Des partis calédoniens vent debout contre la séparation des provinces défendue par Sonia Backès


Nouméa, France | AFP | mercredi 17/07/2024 - Plusieurs partis politiques de Nouvelle-Calédonie, indépendantistes comme non indépendantistes, ont vivement condamné le discours du 14 juillet de la cheffe de file des Loyalistes Sonia Backès, en faveur d'une séparation des provinces calédoniennes, dénonçant un projet "d'apartheid social".

"Nous, nous disons que notre pays est un et indivisible, mais aussi multiculturel. Tous ceux qui veulent le construire avec nous sont les bienvenus", a fait valoir Laurie Humuni, secrétaire générale du parti indépendantiste Rassemblement démocratique océanien. 

Lors d'une conférence de presse du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS), dont son parti est membre et assure actuellement l'animation, elle a accusé "Mme Backès (de vouloir) instituer l'apartheid social qui règne à Nouméa au niveau du territoire" calédonien dans son ensemble. 

La Nouvelle-Calédonie est divisée en trois provinces, la plus importante en termes de population et de richesse est la province Sud, dirigée par les Loyalistes, majoritairement des descendants de colons et des métropolitains. La province Nord et la province des îles Loyauté sont gouvernées par les indépendantistes.

Le 14 juillet, Sonia Backès, présidente de la province Sud, a plaidé pour "l'autonomisation des provinces" en "entités distinctes mais complémentaires", estimant que le choix s'offrant désormais aux populations en Nouvelle-Calédonie s'apparentait à "s'affronter jusqu'à la mort ou de se séparer pour mieux vivre". 

Au cours des deux derniers mois, le Caillou est en proie à des violences liées à un projet de réforme du corps électoral rejeté par les indépendantistes. Huit civils et deux gendarmes ont été tués depuis le 13 mai. 

Mme Backès avait attribué à "une partie majoritaire de la population indépendantiste" le rejet de "l'idéal d'un peuple calédonien", estimant "révolu" "le projet d'une Nouvelle-Calédonie institutionnellement unie et fondée sur un vivre ensemble, les uns avec les autres". 

Déjà en 2019, lors de son élection comme présidente de la province Sud, elle avait soutenu un projet d'"hyper-provincialisation", une plus grande autonomie des provinces mises en place avec les accords de Matignon-Oudinot en 1988. 

Deux ans plus tard, l'ex-président de l'assemblée de la province Sud Pierre Frogier, alors sénateur LR, avait défendu une proposition similaire au palais du Luxembourg.

- "Projet d'apartheid réactivé" - 

Les indépendantistes du Palika, membres du FLNKS ont pour leur part dénoncé "un discours démagogique construit sur la base d'un raisonnement combinant révisionnisme historique, analyse biaisée de la situation actuelle et vision politique +hors-sol+ de l'avenir". 

Le parti non indépendantiste Calédonie ensemble s'est également opposé lors d'une conférence de presse mercredi au "projet d'apartheid réactivé" par Mme Backès, fustigeant "cette stratégie (qui) revêt une nouvelle acuité depuis la gifle électorale des législatives" subie par les Loyalistes.

L'un des leaders de Calédonie ensemble Philippe Gomès a quant à lui dénoncé devant la presse "un positionnement opportuniste".

"Il n'y a aucune porte de sortie politique viable et durable pour notre pays si l'on essaie de construire deux petites Kanaky et une petite France", a-t-il affirmé. "Le salut de notre peuple sera obligatoirement un salut collectif ou ne sera pas." 

Mercredi, les indépendantistes du FLNKS ont énuméré plusieurs demandes à l'adresse de l'Etat et du président de la République pour "mettre en oeuvre toutes les conditions nécessaires à la reprise d'un dialogue serein et sincère". 

A commencer par le départ des 3.500 policiers, gendarmes et militaires envoyés depuis mai dans l'archipel, du haut-commissaire de la République Louis Le Franc et du procureur Yves Dupas, tous deux "sources évidentes d'instabilité" selon eux.

Les indépendantistes du FLNKS ont en revanche demandé le "rapatriement de (leurs) prisonniers politiques" alors que sept militants de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT, collectif indépendantiste accusé d'avoir été à l'origine des émeutes) sont dans l'Hexagone, en détention provisoire pour cinq d'entre eux, sous contrôle judiciaire pour les deux autres. 

Le FLNKS doit prochainement tenir un congrès très attendu, le premier depuis le début des violences. Initialement prévu le 15 juin, il n'avait pu se tenir en raison d'une présence trop importante de militants de la CCAT qui n’avaient pas été conviés.

Décalé à plusieurs reprises, une nouvelle date doit désormais être annoncée. "Il nous faut du temps pour nous retrouver", a commenté Mme Humuni.

le Jeudi 18 Juillet 2024 à 06:02 | Lu 637 fois