Des habitants de Bora Bora s'opposent à la vente du motu Tapu


L'administrateur judiciaire des propriétaires voudrait vendre le motu Tapu aux enchères. Le prix de départ serait fixé à 5 milliards de francs.
BORA BORA, le 27 février 2018 - Pour l'heure, rien n'est officiel. L'administrateur judiciaire de l'indivision du motu Tapu a évoqué son souhait de vendre ce site aux enchères. Une idée qui ne ravit pas les habitants de la Perle du Pacifique. Une manifestation est d'ailleurs prévue ce samedi à Bora Bora. Le maire, de son côté, aimerait que le pays rachète ce motu privé.

Il y aurait une centaine de familles qui revendiquerait le motu Tapu, de Bora Bora. Un petit coin de paradis situé à l'entrée de la passe, et qui accueillait à l'époque, le Club Med.

En 1964, un arrêté a été pris par le gouverneur pour que le motu Tapu soit classé "sur la liste des sites et monuments naturels dont la conservation ou la préservation présente un intérêt historique, artistique, scientifique, légendaire ou folklorique."

Un lieu qui accueillait d'ailleurs la famille royale de l'île, "juste après le décès de la reine, des familles sont venues revendiquer le motu et depuis elles sont propriétaires", assure Gaston Tong Sang, maire de Bora Bora.

D'autres activités ont aussi marqué le site, telles que la pêche aux cailloux. En 1931, "le premier film muet Tabou a été tourné sur ce motu, par un allemand Murnau", se rappelle Gaston Tong Sang. Un site historique qui est désormais très respecté par la population de Bora Bora.

Aujourd'hui, un bail de location a été conclu entre l'indivision du Motu Tapu et le groupe Louis Wane. Un contrat qui arrivera à échéance le 30 novembre 2018. De ce fait, le tribunal de Première instance a nommé un administrateur judiciaire pour se charger de la signature d'un nouveau bail et/ou à la vente du motu. Et c'est vers cette deuxième option qu'il se serait tourné, puisque celui-ci a envoyé une lettre au maire de Bora Bora, le 29 décembre dernier, pour lui indiquer de son intention de vendre aux enchères le motu Tapu.

Une nouvelle qui a été reçue comme une onde de choc auprès des habitants. Sur les réseaux sociaux, les avis se rejoignent : "ne vendez pas notre motu". Du côté des "propriétaires", c'est silence radio, même si quelques-uns ont clairement affiché leurs désaccords. "J'ai reçu quelques familles propriétaires qui s'opposent totalement à la vente", indique le tāvana Gaston Tong Sang.

Et le premier magistrat de rappeler quelques règles : "Il ne faut pas que les réseaux sociaux s'en mêlent. Le motu ne partira pas de là où il est. Le motu a été loué à Monsieur Louis Wane, qui a ensuite mis ce motu à la disposition du Conrad. Je sais aussi que lorsque l'Aranui vient à Bora Bora, il envoie ses clients au motu Tapu. Quand j'organise des fêtes ou des réceptions, je demande aussi l'autorisation d'aller au motu Tapu. C'est un motu privé, pour l'instant, géré par un privé."

"Les familles qui s'opposent à la vente ont appris cela par les réseaux sociaux. L'essentiel est que le pays le garde dans son patrimoine. Il faut savoir que c'est un motu qui a été classé. Donc, on ne peut pas faire n'importe quoi sur ce motu. Il faut l'avis du pays. Donc, le pays est bien placé pour pouvoir décider de l'avenir de ce motu", rajoute Gaston Tong Sang.

Pour l'heure, la vente est loin d'être acquise, et le maire en appelle à la bienveillance du gouvernement. Un courrier a même été transmis au président Fritch. "Le président dès qu'il a reçu mon courrier, a dû mettre en ébullition la direction des affaires foncières, qui doit faire une enquête foncière pour rechercher tous les propriétaires, parce qu'on ne peut pas négocier avec n'importe qui pour pouvoir acheter ou pas le motu. Il faut d'abord connaitre tous les noms des propriétaires et pourquoi pas discuter avec chacun, parce qu'il faut que tout le monde se mette d'accord sur l'idée de vendre ou pas, et à quel prix ? Le chemin est encore long pour savoir si la vente va se faire ou pas", souligne Gaston Tong Sang.

L'association Tamarii no Bora Bora organisera d'ailleurs une manifestation, ce samedi "pour dire non à la vente aux enchères du motu Tapu". D'ailleurs, une pétition circule sur internet, depuis le début de la semaine.

"Si le pays n'a pas les moyens, nous nous tournerons vers le président de la République", indique Sylvana Estall, de l'association Tamarii no Bora Bora.



Gaston Tong Sang
Maire de Bora Bora

"Il faut préserver ce patrimoine"


"Si le pays venait à acheter ce motu, eh bien, la commune fera en sorte qu'il reste un site exceptionnel. C'est quand même un motu qui change de surface, chaque année. Ce n'est pas un motu figé, le contour du motu bouge tous les mois d'ailleurs, ça dépend du courant. J'ai même une photo du motu où il n'y avait pas un seul sapin, à l'époque. Aujourd'hui, il y en a plein. Je pense qu'il faut lui donner ce caractère naturel, un peu magique et féérique, et laisser aussi les enfants venir pour faire leur pique-nique, à condition de l'entretenir. Donc, il faut préserver ce patrimoine, en faisant peut-être payer des loyers pour l'entretien, parce que ça coûte cher d'entretenir. C'est ce que fait d'ailleurs le pays avec certains de ses domaines. Des fois, il met en location ou à la disposition des associations, et pourquoi pas à la commune. En tout cas, la commune dispose de certains moyens pour assurer l'entretien et consolider les berges."


Une manifestation se fera ce samedi à partir de 17 heures, place Tuvavau.

Rédigé par Corinne Tehetia le Mardi 27 Février 2018 à 14:24 | Lu 5160 fois