big Data ou l'IA, en créant un registre économique unique en lien avec la direction des impôts (DICP), la CPS et les autres administrations, ainsi qu'un observatoire du coût de la vie.
 
Enfin, la dernière proposition s'inscrit davantage sur le long terme. Il s'agit de faciliter la pénétration du marché en aménageant des zones franches. Autrement dit, des zones dédiées à l'activité économique ouvrant droit à des avantages fiscaux.
 
Reste maintenant à savoir quelles propositions seront retenues, et si elles seront effectivement traduites par l'adoption de textes émanant des élus de l'assemblée.
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mercredi 19 Mars 2025 à 15:00 | Lu 2847 fois