Crédit Sameer Al-DOUMY / AFP
Lille, France | AFP | lundi 11/12/2023 - La rupture du contrat liant le lycée musulman Averroès à l'Etat, actant la fin de son financement public, fait craindre à ses soutiens un "risque de stigmatisation" des musulmans, dans une période déjà tourmentée, quand ses détracteurs se félicitent d'un "signal clair" en faveur des "valeurs de la République".
La décision, prise le 7 décembre par le préfet du Nord Georges-François Leclerc, était attendue depuis un récent avis favorable d'une commission consultative.
Elle doit en principe prendre effet à la rentrée 2024, mais les dirigeants du lycée, basé à Lille, qui n'avaient pas été officiellement avisés lundi matin, avaient au préalable affirmé qu'ils déposeraient un recours devant la justice administrative.
"Ce n’est pas une surprise", a réagi lundi auprès de l'AFP le chef d'établissement, Eric Dufour, qui entend "démonter point par point, argument par argument" les griefs de la préfecture.
Son établissement de 400 élèves, ouvert en 2003 avec le soutien de l'ex-UOIF (organisation devenue Musulmans de France et issue du mouvement égyptien des Frères musulmans), dans la foulée de l'interdiction du voile dans les lieux scolaires, était devenu en 2008 le premier lycée musulman à passer sous contrat. Il se classe depuis régulièrement parmi les meilleurs de la région.
"Homosexualité"
Pour justifier sa décision, le préfet du Nord met en avant, dans un courrier dont l'AFP a pris connaissance, des "manquements graves aux principes fondamentaux de la République".
Se fondant sur des "rapports d'inspection", notamment de la chambre régionale des comptes, il souligne ainsi "l'absence de ressources" au centre de documentation et d'information de l'établissement "sur certaines thématiques comme la culture, les institutions sociales, les comportements culturels, les relations entre les sexes, l'homosexualité."
"Les ouvrages religieux présents font également état de 30 ressources sur l'islam, les autres religions n'étant pas représentées", ajoute-t-il.
Il vise également les enseignements d'un cours d'éthique musulmane, "fondés notamment" sur un ouvrage prônant la peine de mort pour apostasie ou la ségrégation des sexes.
Le préfet critique, pour finir, une gestion opaque de l'établissement, en particulier ses financements en lien avec le Qatar.
"Enfin ! Ça fait plus de six ans que j'ai alerté l'Etat sur la présence du fait religieux dans cet établissement", a salué lundi auprès de l'AFP Xavier Bertrand, le président LR du conseil régional des Hauts-de-France, qui rechigne depuis 2019 de verser la subvention prévue dans le cadre du contrat.
Lui voit dans cette décision "un signal clair" en faveur des valeurs républicaines. Quant au groupe RN au conseil régional, il a fait part dans un communiqué de son "soulagement non feint".
"On sent un stress"
Mais pour Roger Vicot, député socialiste du Nord, la décision est "tout à fait injuste". Il craint "un risque de stigmatisation au regard du vivre-ensemble à l’égard d’une population qui est inquiète" et souligne qu'une inspection de l'Education nationale en 2020 "n'a rien trouvé à redire."
"C'est comme utiliser un bazooka pour tuer une mouche", renchérit Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po Lille, parrain de l'établissement, qui juge la décision "totalement disproportionnée".
Il défend plutôt pour Averroès "une période de probation" avec une surveillance accrue de l'établissement.
Devant le lycée, les élèves sont dans l'expectative. "On sent un stress", affirme Imen (prénom d'emprunt), 17 ans, celui "d'avoir été jugés injustement".
"Les profs risquent de perdre leur travail et on est inquiets même pour nous. Même si on est en terminale, ça nous concerne aussi, c’est notre lycée quoi ! Et ça concerne nos petits frères, petites soeurs, nos cousins", ajoute son ami Lina. Sans contrat, "le lycée ne tiendra pas longtemps".
Contactés par l'AFP, les ministères de l'Education nationale et de l'Intérieur n'ont pas fait de commentaire.
Averroès est l'un des deux seuls lycées musulmans sous contrat en France, avec le lycée Al-Kindi près de Lyon (174 élèves).
La décision, prise le 7 décembre par le préfet du Nord Georges-François Leclerc, était attendue depuis un récent avis favorable d'une commission consultative.
Elle doit en principe prendre effet à la rentrée 2024, mais les dirigeants du lycée, basé à Lille, qui n'avaient pas été officiellement avisés lundi matin, avaient au préalable affirmé qu'ils déposeraient un recours devant la justice administrative.
"Ce n’est pas une surprise", a réagi lundi auprès de l'AFP le chef d'établissement, Eric Dufour, qui entend "démonter point par point, argument par argument" les griefs de la préfecture.
Son établissement de 400 élèves, ouvert en 2003 avec le soutien de l'ex-UOIF (organisation devenue Musulmans de France et issue du mouvement égyptien des Frères musulmans), dans la foulée de l'interdiction du voile dans les lieux scolaires, était devenu en 2008 le premier lycée musulman à passer sous contrat. Il se classe depuis régulièrement parmi les meilleurs de la région.
"Homosexualité"
Pour justifier sa décision, le préfet du Nord met en avant, dans un courrier dont l'AFP a pris connaissance, des "manquements graves aux principes fondamentaux de la République".
Se fondant sur des "rapports d'inspection", notamment de la chambre régionale des comptes, il souligne ainsi "l'absence de ressources" au centre de documentation et d'information de l'établissement "sur certaines thématiques comme la culture, les institutions sociales, les comportements culturels, les relations entre les sexes, l'homosexualité."
"Les ouvrages religieux présents font également état de 30 ressources sur l'islam, les autres religions n'étant pas représentées", ajoute-t-il.
Il vise également les enseignements d'un cours d'éthique musulmane, "fondés notamment" sur un ouvrage prônant la peine de mort pour apostasie ou la ségrégation des sexes.
Le préfet critique, pour finir, une gestion opaque de l'établissement, en particulier ses financements en lien avec le Qatar.
"Enfin ! Ça fait plus de six ans que j'ai alerté l'Etat sur la présence du fait religieux dans cet établissement", a salué lundi auprès de l'AFP Xavier Bertrand, le président LR du conseil régional des Hauts-de-France, qui rechigne depuis 2019 de verser la subvention prévue dans le cadre du contrat.
Lui voit dans cette décision "un signal clair" en faveur des valeurs républicaines. Quant au groupe RN au conseil régional, il a fait part dans un communiqué de son "soulagement non feint".
"On sent un stress"
Mais pour Roger Vicot, député socialiste du Nord, la décision est "tout à fait injuste". Il craint "un risque de stigmatisation au regard du vivre-ensemble à l’égard d’une population qui est inquiète" et souligne qu'une inspection de l'Education nationale en 2020 "n'a rien trouvé à redire."
"C'est comme utiliser un bazooka pour tuer une mouche", renchérit Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po Lille, parrain de l'établissement, qui juge la décision "totalement disproportionnée".
Il défend plutôt pour Averroès "une période de probation" avec une surveillance accrue de l'établissement.
Devant le lycée, les élèves sont dans l'expectative. "On sent un stress", affirme Imen (prénom d'emprunt), 17 ans, celui "d'avoir été jugés injustement".
"Les profs risquent de perdre leur travail et on est inquiets même pour nous. Même si on est en terminale, ça nous concerne aussi, c’est notre lycée quoi ! Et ça concerne nos petits frères, petites soeurs, nos cousins", ajoute son ami Lina. Sans contrat, "le lycée ne tiendra pas longtemps".
Contactés par l'AFP, les ministères de l'Education nationale et de l'Intérieur n'ont pas fait de commentaire.
Averroès est l'un des deux seuls lycées musulmans sous contrat en France, avec le lycée Al-Kindi près de Lyon (174 élèves).