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Deux ans de prison ferme pour avoir commandité l’agression du couple octogénaire


Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné la mère de famille à 4 ans de prison dont 2 ans avec sursis mise à l’épreuve pendant trois ans et le maintien en détention.
Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné la mère de famille à 4 ans de prison dont 2 ans avec sursis mise à l’épreuve pendant trois ans et le maintien en détention.
PAPEETE, le 31 octobre 2017 - L’affaire avait ému l’opinion publique. Ce matin, deux individus ainsi que la mère de l’un d’entre eux comparaissaient devant le tribunal correctionnel pour un vol avec violences commis le 11 août 2016 sur un couple de commerçants octogénaires.

L’agression, commise sur un couple de personnes âgées, avait connu un écho considérable. Les faits, jugés ce matin, remontent à la soirée du 11 août 2016. Ce jour-là, à Papeari, un couple de commerçants vient de se coucher. Leur domicile se trouve au-dessus du magasin qu’il possède depuis des années. Alors qu’ils dorment, l’homme et la femme sont réveillés par deux individus qui se sont introduits dans leur chambre en escaladant le balcon de 4 mètres qui mène à leur habitation. Les agresseurs menacent le couple et le violentent. Examinés par un médecin, le commerçant bénéficiera de 10 jours d’incapacité totale de travail (ITT) quand sa femme en aura trois. Le butin, 30 000 Fcfp et plusieurs cartouches de cigarettes, s’était avéré médiocre.

L’enquête, faute d’éléments probants, avait mis un certain temps à démarrer. Pendant plusieurs semaines, le fils du couple d’octogénaires avait été soupçonné et mis sur écoute. Ce n’est que le témoignage de la cousine de la compagne de l’un de prévenus qui avait mis les enquêteurs sur la bonne piste. Les gendarmes étaient alors remontés à une mère, trois de ses 5 enfants et l’un de ses neveux. La famille, cliente habituelle du magasin des victimes, vivait à proximité de l’épicerie. La prévenue y possédait une dette de 40 000 Fcfp mais les commerçants continuaient à lui faire crédit.

Les différentes auditions effectuées par les gendarmes ont permis d’établir le scénario selon lequel la mère de famille, âgée de 44 ans, veuve et sans emploi, avait reçu un document attestant d’une potentielle expulsion du domicile familial. Les retards de loyer s’élevaient à 800 000 Fcfp. La mère de famille aurait alors réuni ses enfants, une fille et quatre garçons, ainsi que son neveu pour évoquer le magasin du couple dans lequel elle avait vu la commerçante mettre « beaucoup d’argent » dans un sac. Le soir des faits, elle aurait donc vu partir trois de ses fils, dont deux étaient mineurs, accompagnés de leur cousin qui avait pour mission de faire le guet. Le lendemain des faits, la prévenue s’était rendue à l’Office polynésien de l’habitat (OPH) afin de s’acquitter de la somme de 25 000 Fcfp. Entendus par les gendarmes, les prévenus ont déclaré que la mère avait été à l’initiative de l’agression. Seul l’un de ses fils, celui qui avait violenté le commerçant, a tenu une version moins accusatrice. A la barre, la prévenue a exprimé des regrets mais a contesté son rôle actif, invoquant Dieu qui, « lui seul sait la vérité. » Ce à quoi le président du tribunal a répondu : « Dieu est très loin du tribunal aujourd’hui. »

Lors de ses réquisitions, le procureur de la République a évoqué le « mobile : le déclenchement des faits est très clair ce 11 août 2016. La prévenue est aux abois. Elle est veuve, elle est la chef de la fratrie. Elle réunit un conseil de famille, elle orchestre et ses enfants se tiennent à ses ordres. C’est constant, établi, les faits ne supportent aucune discussion. J’insiste sur la gravité intrinsèque des faits liée au modus operandi, sur la préméditation et je relève le grand trouble porté à l’ordre public. » Suite à ces propos, le représentant du ministère public a requis 5 ans de prison dont deux ans avec sursis mise à l’épreuve pendant 3 ans contre le fils et la mère de famille, « la principale responsable sur les plans moral et pénal.» Cinq ans de prison dont 3 avec sursis ont été requis contre le dernier prévenu.

Indulgence

Lors de sa plaidoirie, Me Piriou, le conseil de la mère de famille a déclaré : « Il me revient la charge délicate de défendre madame. Cette audience dégouline de bons sentiments et de lieux communs. La notion de répression est, ici, sans commune mesure. Evidemment que ma cliente est coupable, évidemment qu’elle n’assume pas, qu’elle est en pleine contradiction, en pleine incohérence. Je ne parle pas de complaisance, qui est un sentiment contraire à la justice, mais d’indulgence. La justice, c’est la banalité, le quotidien. Elle n’a pas vocation à faire passer un message à l’opinion publique. On ramasse les accidents de la vie et si l’on ne croit pas à l’être humain, on ne fait pas de justice. Il faut être dans la réalité sociale de ce pays. Lorsque l’on a de gros soucis financiers, il arrive que l’on fasse des choix aberrants. Le pénal, c’est la vie, la matière brute et l’on doit chercher une réponse intime, individuelle. »


Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné la mère de famille à 4 ans de prison dont 2 ans avec sursis mise à l’épreuve pendant trois ans et le maintien en détention. Son fils a écopé de la même peine sans mandat de dépôt. Le cousin de ce dernier a échappé à la prison ferme en étant condamné à un an de prison avec sursis mise à l’épreuve pendant trois ans. Les deux jeunes hommes devront se soumettre à des obligations de formation et de travail. Les trois prévenus ont été solidairement condamnés à payer des dommages et intérêts à hauteur d’un million pour le commerçant et de 500 000 Fcfp pour son épouse. Les trois prévenus auront, pour interdiction, d’approcher le couple et le magasin. Les deux octogénaires restent profondément marqués par cette agression.

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 31 Octobre 2017 à 17:29 | Lu 5974 fois