Paris, France | AFP | jeudi 06/04/2023 - Des résidus issus d'un fongicide, pourtant interdit depuis des années, sont omniprésents dans l'eau potable: c'est la conclusion d'un rapport des autorités sanitaires pointant du doigt la persistance dans l'environnement de traces de pesticides même longtemps après la fin de leur utilisation.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a étudié des prélèvements d'eau dans tous les départements, y compris en Outre-mer, à la recherche notamment de 157 pesticides et de leurs métabolites, c'est-à-dire des composants issus de leur dégradation.
"Sur les 157 composés recherchés, 89 ont été quantifiés au moins une fois en eau brute et 77 en eau traitée", indique jeudi l'Anses dans un rapport.
Un cas a particulièrement attiré l'attention des experts: le métabolite du chlorothalonil R471811 - le plus fréquemment retrouvé, "dans plus d'un prélèvement sur deux" - qui conduit à des dépassements de la limite de qualité (0,1 µg/litre) "dans plus d'un prélèvement sur trois".
Ce métabolite est issu de la dégradation dans l'environnement du chlorothalonil, un fongicide pourtant interdit en France depuis 2020. Les autorités françaises avaient été alertées de sa présence fréquente dans les eaux de consommation suisses.
"Ces résultats attestent qu'en fonction de leurs propriétés, certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l'environnement plusieurs années après l'interdiction de la substance active dont ils sont issus", conclut l'Anses.
"faillite"
"On sait depuis 2006 par la Commission que le chlorothalonil a la capacité de produire des métabolites en quantité importante", relève François Veillerette, de l'ONG Générations Futures, pointant du doigt une "faillite totale du suivi post homologation" de ce produit comme d'autres.
Cette persistance dans l'environnement ne surprend pas non plus Dominique Le Goux, de l'association Eau et rivières de Bretagne, qui prend l'exemple de l'atrazine, herbicide interdit au début des années 2000.
"L’atrazine est interdite depuis plus de 20 ans et on en retrouve toujours les métabolites dans l’eau", souligne-t-elle. "Les pesticides ne disparaissent pas d'un coup de cuillère à pot".
Pour ce qui concerne le chlorothalonil, commercialisé par l'allemand Syngenta, la Commission européenne n'en avait pas renouvelé l'autorisation en 2019, et la France avait accordé un délai de grâce jusqu'en mai 2020 pour l'écoulement des stocks du produit.
Bruxelles soulignait alors qu'il était "impossible à ce jour d'établir que la présence de métabolites du chlorothalonil dans les eaux souterraines n'aura pas d'effets nocifs sur la santé humaine".
La Commission citait les conclusions de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui estimait que le chlorothalonil "devrait être classé comme cancérogène de catégorie 1B", c'est-à-dire cancérogène "supposé".
L'Anses avait repris cette argumentation dans une note l'an dernier, rappelant que des études sur le chlorothalonil avaient identifié des "tumeurs rénales chez le rat et la souris".
L'agence soulignait le "manque de données pour prouver que le métabolite chlorothalonil R471811 ne partage pas le mode d'action de la SA (substance active) parente aboutissant à des tumeurs rénales".
"mesures fortes"
Contactés par l'AFP, la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E), le ministère de la Transition écologique et celui de l'Agriculture n'avaient pas réagi jeudi après-midi.
"L’élimination de ce métabolite dans l’eau potable est possible" mais "nécessiterait des investissements majeurs pour les services d’eau impliquant une augmentation significative du prix de l’eau", met en garde la FNCCR, association de collectivités territoriales spécialisées dans les services publics locaux.
"Le fabricant du pesticide doit assumer ses responsabilités et contribuer au financement des actions de remédiation", estime-t-elle dans un communiqué.
Les ONG suggèrent de prendre le problème à la source: "Il faut que dès à présent des mesures fortes soient prises pour influer sur nos modèles agricoles", dit Dominique Le Goux.
"Cette situation montre l’urgence de réduire fortement la dépendance de notre agriculture aux pesticides", abonde François Veillerette.
Ces révélations interviennent alors que le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, veut revenir sur la procédure d'interdiction d'un autre produit, l'herbicide agricole S-métolachlore, pas encore banni par l'Union européenne.
L'Anses avait annoncé le 15 février sa volonté d'interdire les principaux usages de cette molécule, dont les dérivés chimiques ont été détectés au-delà des limites autorisées dans des eaux souterraines.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a étudié des prélèvements d'eau dans tous les départements, y compris en Outre-mer, à la recherche notamment de 157 pesticides et de leurs métabolites, c'est-à-dire des composants issus de leur dégradation.
"Sur les 157 composés recherchés, 89 ont été quantifiés au moins une fois en eau brute et 77 en eau traitée", indique jeudi l'Anses dans un rapport.
Un cas a particulièrement attiré l'attention des experts: le métabolite du chlorothalonil R471811 - le plus fréquemment retrouvé, "dans plus d'un prélèvement sur deux" - qui conduit à des dépassements de la limite de qualité (0,1 µg/litre) "dans plus d'un prélèvement sur trois".
Ce métabolite est issu de la dégradation dans l'environnement du chlorothalonil, un fongicide pourtant interdit en France depuis 2020. Les autorités françaises avaient été alertées de sa présence fréquente dans les eaux de consommation suisses.
"Ces résultats attestent qu'en fonction de leurs propriétés, certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l'environnement plusieurs années après l'interdiction de la substance active dont ils sont issus", conclut l'Anses.
"faillite"
"On sait depuis 2006 par la Commission que le chlorothalonil a la capacité de produire des métabolites en quantité importante", relève François Veillerette, de l'ONG Générations Futures, pointant du doigt une "faillite totale du suivi post homologation" de ce produit comme d'autres.
Cette persistance dans l'environnement ne surprend pas non plus Dominique Le Goux, de l'association Eau et rivières de Bretagne, qui prend l'exemple de l'atrazine, herbicide interdit au début des années 2000.
"L’atrazine est interdite depuis plus de 20 ans et on en retrouve toujours les métabolites dans l’eau", souligne-t-elle. "Les pesticides ne disparaissent pas d'un coup de cuillère à pot".
Pour ce qui concerne le chlorothalonil, commercialisé par l'allemand Syngenta, la Commission européenne n'en avait pas renouvelé l'autorisation en 2019, et la France avait accordé un délai de grâce jusqu'en mai 2020 pour l'écoulement des stocks du produit.
Bruxelles soulignait alors qu'il était "impossible à ce jour d'établir que la présence de métabolites du chlorothalonil dans les eaux souterraines n'aura pas d'effets nocifs sur la santé humaine".
La Commission citait les conclusions de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui estimait que le chlorothalonil "devrait être classé comme cancérogène de catégorie 1B", c'est-à-dire cancérogène "supposé".
L'Anses avait repris cette argumentation dans une note l'an dernier, rappelant que des études sur le chlorothalonil avaient identifié des "tumeurs rénales chez le rat et la souris".
L'agence soulignait le "manque de données pour prouver que le métabolite chlorothalonil R471811 ne partage pas le mode d'action de la SA (substance active) parente aboutissant à des tumeurs rénales".
"mesures fortes"
Contactés par l'AFP, la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E), le ministère de la Transition écologique et celui de l'Agriculture n'avaient pas réagi jeudi après-midi.
"L’élimination de ce métabolite dans l’eau potable est possible" mais "nécessiterait des investissements majeurs pour les services d’eau impliquant une augmentation significative du prix de l’eau", met en garde la FNCCR, association de collectivités territoriales spécialisées dans les services publics locaux.
"Le fabricant du pesticide doit assumer ses responsabilités et contribuer au financement des actions de remédiation", estime-t-elle dans un communiqué.
Les ONG suggèrent de prendre le problème à la source: "Il faut que dès à présent des mesures fortes soient prises pour influer sur nos modèles agricoles", dit Dominique Le Goux.
"Cette situation montre l’urgence de réduire fortement la dépendance de notre agriculture aux pesticides", abonde François Veillerette.
Ces révélations interviennent alors que le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, veut revenir sur la procédure d'interdiction d'un autre produit, l'herbicide agricole S-métolachlore, pas encore banni par l'Union européenne.
L'Anses avait annoncé le 15 février sa volonté d'interdire les principaux usages de cette molécule, dont les dérivés chimiques ont été détectés au-delà des limites autorisées dans des eaux souterraines.