Deux ministres attendus en Guyane, au lendemain de "manifestations historiques"


Cayenne, France | AFP | mercredi 29/03/2017 - Deux ministres s'envolent mercredi pour la Guyane, avec l'espoir de trouver une issue à la crise qui paralyse ce territoire depuis une semaine, le Premier ministre ayant salué "l'esprit de responsabilité" des Guyanais, au lendemain de manifestations massives qui se sont tenues "dans le calme et la dignité".

Les mobilisations mardi à Cayenne et à Saint-Laurent du Maroni "n'ont donné lieu à aucun débordement. Je tiens à saluer ici l'esprit de responsabilité de nos compatriotes guyanais", a déclaré Bernard Cazeneuve dans une allocution depuis Matignon.
Le Premier ministre était entouré du ministre de l'Intérieur Matthias Fekl et de la ministre des Outre-mer Ericka Bareigts, juste avant leur départ pour la Guyane où ils sont attendus en fin d'après-midi.
"Dès leur arrivée, ils engageront tous les contacts utiles", a expliqué M. Cazeneuve, assurant que le gouvernement était "à l'écoute des préoccupations des Guyanaises et des Guyanais".
Le rapport de force s'est précisé mardi, avec "la plus grosse manifestation jamais organisée" dans ce département, de l'aveu même de la préfecture.
Entre 8.000 et 10.000 manifestants ont été comptabilisés par la préfecture à Cayenne et entre 3.500 et 4.000 à Saint-Laurent-du-Maroni, les deux plus grandes villes guyanaises.
La signature d'"un pacte d'avenir ambitieux" concrétisant les avancées en faveur de la Guyane, "pourrait intervenir dans les meilleurs délais", avait estimé dans la soirée M. Cazeneuve, appelant "chacun" à "prendre ses responsabilités" et à "s'associer" aux  discussions "dans l'intérêt de la Guyane".
Mardi à Cayenne, l'avenue du Général-de-Gaulle, qui mène à la vieille ville, était noire de monde. Beaucoup de drapeaux guyanais étaient brandis, ainsi que des banderoles reprenant le slogan "nou bon ké sa" - "ça suffit" en créole guyanais - qui a fleuri ces derniers jours sur les nombreux barrages installés dans les villes du territoire.
"Nous voulons que l’Etat nous donne les moyens. Ca fait trop longtemps que ça dure, l’Etat doit reconnaître la population guyanaise", faisait valoir une manifestante.
  - "Méthode", "maîtrise", "respect" -  
Le succès de ces manifestations relève du plébiscite pour l'Union des travailleurs guyanais (UTG), dont les 37 syndicats membres avaient voté à la quasi-unanimité en faveur d'une grève générale illimitée.
Le collectif des protestataires "Pou La Gwiyann dékolé" ("pour que la Guyane décolle"), qui regroupe aussi bien des collectifs contre la délinquance et pour l'amélioration de l'offre de soins, que l'UTG ou les avocats guyanais s'en est trouvé renforcé, alors qu'il avait refusé de rencontrer la délégation interministérielle arrivée samedi, préférant attendre des discussions au niveau ministériel.
La mission de hauts-fonctionnaires a déjà obtenu, selon le préfet Jean-François Cordet qui la pilote, de "premiers résultats", tels que "la fidélisation d’un escadron de gendarmes mobiles à Cayenne".
Il y a "un vrai stress sur l'insécurité. Viennent ensuite la santé et l'éducation", a estimé Michel Yahiel, ancien "conseiller social" de François Hollande et membre de la délégation présente en Guyane.
"Beaucoup de choses ont été faites, objectivement, en matière de handicap, de prise en charge des personnes âgées notamment. Le problème, c'est que ces politiques sont encore partielles", a-t-il indiqué dans un entretien à l'AFP.
"Ce qu'il faut voir aussi c'est que l'Etat fait beaucoup d'efforts, l'assurance maladie fait beaucoup d'efforts et il faut aussi que les collectivités territoriales, dont c'est la charge, fassent aussi les mêmes efforts car aucun acteur ne peut tout faire seul".
M. Yahiel a pointé "des contraintes géographiques énormes", "un boom démographique énorme qui est un atout mais qui est aussi une contrainte".
"La situation que connaît la Guyane appelle de la méthode, de la maîtrise, du respect", a réaffirmé mercredi M. Cazeneuve. Visant à nouveau François Fillon et Marine Le Pen, il a critiqué "la démagogie "et "l'électoralisme de certains candidats à l'élection présidentielle".
Vaste territoire ultramarin d'Amérique du Sud (83.000 km2) à 7.000 km de Paris, la Guyane (250.000 habitants), est minée par le chômage et l'insécurité. 98% de son territoire est recouvert par la forêt équatoriale humide.

le Mercredi 29 Mars 2017 à 04:18 | Lu 240 fois