Desserte maritime : l'espoir renaît pour Maupiti


Les habitants de Maupiti se sentent pénalisés en termes de transport.
PAPEETE, le 10/02/2017 - Pénalisée depuis plusieurs années en matière de transports, l'île de Maupiti peut enfin espérer une issue favorable concernant le projet de desserte maritime préparé par le groupe Martin présidé par Jean-Pierre Fourcade. Actuellement propriétaire du Hawaiki Nui, celui-ci envisage de racheter la flottille des Taporo de Morton Garbutt, ce qui lui donnera, par la même occasion, le monopole sur les Raromatai. Mais cette situation ne défavoriserait pas les habitants, selon le maire de Maupiti.

La flotille des Taporo devrait changer de propriétaire, c'est en tous les cas ce qui se prépare actuellement. Et cette entreprise devrait être rachetée par son concurrent, le groupe Martin, propriétaire du Hawaiki Nui.

L'objectif, pour les propriétaires du Hawaiki Nui, est de revoir la desserte maritime sur les îles Sous-le-Vent et d'en faire profiter l'ensemble des populations, même celle de Maupiti. "Nous le soutenons à 100 % parce qu'il a une volonté de désenclaver les îles Sous-le-Vent, et surtout il a un intérêt pour la commune de Maupiti, qui rencontre des difficultés sur la desserte maritime depuis des années maintenant", indique Woullingson Raufauore, maire de Maupiti.

Pour l'heure, ce rachat est en suspens. "Il attend la réponse de l'Autorité polynésienne de la concurrence, le 7 mars. C'est seulement là qu'on sera donc fixé sur l'achat du Taporo, ce qui lui permettra d'investir dans un ferry permettant de transporter 400 à 500 passagers et peut-être 50 véhicules", ajoute le tāvana de Maupiti.

Un projet qui fait tourner la tête des élus de la communauté de Hava'i. "Il faut savoir qu'aux Raromatai, nous rencontrons des problèmes de transport de passagers par la desserte aérienne", explique Woullingson Raufauore. "Les bateaux, selon la règlementation des Affaires maritimes de l'État, ne peuvent transporter que douze passagers. Donc, si on fait les calculs, une fois que les avions sont pleins, les îles des Raromatai sont extrêmement pénalisées. Si, aujourd'hui, nous voyons que les bateaux ne peuvent transporter que douze passagers, eh bien, avec toutes les îles qu'il y a aux Raromatai, cela fait deux passagers par île, ce n'est absolument pas rentable pour nous", poursuit-il.

Et Maupiti est pénalisée depuis plusieurs années, après l'arrêt du Maupiti Express. "La règlementation ne nous permet pas de transporter du carburant, du gaz et des passagers. Et dans la réflexion qu'a M. Fourcade aujourd'hui, c'est de pouvoir transporter tout en même temps, avec un bateau qui serait sur Raiatea et qui pourra desservir Maupiti avec des passagers et du fret. C'est ce que nous attendons et je suis satisfait de cette volonté de M. Fourcade de ne pas oublier Maupiti parce que c'est l'île la plus pénalisée aujourd'hui dans ce secteur-là", souligne le premier magistrat de Maupiti.

Cette île est actuellement desservie une fois par mois par le Tahiti Nui, ce qui pose beaucoup de difficultés concernant le ravitaillement.

Si cet achat est validé, cela voudrait donc dire que le groupe Martin aura le monopole sur la desserte maritime aux îles Sous-le-Vent. Mais cela n'effraie pas les maires. "Il ne faut pas avoir peur du monopole puisque c'est le Pays qui aura le dernier mot, c'est lui qui fixera les tarifs des passagers et du fret", rassure Woullingson Raufauore.

La Confédération des armateurs, pour sa part, est contre le fait de donner le monopole au groupe Martin. Selon son président, Éthode Rey, il faut qu'il y ait au minimum deux armateurs pour desservir les îles, pour éviter que la population soit "captive" d'un seul armateur.

Tutehau Martin
Président de la Société de navigation polynésienne (SNP)

Pourquoi avez-vous décidé de reprendre les bateaux du Taporo ?

"Cette acquisition traduit notre volonté de contribuer activement au développement des îles. En effet, peu après la reprise des navires Hawaikinui et Nukuhau, nous avons rencontré les maires des îles sous le vent sur le sujet sensible du manque de capacité offerte pour le transport de passagers sur cette zone. Nous avons été sensible à leurs arguments et souhaitant, par ce rachat des Taporo, proposer des solutions de développement."

Cela veut donc dire que vous aurez le monopole ?
"Jusqu’à ce qu’un autre opérateur ne vienne solliciter une licence pour la desserte des îles sous le vent, nous serons les seuls présents, effectivement. Nous sommes conscients que cette présence unique peut déranger ou inquiéter, c’est pour cette raison que nous favorisons le dialogue avec les maires. Le fait d’avoir plusieurs navires sur cette ligne va nous permettre des économies d’échelle qui seront transférées pour partie dans les projets de développement que nous avons présentés : le ferry et la navette dédiée à Maupiti. La ligne de Maupiti est orpheline depuis 2014 et un projet durable pour cette île et ses habitants ne peut valablement s’envisager qu’au travers d’une continuité d’exploitation avec un regroupement de navires.
Il faut savoir qu'aujourd'hui, il y a un réel problème pour alimenter l'île de Maupiti, parce que la passe est étroite et dangereuse surtout par forte houle. Il nous est interdit aussi de transporter plus de douze passagers, ce qui veut donc dire que nous laissons du monde sur les quais.
"

Allez-vous garder les tarifs actuels ?
"Oui, lors de notre rencontre avec les maires le vendredi 03 février 2017, nous avons pris l’engagement ferme de ne pas toucher aux tarifs actuels, ce qui signifie aucune hausse pour les prix de transport du fret. En outre, je vous rappelle que c’est le pays qui fixe les tarifs applicables en la matière, au travers d’un arrêté d’application du conseil des ministres que nous respectons strictement."

Il vous faudra retaper les bateaux Taporo ?
"Ce groupe possède quatre navires, dont deux qui desservent les Raromatai. Aujourd'hui, ces bateaux fonctionnent très bien. Mais il est vrai que les coûts liés à la maintenance sont extrêmement élevés et constituent une priorité sur laquelle nous ne devons pas relâcher notre vigilance."

Pourquoi avez-vous envie de remplacer un navire du Taporo ?
"En tout premier lieu, pour pouvoir mettre en œuvre notre souhait de contribuer au développement des îles sous le vent : ainsi, le bateau actuel de type cargo, qui ne peut accueillir que 12 passagers, sera remplacé par un Ferry à passagers de type roulier. Ce faisant, nous pourrons accueillir plusieurs centaines de passagers en un voyage et embarquer également des véhicules et du fret. Ce bateau, nous en sommes convaincus, va permettre de consolider de manière importante les échanges entre les îles du vent et les îles sous le vent. Aujourd’hui, le moyen principal de transport est l’avion, avec le coût important et prohibitif pour de nombreux foyers. Demain, notre ferry va permettre à ces familles et à d’autres, de pouvoir voyager dans des conditions confortables et abordables."

Ce nouveau ferry viendra du Danemark ?
"Non pas forcément. Trois des navires de la flotte des Taporo viennent d’un constructeur norvégien dont la réputation n’est plus à faire en ce qui concerne la durabilité de leurs navires. Il en va d’ailleurs de même pour le Saint Xavier Maris Stella 4. Le Taporo 8 quant à lui a été construit au Japon. Le ferry sera vraisemblablement d’occasion, ce qui fait que nous avons le choix entre différents constructeurs. Ce qui guidera notre décision finale d’acquisition sera notamment la cohérence avec nos spécificités locales de desserte et surtout les obligations règlementaires attachées au pavillon français."

Une aubaine pour les habitants des Raromatai, mais surtout pour ceux de Maupiti. Comment allez-vous vous organiser pour cette desserte ?
"La navette qui sera acquise pour Maupiti sera basée au quai d’Uturoa, afin d’assurer un plan de rotation à déterminer avec les autorités de l’île. Nous souhaitons favoriser une rotation triangulaire entre Raiatea, Bora Bora et Maupiti. Pour l’heure, rien n’est arrêté définitivement, tout est encore au stade des études."

Quand est-ce que les habitants pourront bénéficier de ces nouveaux bateaux ?
"Nous avons pris l’engagement auprès de l’Autorité de la concurrence, mais également auprès des maires, de mettre en service ces navires avant la fin de l’année 2018. Ce délai, très court, souligne notre implication forte dans la parole donnée aux élus et en faveur du développement des ISLV."


Le rachat de la flotille Taporo par la SNP est entre les mains de l'Autorité polynésienne de la concurrence. Elle rendra, d'ailleurs, sa décision le 7 mars prochain.

Rédigé par Corinne Tehetia le Vendredi 10 Février 2017 à 16:54 | Lu 7721 fois