Des exigences économiques, sociales et environnementales dans les marchés publics polynésiens


Symbole de cette volonté gouvernementale de la relance économique par la commande publique, le tunnel de Punaauia. Ce premier "grand chantier" avait été ouvert dès le mois de mai 2013 par le gouvernement Flosse tout juste arrivé au pouvoir après les élections territoriales. Au total 16 mois de travaux pour 1,6 milliard de Fcfp d'investissement.
PAPEETE, le 25 août 2015. Les représentants de l'assemblée de la Polynésie française ont adopté ce mardi après-midi à la majorité (les 22 voix du Tahoera'a et les 24 du Tapura allié à ATP) une délibération pour la prise en compte d’exigences économiques, sociales et environnementales dans les marchés publics. Les 11 élus de l'UPLD se sont abstenus sur ce texte.

Dans le cadre de la relance économique initiée en 2013, le gouvernement de la Polynésie française a mis l’accent sur la commande publique. De nombreux travaux -routiers particulièrement- ont été effectués depuis deux ans et demi sur le territoire, mais ils ne se sont guère traduits, jusqu'ici, par une reprise de l'emploi dans ce secteur, loin s'en faut. "On a beaucoup critiqué le secteur des travaux publics pour le manque de retombées sociales de cette activité. Depuis le début je dis que le BTP n'est pas porteur d'emploi, c'est le bâtiment qui l'est" précise le ministre de l'Equipement Albert Solia depuis la tribune du gouvernement.

Pour ne pas avoir à attendre que la construction progresse sur le territoire, la Polynésie s'est inspirée par conséquent de ce qui se pratique en France métropolitaine où il existe depuis le début des années 2000 deux dispositifs permettant d’intégrer les considérations d’ordre social et environnemental dans les marchés publics. La délibération qui était proposée à l'approbation des élus de Tarahoi propose "à l’instar du Code des marchés publics métropolitain, d’instaurer deux mécanismes : les clauses sociales et environnementales et le critère social" est-il écrit dans l'exposé des motifs de ce texte.

Avec les clauses sociales et environnementales, la personne publique peut imposer à son cocontractant de suivre un comportement déterminé, par exemple par l’obligation d’embaucher un certain pourcentage de personnes sans emploi lors de l’exécution du contrat (article 2). Tandis qu’avec le critère social, elle peut fixer comme critère d’attribution les caractéristiques sociales de l’offre (article 3).
Les clauses sociales permettent d’imposer aux entreprises soumissionnaires de s’engager à consacrer une part du marché, notamment sous forme d’heures de travail, à la réalisation d’une action d’insertion professionnelle. Les offres des candidats ne s’engageant pas à remplir cette obligation seront rejetées comme étant irrégulières.

Le ministre de l'Equipement tempère néanmoins ces obligations : "Elles seront adaptées aux marchés selon leur longueur (nombre d'heures d'insertion) et selon le type d'activités" précise Albert Solia. Lequel promet que ces nouvelles clauses seront mises en oeuvre "immédiatement" à savoir "sur les marchés publics qui seront ouverts en septembre", puis reprises dans le futur nouveau code des marchés publics polynésiens en cours d'écriture.

LES INTERVENTIONS DES GROUPES POLITIQUES

Pour le Tahoera'a Huiraatira, Loîs Salmon-Amaru :

"Le texte ne vise pas seulement par mimétisme e à se mettre en conformité avec le droit métropolitain mais vise la relance de l'emploi. Les derniers statistiques nous le disent : l'activité repart progressivement dans le BTP mais les effectifs salariés n'ont pas progressé. Ce texte participera humblement à la reprise de l'emploi" détaille l'élue orange. Son intervention se fait ensuite plus critique : "Au final, c'est l'emploi qui nous préoccupe. Il parait utile de rappeler que les entreprises de tous les secteurs soulignent le manque de flexibilité du droit du travail local, elles attendent sur ce point que de véritables réformes soient proposées".

Pour l'UPLD, Valentina Cross :

"Si la philosophie de ce texte est louable, nous sommes par contre très sceptiques sur la mise en œuvre de ces exigences par le Pays et ses établissements publics, car ce sont surtout la qualité, la valeur technique, les prix et les délais de réalisation qui sont sont surtout regardés actuellement. Quels seront les moyens de coercition si la règle sociale n'est pas respectée ? La pratique des marchés publics montre la faiblesse du Pays à prendre des sanctions à l'égard des entreprises attributaires d'un marché public. Ainsi, des exigences en matière de protection de l'environnement ont déjà été imposées, pourtant une société sous-traitante chargée du réaménagement de la rivière Taharu'u a totalement défiguré cette rivière, en amont du pont. Le gouvernement a t-il sanctionné cette entreprise ? La réponse est non".

Pour le Tapura Huiraatira, Virginie Bruant :

"Chaque franc investi par la collectivité doit créer un plus grand nombre d'emplois durables en augmentant la part de construction de bâtiments dans la commande publique. Nous pensons qu'il est possible de déplacer le curseur entre travail et capital. Ainsi, les exigences environnementales doivent davantage être prises en compte dans les marchés publics. Le groupe Tapura félicite cette démarche pragmatique".



Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 25 Aout 2015 à 14:21 | Lu 1285 fois