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Des envahisseurs sur les toits pour inciter les Hongkongais à "lever la tête"


Hong Kong, Chine | AFP | vendredi 20/11/2015 -Perchées ici et là au sommet des gratte-ciel, à quelques mètres du vide, d'étranges silhouettes dominent désormais l'emblématique "skyline" de Hong Kong. Leur but: inviter les passants à "lever la tête", explique le sculpteur britannique Antony Gormley.

On tombe sur ces statues au hasard des déambulations, quand le regard s'aventure au-dessus de son bout de trottoir. Tels des envahisseurs tombés du ciel, elles suscitent la curiosité mais parfois aussi la peur ou la consternation.

Ce n'est cependant pas un film de science-fiction, mais "Event Horizon", la nouvelle installation d'art contemporain d'Antony Gormley qui vient de disséminer ses sculptures à échelle humaine sur les toits de l'ancienne colonie britannique.

Au total, 27 silhouettes de la même taille que leur créateur (1,88 mètre), fabriquées en fibre de verre et figées au bord du vide sur les toits de bâtiments publics, comme la mairie, la Poste centrale, certains ministères, ou privés. Quatre autres sculptures en fonte de plus de 600 kilos sont ailleurs au niveau du sol.

Pour certains, ces sculptures d'Antony Gormley - qui s'était vu décerner en 1994 le célèbre prix Turner d'art contemporain pour son œuvre "Field for the British Isles" - constituent une présence menaçante.

Pour d'autres, elles inspirent au contraire une force bienveillante.

Mais pour quelques-uns, ces œuvres indécentes n'ont pas leur place dans une ville où la moitié des 900 suicides annuels sont commis en se jetant dans le vide. La police a d'ailleurs déjà été alertée quatre fois par des quidams prenant ces silhouettes pour des individus prêts à mettre fin à leurs jours.

"Je veux bien que ce soit la première chose à laquelle on pense quand on voit une forme humaine au sommet d'un bâtiment élevé. Mais il ne faut qu'une demi-seconde pour réaliser que cette forme n'est pas vivante", explique à l'AFP Antony Gormley, pour qui la psychose autour de son installation est "disproportionnée".

- Le suicide, un 'tabou' -

"Mon but n'était pas de soulever le problème du suicide mais j'ai été choqué quand j'ai appris le taux de suicide à Hong Kong. Je me suis demandé pourquoi je n'en avais jamais entendu parler, bien sûr parce que c'est un tabou", poursuit-il, finalement content si son œuvre met le sujet sur la table.

Inaugurée jeudi, l'installation, qui demeurera jusqu'au 18 mai, arrive à Hong Kong avec un an de retard en raison du retrait d'un des mécènes, HongKong Land, après le suicide d'un trader de JP Morgan du haut d'un gratte-ciel lui appartenant.

La panique que peut susciter "Event Horizon" n'est cependant pas nouvelle. Les services d'urgence britanniques avaient reçu 35 appels en une heure en 2008, après l'apparition de la première statue dans le ciel londonien.

A Hong Kong, la réaction a été plus mesurée. Peut-être aussi parce que beaucoup des Hongkongais qui marchent le regard rivé sur leur smartphone, n'ont pas remarqué ces silhouettes.

"Ce projet est une invitation à lever la tête. Regarder en l'air est extraordinaire, surtout à Hong Kong", explique l'artiste, tout en se désolant du peu d'intérêt témoigné par les passants le jour où il a installé une de ses statues dans le quartier de Central, malgré la présence de nombreuses caméras de télévision.

Pour Antony Gormley, il est même possible que certains apprennent l'existence de ses installations par les réseaux sociaux après être plusieurs fois passé en contrebas des statues sans les remarquer.

"Hong Kong est peut-être vacciné contre ce genre d'art. Peut-être que c'est sur Instagram que l'installation va marcher !", lance le sculpteur.

Une perspective dont ne se réjouit pas spécialement cet artiste de 65 ans, qui a été fait chevalier l'an dernier par la reine Elizabeth II et qui sculpte pour offrir au contraire au public des expériences originales en direct.

Mais en même temps, Anthony Gormley aime l'idée que les réseaux sociaux donnent une seconde vie à l'art.

Il cite "One and Other", son projet qui avait fait fureur à Londres au printemps 2009, quand 2.400 volontaires s'étaient relayés jour et nuit pendant 100 jours sur le "4e socle" vide de Trafalgar Square. Numérisé par la British Library, le projet peut encore aujourd'hui être vu en ligne.

Rédigé par () le Vendredi 20 Novembre 2015 à 06:31 | Lu 675 fois