Des linguistes en immersion culturelle à Moorea


Moorea, le 8 septembre 2022 - Les chercheurs participant au colloque de linguistique océanienne à l’Université de la Polynésie française ont visité mercredi certains sites culturels de Moorea. L’idée était qu’ils profitent d'une journée de pause pour découvrir la richesse culturelle de l’île sœur ainsi que les actions entreprises pour la valorisation de la langue tahitienne.

Les participants du 12e colloque de linguistique océanienne, qui se déroule cette semaine à l’Université de la Polynésie française, ont fait mercredi une sortie à Moorea afin de visiter différents sites culturels. La journée a commencé par la rencontre avec les membres de l’association Puna Reo Piha’e’ina au site Pererau durant laquelle les chercheurs linguistes ont pu notamment apprécier les actions de l’association sur l’enseignement et la revitalisation de la langue tahitienne et partager avec Maurice Rurua, fondateur de l’association Puna Reo Piha'e'ina, sur l’histoire culturelle de ce site.

Les visiteurs se sont ensuite rendus sur les hauteurs de la vallée de Opunohu afin de découvrir quelques marae. Ils en ont profité pour découvrir les différentes plantes indigènes ainsi que celles introduites par les navigateurs polynésiens puis européens dans le passé. Après un bon mā'a tahiti en milieu de journée au Fare Natura, les chercheurs ont cette fois-ci fait la visite de l’écomusée afin notamment de voir comment celui-ci fait le lien entre les savoirs scientifiques et les savoirs culturels. La journée s’est terminée à l’amphithéâtre Fare Ite du Criobe par une séance de partage sur la thématique de l’utilisation de la langue tahitienne dans le partage des connaissances culturelles et scientifiques.
 
“S’imprégner de la culture”

Les visiteurs ont, semble-t-il, trouvé cette sortie très enrichissante avant d’aborder la fin du colloque jeudi et vendredi. “Les visites ont été à la fois très utiles et très instructives. Cela permet aux gens de connaître le lieu. Si on était resté pendant toute la semaine dans l’amphithéâtre, ils n'auraient pas pu découvrir les lieux et s’imprégner de la culture. Sinon, le colloque se passe très bien”, a réagi Jacques Vernaudon, maître de conférences en linguistique océanienne à l’Université de la Polynésie française.

“Ce que l’on souhaite, c’est de valoriser l’usage des langues polynésiennes, notamment toutes les approches qui sont liées à la compréhension du fonctionnement et de la description de l’environnement. Ce sont des approches qui font encore sens aujourd’hui”, a pour sa part souligné Olivier Poté, directeur du Fare Natura et organisateur de cette sortie culturelle.

Émilie Dotte, archéologue du Pacifique : “Tout est lié”

“Je travaille en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie surtout sur le reste des plantes qu’on retrouve sur les sites archéologiques. Je participe au colloque parce que j’ai un projet commun avec ma sœur qui est linguiste. On va croiser un peu nos connaissances pour travailler sur un manuscrit archéologique en Nouvelle-Calédonie. Après toutes ces journées où l’on parle de théories sur les langues, c’était bien avec l’association Puna Reo Piha’e’ina de pouvoir rencontrer des gens qui utilisent la langue pour enseigner justement aux enfants, les mettre en condition et leur apprendre aussi la culture. C’était bien de pouvoir voir ça et de visiter les sites culturels comme les marae qui vont avec la langue puisque celle-ci est attachée aussi à tous les lieux culturels. L’aspect de l’environnement avec les connaissances culturelles sur l’environnement a aussi été abordé au Fare Natura. Tout est lié en fait. C’était vraiment bien.”

Jason Cabral, professeur d’université à Hawaii : "Faire revivre la langue”

“Je participe au colloque, car le hawaiien est une langue du Pacifique et je trouve que c’est bien de faire le lien entre les différentes personnes qui travaillent pour faire revivre leur langue. On a le même objectif. Je viens pour apprendre les différentes stratégies comme on l’a vu aujourd’hui au Puna Reo Piha’e’ina. Enseigner le reo à travers par exemple la préservation de la terre ou de la culture est important pour sa survie. J’ai aimé le discours de Maurice, en particulier sur le mont Moua Puta. J’aime bien écouter ce genre d’histoires traditionnelles. On fait la même chose à Hawaii. C’est important pour nos enfants de continuer à apprendre sur ces sujets et ces histoires, pour qu'elles se transmettent de génération en génération.”

Fabrice Wacalie, enseignant chercheur à l’Université de la Nouvelle-Calédonie : “Comment fonctionnent d’autres langues”

“C’est intéressant pour moi d’échanger, durant ce colloque, avec d’autres chercheurs sur les langues de l’Océanie et de comprendre en tant que linguiste comment fonctionnent d’autres langues. J’ai trouvé cette visite intéressante, notamment au niveau des langues et des savoirs qui sont contenus dans les langues. Il y a aussi la culture polynésienne ainsi que sa diversité. Il y a quand même beaucoup de choses qu’on retrouve chez nous dans les langues kanakes. Cela nous permet du coup de voir les similitudes, les divergences… Il y a quand même des choses qui sont particulières. J’interviens par exemple sur les noms des plantes qui ont des correspondances avec le corps humain et ça, je l’ai trouvé ici. Il y a pas mal de choses que j’ai observées dans la visite d’aujourd’hui et depuis le début du colloque, qui sont assez communes avec ce que l’on a chez nous.”

Rédigé par Toatane Rurua le Jeudi 8 Septembre 2022 à 18:18 | Lu 793 fois