Des scientifiques sur le toit du fenua


PAPEETE, le 26 juillet 2015 - Un groupe de scientifiques, accompagné par des membres de l'association environnemental Te Rauatiati, est monté vendredi au sommet du mont Orohena (2 241 mètres). Il est allé récolter mousses, fougères et papillons de nuit.

Jeudi en fin de journée, Jean-Yves Meyer le délégué à la recherche en Polynésie française est au bout de la ligne. À la question : "la mission sur le mont Orohena est-elle maintenue ? ", il répond : "On le saura demain. Rendez-vous à 6h30 dans les hangars de Tahiti Hélicoptère. Pense à ta carte d’identité et à ton appareil !"

Vendredi, 6h30. Après les papio de Vaitupa, un peu plus loin sur la route, se trouvent une barrière et une guérite. Une femme répond via l’interphone et ouvre la barrière à distance. La route longe le lagon à gauche et la piste de l’aéroport de Faa’a à droite. Une petite marina sert de repère au passage du deuxième contrôle. Laurent Coron, le pilote de l’hélicoptère est déjà là. Il prépare son plan de vol aux côtés de son mécanicien du jour qui, lui, inspecte la machine. Il est à peine 7 heures quand les pales s’agitent, direction : Mahinarama.

Mousses et papillons de nuit

Les scientifiques et les membres de l’association Te Rauatiati sont là. D’abord minuscules, ils grandissent au fur et à mesure que l’hélicoptère s’approche de la DZ (Drop Zone). En fait, un petit terrain rasé de près, d’à peine quelques mètres carrés. Pour le novice la DZ paraît petite, trop petite. Laurent Coron lui "y ferait atterrir un Boeing".

Jean-Yves Meyer est là, accompagné du biologiste consultant Rava Taputuara et de deux entomologistes américains de passage au fenua. Le délégué à la recherche et le consultant montent pour ramasser des mousses. "Nous allons prendre tout ce que nous pourrons pour compléter la collection du projet Moveclim. Nous les redescendrons dès demain, nous les ferons sécher et les enverrons à la spécialiste Claudine Ah-Peng à l’Île de la Réunion pour identification." Les deux entomologistes annoncent, eux, vouloir s’intéresser aux papillons de nuit dans le cadre d’une étude sur la spéciation dans le Pacifique (voir article "Deux entomologistes américains à la recherche de nouvelles espèces polynésiennes" daté du 6 juillet 2015).

Les hommes sont tournés vers un même but

Autour des scientifiques se trouvent cinq membres de l’association Te Rauatiati. Frère Maxime, l’un des fondateurs de cette association, est du voyage. "Nous allons nous occuper de toute la logistique, notamment le ma’a et de la sécurité au cas où il faille redescendre à pied du sommet. On n’est pas sûr de pouvoir faire de nouvelles rotations en hélicoptère demain."

Ainsi s’organise cette mission scientifique établie sur deux journées de travail. Une parmi tant d’autres, menées par des hommes qui ne visent qu’un seul et même but : ils veulent en savoir toujours plus pour gérer toujours mieux leur terre et celle de leurs enfants.

De la vallée de la Papenoo au mont Orohena

L’association Te Rauatiati était représentée sur le mont Orohena jeudi et vendredi. "Avec quelques amis nous avons fondé cette association en 1987", se rappelle frère Maxime. "Lorsqu’il a été question de faire de l’hydroélectricité dans la vallée de la Papenoo nous nous sommes mis sur nos gardes. Nous avons vu les dégâts que cela a occasionné et nous avons finalement créé une association pour protéger notre environnement dans ce contexte précis d’aménagement de la vallée. Mais nous avons voulu aller plus loin et préserver toute la Polynésie." Te Rauatiati est, par exemple, aux côtés de l’organisation non gouvernementale Pew pour mettre en place l’aire marine protégée aux Australes. "Nous descendons dans l’archipel pour faire les traductions et parler aux gens", explique frère Maxime. "Nous trouvons les mots qui touchent, qui stimulent. Nous ne venons pas avec des messages occidentaux mais avec notre façon de voir polynésienne. Nous, ici Tahiti, tout comme aux Australes sommes attachés aux ancêtres, à notre terre, notre fenua. C’est de tout cela dont nous parlons." Un message qui ne change pas depuis près de 30 années d’existence et qui semble porter doucement ses fruits.

Moveclim, trois années d’études dans les îles tropicales

Les changements climatiques affectent tous les écosystèmes dont les milieux polaires et montagneux. Mais les données manquent sur ces types d’écosystèmes. D’où la naissance du projet Moveclim. Ce projet s’interroge sur la possibilité pour les bryophytes et fougères tropicales de jouer les indicateurs des changements climatiques pour mieux suivre ces impacts. Moveclim consiste en une analyse comparative de la diversité des bryophytes et fougères à différentes altitudes dans plusieurs îles tropicales : La Réunion (Mascareignes), Guadeloupe (Antilles), Pico (Açores), La Palma (Canaries) et Tahiti (Polynésie française). Le projet, financé notamment par l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du projet Net Biome, a été lancé en janvier 2012. Il doit prendre fin en décembre 2015. Les premiers résultats sont annoncés sous peu.


Rédigé par Delphine Barrais le Dimanche 26 Juillet 2015 à 16:57 | Lu 2332 fois