Des entreprises s'attaquent aux centimes additionnels


Le montant des centimes additionnels versés à la CCISM est de l'ordre de 400 millions de Fcfp chaque année. Le maximum avait été atteint en 2012, année faste où la Chambre avait reçu 448 millions de Fcfp.
PAPEETE, le 17 aout 2016 - Une décision de justice a déclaré illégale une partie de la contribution des patentes, un impôt payé par toutes les entreprises de Polynésie. En plein ras-le-bol fiscal, certaines sociétés ont décidé de saisir l'occasion pour demander un rabais sur leur impôt.

Entre les entreprises et le gouvernement, c'est "Je t'aime, moi non plus" depuis plusieurs mois. Les patrons apprécient le nouveau plan de relance qui injectera dans l'économie entre 20 et 60 milliards Fcfp (selon la façon de compter) annoncé en avril, et les concessionnaires sont aux anges depuis l'annonce de la nouvelle prime à la casse, rebaptisée "Opération voiture propre".

Par contre, ils gardent encore au travers de la gorge les redressements de la CPS, qui exige le paiement de cotisations sociales sur les avantages en nature (principalement des retraites complémentaires) qui vont coûter 2,8 milliards de francs aux entreprises. La loi qui les exonère désormais n'apure pas les redressements en cours, et les patrons restent toujours mobilisés sur le sujet. Ils se désespèrent également de l'interruption de la réforme de la PSG, stoppée net après les grèves de début d'année. Sur ce dernier dossier, la présence à la table de négociation de Cyril le Gayic, condamné à trois ans d'interdiction de ses droits civiques en 2014 dans le dossier des emplois fictifs, a fait rugir le Medef qui a boycotté quelques réunions de travail économiques, sociales et fiscales organisées par le gouvernement.

On le voit, les bons sentiments des patrons pour le gouvernement Fritch se mêlent d'impatience et ils ne sont plus d'humeur à faire des cadeaux aux Pays. Et c'est dans ce contexte que la cour administrative d’appel de Paris a jugé illégal le versement des "centimes additionnels" des patentés au bénéfice de la Chambre de Commerce, d'Industrie, des Services et des Métiers (CCISM)…

UN COURRIER POUR ÊTRE EXEMPTÉ

Depuis le 8 juillet dernier, c'est donc presque 10% du montant de la patente, soit plus de 400 millions Fcfp collectés chaque année, qui n'a plus aucune base légale. Les patrons n'ont pas bougé pendant le mois d'été, mais désormais certaines entreprises commencent à demander leur exonération pour l'année 2016, et se renseignent pour savoir comment se faire rembourser les sommes déjà versées.

Celles qui n'ont pas encore payé la patente 2016 s'échangent déjà une lettre type à envoyer à la DICP pour demander un recalcul de leur impôt. En voici un extrait :

"(…) par un arrêt n° 14PA01877 rendu le 8 juillet 2016, la Cour administrative d’appel de Paris a déclaré illégale la Délibération n°83-178 du 4 novembre 1983 déterminant le maximum des centimes additionnels aux patentes perçus au profit de la CCISM. Aussi, (…) la société ______ doit être exonérée des centimes additionnels au profit de la CCISM mis à sa charge au titre de l’exercice 2016. (…) En conséquence, nous vous demandons de prononcer la décharge au profit de la société _______, de la somme de _______ XPF."

Des démarches individuelles qui ne sont pas encouragées par les organisations patronales. Ainsi, Olivier Kressmann, président du Medef, nous explique que le sujet sera "à l'ordre du jour du conseil d'administration du Medef ce jeudi soir. Mais à mon sens, ça relève d'une décision de chaque entreprise." La CGPME est sur la même ligne, comme nous le confirme son président Christophe Plée : "Il n'y aura aucune consigne de la CGPME ni aucune procédure collective. Par contre il y a beaucoup d'adhérents qui nous sollicitent pour connaitre la procédure à suivre pour se faire rembourser, nous attendons le retour de l'avocat à l'origine de la décision pour pouvoir le consulter."


Virginie Bruant : "cette décision a été une surprise"

C'est Virginie Bruant, représentante à l'Assemblée mais également chef d'entreprise, qui est à l'origine de cette décision de justice. Elle nous explique avoir été prise par surprise : "Ce jugement a été rendu dans le cadre d'une affaire judiciaire qui date de 2007, et c'était un des points parmi tant d'autres dans le mémoire de 100 pages de mon avocat. Pour moi cette décision était une surprise, je ne m'attendais pas à ça."

Malgré tout, elle continue de penser que la taxation des entreprises est trop élevée : "Ma position aujourd'hui est claire, c'est qu'il ne faut pas charger les entreprises. Il faut que les entreprises soient une priorité pour relancer l'emploi et l'économie. Je suis pour une baisse des impôts, ou plutôt des charges salariales, mais pas aux frais de la CCISM. Des impôts c'est normal qu'on en paie, mais le coût du travail est trop élevé, c'est un vrai frein pour la relance de l'emploi." Virginie Bruant, présidente de la commission de l'Économie à l'Assemblée confirme que les juristes de la Présidence travaillent sur un nouveau texte pour rétablir ces centimes additionnels, et assure que "évidemment, je m'abstiendrai de voter sur ce texte !"

Comment se calcule le montant de la patente

Toutes les sociétés de Polynésie sont assujetties à la contribution des patentes. À l'exemption des petits patentés qui payent un montant forfaitaire, le mode de calcul de cet impôt est très complexe. Le recours à un comptable ou une visite aux agents de la DICP est indispensable pour éviter de se tromper (et risquer un redressement).

Le calcul de la contribution des patentes se fait en trois étapes :
- Droits fixes : un montant fixe qui varie selon la commune et la profession. Une entreprise qui a plusieurs activités devra payer le droit fixe pour chacune de ses activités.
Exemple : un menuisier installé à Mahina devra payer 30 000 Fcfp de droits fixes, un agent immobilier à Taravao devra payer 50 000 Fcfp de droits fixes

- Droit proportionnel : un montant variable calculé sur la base de la valeur locative annuelle des locaux de l'entreprise. Ce taux change selon la profession.
Exemple : 2% du loyer annuel pour un industriel, 10% pour un commerce, 25% pour un cabinet comptable

- Centimes additionnels : Il faut d'abord faire un sous-total en additionnant les droits fixes et proportionnels. 20% de ce montant sera versés à la CCISM, entre 20% et 80% sera versé aux communes (selon un taux décidé par les communes elles-mêmes, mais elles se sont toutes alignées sur le maximum de 80% à Tahiti). Finalement, les centimes additionnels vont doubler le montant de la contribution des patentes.
La CCISM reçoit donc 10% du total de la contribution des patentes, soit environ 400 millions de francs par an.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 17 Aout 2016 à 18:30 | Lu 4723 fois