Deux braconniers de tortues jugés ce mardi matin


Lors d'un contrôle au port de Papeete, les douaniers ont découvert en novembre dernier une quarantaine de kilos de viande de tortue congelée.
PAPEETE, le 2 février 2015. En novembre, les agents de la douane ont découvert 93 kilos de viande de tortues chez deux particuliers de Paea et Papara. Les deux hommes seront jugés ce mardi matin par le tribunal correctionnel. Le commerce de la chair de tortue reste lucratif sur le marché noir malgré son interdiction.



Le 14 novembre dernier, à la sortie du port de Papeete, les douaniers enchaînent les contrôles. Dans un pick-up avec deux hommes à bord, ils ouvrent des glaciaires réfrigérées. A l'intérieur, une quarantaine de kilos de viande de tortue congelée.
Les douaniers poursuivent alors leur enquête aux domiciles des deux hommes à Paea et à Papara. Ils trouveront ainsi au total 93 kilos de viande de tortue conservée dans des congélateurs, mais aussi 181 perles et 545 keishis, une arme et enfin des traces d'ice sur l'un des deux hommes. Les deux prévenus qui comparaîtront libres devront s'expliquer ce matin devant le tribunal correctionnel.

Cette saisie de 93 kilos de viande de tortue est importante :
"cela démontre qu'il y a un trafic régulier" précisait alors Bruno Hamon, directeur adjoint des douanes en novembre. Pourtant, depuis 1971, le gouvernement de la Polynésie française s’est doté d’outils juridiques de protection des tortues marines. Toutes les espèces de tortues marines fréquentant les eaux polynésiennes sont désormais protégées. Depuis 1990, “sont interdits : le transport, la détention, la collecte des œufs de tortues marines, la capture à terre ou en mer, la taxidermie, la commercialisation, l’importation et l’exportation de toute tortue marine”. Le code de l'environnement polynésien prévoit que les auteurs de ces infractions « seront punis d’un emprisonnement de 3 mois au moins et un an au plus et d’une amende de 100 000 Fcfp à 980 000 Fcfp ou de l’une de ces deux peines seulement ». Ils encourent en plus une peine d'amende douanière d'un million de Fcfp.

La tortue verte, la plus prisée pour sa chair

La vente de la chair de tortues se fait sur le marché noir. Il est donc difficile d'évaluer réellement ce phénomène. « On manque totalement d’informations sur le braconnage. On a des témoignages qui indiquent qu'il y a encore du braconnage dans les îles éloignées mais on ne sait pas dans quelle proportion le braconnage persiste », note Matthieu Petit, responsable de la clinique des tortues de l'association Te Mana o te Moana. En 10 ans, 400 tortues sont passées par la clinique des tortues. 50 % d'entre elles avaient été blessées par l'homme.

En Polynésie française, cinq espèces de tortues marines sont présentes : la tortue caouanne, la tortue imbriquée, la tortue luth, la tortue olivâtre et la tortue verte. Les tortues vertes et les tortues imbriquées sont les plus souvent rencontrées au fenua. Mais la chair des tortues imbriquées n'est pas comestible ce sont donc les tortues vertes qui sont le plus prisées par les braconniers.


Un marché lucratif

La technique utilisée par les braconniers pour capturer leurs proies est bien rodée. Le braconnage le plus organisé a lieu sur les lieux des zones de ponte quand la tortue remonte femelle remonte à la surface. Elle est attachée à la surface de l'eau afin d'attirer les mâles et les capturer.
Selon les membres de l’association Te Mana o te moana, la viande de tortue reste très prisée des Polynésiens qui seraient prêts à débourser entre 4 000 et 9 000 Fcfp pour en acquérir un kilo, sachant qu’un animal de taille adulte peut peser jusqu’à 70 kilos. En moyenne, une seule tortue rapporterait environ 120 000 Fcfp aux braconniers.




Du sacré à la réglementation

Dans la mythologie polynésienne, la tortue marine tient une place importante dans les mythes et légendes locales. Elle est ainsi décrite comme un animal sacré créé par Tumoana - Urifa et son épouse Rifarifa, premier habitant de l’île de Raiatea, berceau de la civilisation polynésienne. Les tortues étaient considérées comme l’émanation des puissants dieux de l’océan.
La tortue, bien que sacrée, était pêchée et consommée selon des rites particuliers, et respectée de part sa fragilité. La tortue était consommée partout, mais pas par tout le monde. Aux Tuamotu, seuls les anciens y avaient droit, alors que dans les autres archipels c’était le menu des familles royales (Ari'i). Il était interdit de consommer cette chair pour les autres (tapu), sous peine de mise à mort. Cet interdit religieux a été levé par le roi Pomare V dans les années 1890, sous la pression des missionnaires et avec l’arrivée du catholicisme.
Ainsi , avec la levée du tapu, la consommation de tortue devint populaire et coutumière, répondant à l’attrait des Polynésiens pour cette viande. Devant cet accroissement de la demande, les Polynésiens ont modifié leurs techniques traditionnelles de pêche , et sont passés d’une technique à mains nues ou une tortue sur dix était pêchée, à des techniques plus productives, plus rentables. Celles- ci (fusil, appât par les femelles, braconnage des nids...) menaçant d’impacter fortement la population des tortues ont conduit à une modification de la législation.
Source : Te Mana o te Moana

Rédigé par Mélanie Thomas le Lundi 2 Février 2015 à 16:36 | Lu 1415 fois