Divergences au Tavini : de la parole aux actes


: Si le torchon ne brûle pas encore entre Moetai Brotherson et Antony Géros, leurs divergences sont de plus en plus flagrantes, comme en témoigne le vote du Tavini en faveur d'un texte contre l'avis du gouvernement.
Tahiti, le 22 septembre 2023 - Le texte porté par Gaston Tong Sang et Élise Vanaa visant à multiplier par quatre la taxe de séjour et la taxe de séjour forfaitaire au profit des communes a été adopté jeudi en commission de l'Économie par les élus Tavini et Tapura... contre l'avis du gouvernement. Sans succès, il a demandé le report de ce texte dans l'attente d'une réforme fiscale touristique plus large qui serait en cours. Le discours tranchant du président de l'assemblée, le matin, s'est ainsi traduit concrètement l'après-midi, Tony Géros renvoyant le gouvernement à sa copie.
 
De la parole aux actes, il n'y a qu'un pas. Et Antony Géros n'a pas hésité à le franchir, jeudi après-midi, en commission de l'Économie à l'occasion de l'examen du texte relatif à la taxe de séjour qui va être quadruplée au profit des communes. Le matin même, le président de l'assemblée prononçait un discours fleuve et très politique pour l'ouverture de la session budgétaire. Un discours axé sur l'idéologie du Tavini avec des annonces qui ont pris au dépourvu le président du Pays. Lequel n'a pas manqué de répondre au locataire du perchoir en essayant d'aplanir les choses tout en réaffirmant son ADN indépendantiste.
 
C'est l'assemblée qui donne le “la”
 
Mais les divergences entre le canal historique du Tavini et celui qui préside le Pays sont de plus en plus flagrantes. Déjà en août dernier, et profitant du déplacement de Moetai Brotherson aux Marquises avec le ministre Gérald Darmanin, Oscar Temaru et Antony Géros tenaient une conférence de presse au cours de laquelle le président de l'assemblée avait adressé un message on ne peut plus clair au chef de l'exécutif polynésien : “L'exécutif est là pour exécuter les décisions de l'assemblée (...) c'est le Tavini qui est aux affaires du Pays, nous avons 38 élus, c'est nous qui prenons les positions politiques”.
 
Si depuis, les deux “camps” affirment qu'il n'y a pas de problème dans la majorité, force est de constater qu'il y a une vraie dissonance entre l'avenue Pouvana'a a Oopa et Tarahoi. C'est ce qui a pu être constaté jeudi matin dans l'hémicycle et l'après-midi en commission de l'Économie. En effet, la proposition de loi sur la taxe de séjour déposée par Élise Vanaa et Gaston Tong sang a fait débat pendant une bonne heure et demie.
 
Une réforme fiscale touristique plus large en cours de rédaction
 
Pour représenter le gouvernement, le ministre de l'Économie n'était pas là mais était représenté par son directeur de cabinet et ses conseillers. Le conseiller technique du tourisme de Moetai Brotherson (qui détient ce portefeuille) et la vice-présidente Éliane Tevahitua étaient également présents. Ils ont demandé à ce que ce texte soit reporté car une réforme fiscale touristique plus large serait en préparation au ministère de l'Économie, avec une taxe de séjour qui serait fixée à l'entrée du Pays.
 
De son côté, Gaston Tong Sang a défendu “son bébé” bec et ongles. Il faut dire que le tāvana de Bora Bora sera le principal bénéficiaire de la revalorisation de cette taxe de séjour, certains élus y voyant d'ailleurs clairement “un conflit d'intérêts”. C'est alors qu'Antony Géros a interrogé le gouvernement sur le calendrier prévu pour cette réforme fiscale touristique de plus grande ampleur. “L'année prochaine”, lui a-t-on répondu, expliquant que le gouvernement devait consulter les hôteliers d'ici le mois de décembre.

Tony Géros en patron législatif
 
Mais Antony Géros ne l'a pas entendu de cette oreille, estimant que les arguments déployés par les conseillers présents étaient un peu maigres, et qu'en attendant, il fallait adopter ce texte. Il a d'ailleurs à nouveau reproché au gouvernement de ne toujours pas expliquer comment il comptait compenser la perte de neuf milliards de francs par an suite à la suppression de la TVA sociale.
 
Résultat, les élus Tavini ont approuvé ce texte contre l'avis du gouvernement, mais avec l'appui du Tapura qui, s'il s'y était opposé au départ au regard du calendrier électoral (c'était peu avant les élections d'avril dernier), a estimé que “c'était le bon moment” aujourd'hui. Seul le représentant de A here ia Porinetia, Nuihau Laurey, s'est abstenu.
 
Une chose est sûre. Avec ses 38 élus, Antony Géros peut faire adopter ou rejeter les textes qui seront présentés à Tarahoi et il le fait savoir... alors que le gouvernement Brotherson est en train de finaliser son projet de budget pour 2024. Compliqué. Mais peut-être que le déplacement Onusien des deux présidents Tavini va contribuer à les rapprocher.
 

Géros veut renforcer l'action de contrôle du gouvernement

Dans son discours lors de l’ouverture de la session budgétaire, jeudi matin, le président de l'assemblée a également annoncé qu'il allait proposer très rapidement une modification du règlement intérieur de l'institution. D'abord pour créer sa fameuse commission “ad hoc” sur la décolonisation, mais aussi pour réactiver la commission d'évaluation des politiques publiques (CEPP) mise en sommeil depuis des années. Une commission chargée de contrôler l'action du gouvernement dans ses politiques sectorielles dans des secteurs clés comme le tourisme, l'emploi ou la fiscalité notamment. “L'idée générale est de redonner de l'énergie et de l'utilité à cette commission de manière à donner un sens innovateur à votre mission, à vous élus du peuple, qui avez en charge le contrôle de l'action du gouvernement”, a-t-il ainsi déclaré.
 
Le message adressé à l'exécutif est limpide : attention à ce que vous faites, nous sommes là pour vous soutenir... ou vous taper sur les doigts. À quelques semaines du débat d'orientation budgétaire qui sera suivi de l'examen du budget, le président Géros a déjà prévenu : “Les élus de Tarahoi sont fins prêts pour se confronter à la matière financière et budgétaire”.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Vendredi 22 Septembre 2023 à 15:49 | Lu 5747 fois