Dix mois de sursis requis contre l'élu Bernard Natua


Tahiti, le 29 septembre 2022 – Le parquet a requis jeudi matin dix mois de prison avec sursis à l'encontre du représentant de Rangiroa, Bernard Natua, poursuivi pour “violences avec arme” après avoir frappé un voisin sur son atoll. Le tribunal se prononcera le 20 octobre sur le sort de l'élu déjà condamné à deux reprises par le passé pour menaces de mort et violences.
 
En pleine bascule politique du Tapura vers le A Here ia Porinetia à l'assemblée, le représentant originaire de Rangiroa, Bernard Natua, avait rendez-vous jeudi matin au tribunal correctionnel de Papeete. Jugé pour l'affaire de “violences avec arme” révélée par Tahiti Infos le mois dernier, le représentant s'est présenté à la barre, assisté de son avocat, sans sembler vouloir beaucoup insister sur sa qualité d'élu de l'assemblée de la Polynésie française. “Vous faîtes quoi dans la vie ?”, a d'ailleurs interrogé le juge au cours de l'audience, pour obtenir une réponse assez singulière du représentant. “De la pêche. J'ai un parc à poissons”, a d'abord répondu Bernard Natua, avant de concéder de façon évasive qu'il “travaill(ait) à l'assemblée”, puis de reconnaître plus précisément son titre exact de “représentant à l'assemblée”, devant l'insistance d'un magistrat visiblement amusé par autant de tergiversations.
 
“Plaie tranchante”
 
Il faut dire que les faits pour lesquels est poursuivi l'élu de Rangiroa, même s'ils sont partiellement contestés, sont particulièrement peu reluisants. Dans le détail, l'affaire remonte au 2 novembre 2021 en matinée au Lagon Vert à Rangiroa et trouve son origine dans un litige foncier visiblement ancien. Le jour des faits, un géomètre était en train de tracer la délimitation des parcelles appartenant à la famille de Bernard Natua et à celle de son voisin, en présence des propriétaires et de leurs enfants. Mais devant le tracé du géomètre qui lui retirait une cabane et 150 des 500 cocotiers plantés par ses propres parents, le voisin s'est mis à contester avec virulence l'empiétement sur son terrain. Le ton est monté et une “bagarre généralisée” a fini par éclater.
 
C'est au cours de cette bagarre que le voisin –et d'autres témoins membres de sa famille– a déclaré que Bernard Natua s'était saisi d'un coco pour le frapper avec à la tête, puis lui assener plusieurs coups de coco au sol. Toujours selon les témoignages recueillis côté victime, l'élu se serait ensuite saisi d'un “paquet de fers à béton” pour se diriger vers la fille du voisin. Ce dernier s'est alors interposé et a reçu un coup de fers à béton sur le crâne. Bilan : un évasan sur Tahiti, cinq jours d'ITT et un certificat médical faisant état d'un “hématome volumineux” et d'une “plaie tranchante” sur le crâne… L'ensemble des protagonistes de la bagarre a écopé d'un rappel à la loi, sauf Bernard Natua, poursuivi en raison de la gravité de la blessure de sa victime.
 
Sauf que l'élu des Tuamotu conteste cette version des faits et que le géomètre, seule personne neutre dans cette affaire, a déclaré qu'il n'avait rien vu de la scène. Le représentant à l'assemblée déclare qu'il a uniquement frappé son voisin d'un coup de poing à la tempe. Rien de plus. “Comment s'est-il ouvert le crâne alors ?”, interroge le juge. “Je ne sais pas. Il a dû tomber sur une pierre”, réplique l'élu. “C'est pratique, ça permet de passer d'un délit pénal à une simple contravention”, souligne la procureure, visiblement peu convaincue par la version de l'élu : “Mais moi, j'ai des témoignages, un certificat médical, une victime avec une blessure qui correspond parfaitement à l'arme.”
 
Enquête “à charge”
 
La représentante du parquet a également souhaité insister sur “la personnalité” particulière de Bernard Natua. L'élu a déjà deux condamnations au casier judiciaire, pour des faits datant de 2007 et 2009, respectivement pour menace de mort et violences. “Et à chaque fois, avec arme”, a souligné la procureure.
 
Pour l'avocat du représentant à l'assemblée, Me Brice Dumas, un “supplément d'information” s'impose dans ce dossier, pour compléter une enquête menée selon-lui “à charge” par les gendarmes. L'avocat qui a estimé dans sa plaidoirie que le certificat médical pouvait parfaitement correspondre aux déclarations de son client : “Un hématome à gauche et une plaie à droite. Parce que M. Natua a frappé avec son poing sur la tempe gauche et que mécaniquement (la victime) est tombée sur le côté droit.”
 
La demande de supplément d'information de la défense a été jugée “inutile” pour le parquet “au vu des éléments du dossier”, qui a requis 10 mois de prison avec un sursis probatoire et l'obligation d'indemniser la victime. Le tribunal a mis l'affaire en délibéré. Il jugera la demande de la défense, et possiblement le fond du dossier, le 20 octobre prochain.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 29 Septembre 2022 à 13:08 | Lu 2070 fois