Tahiti, le 4 mars 2021 - En reprenant les dates de chaque essai nucléaire mené à Moruroa et à Fangataufa (193 au total), on mesure avec plus de précision le “poids nucléaire” de chacun des présidents de la Ve République.
L’Histoire est une jeune demoiselle capricieuse, qui ne retient souvent que ce qu’elle a envie de retenir. Ainsi, dans l’imagerie populaire, a-t-on tendance à considérer que François Mitterrand fut le “gentil”, celui qui décida d’un moratoire des essais (et non d’une cessation de ceux-ci), alors que Jacques Chirac est, de son côté, parfois présenté comme le “grand méchant”, celui qui a repris les essais... Chirac méchant, Mitterrand gentil, voilà un cliché digne des naïfs dessins de la période glorieuse des images d’Épinal, souvent des caricatures assez éloignées de la vérité.
En reprenant les dates de chaque essai nucléaire mené à Moruroa et à Fangataufa (193 au total dont un certain nombre sans aucune explosion, essais dits de sécurité), on mesure avec plus de précision le “poids nucléaire” de chacun des présidents de la Ve République. Et les plus “généreux” à appuyer sur le petit bouton rouge (on le suppose rouge !) ne sont pas forcément ceux que l’on croit.
Petit rappel chronologique, histoire de rendre à César ce qui est à César et à chaque président ce qui revient à chaque président...
L’Histoire est une jeune demoiselle capricieuse, qui ne retient souvent que ce qu’elle a envie de retenir. Ainsi, dans l’imagerie populaire, a-t-on tendance à considérer que François Mitterrand fut le “gentil”, celui qui décida d’un moratoire des essais (et non d’une cessation de ceux-ci), alors que Jacques Chirac est, de son côté, parfois présenté comme le “grand méchant”, celui qui a repris les essais... Chirac méchant, Mitterrand gentil, voilà un cliché digne des naïfs dessins de la période glorieuse des images d’Épinal, souvent des caricatures assez éloignées de la vérité.
En reprenant les dates de chaque essai nucléaire mené à Moruroa et à Fangataufa (193 au total dont un certain nombre sans aucune explosion, essais dits de sécurité), on mesure avec plus de précision le “poids nucléaire” de chacun des présidents de la Ve République. Et les plus “généreux” à appuyer sur le petit bouton rouge (on le suppose rouge !) ne sont pas forcément ceux que l’on croit.
Petit rappel chronologique, histoire de rendre à César ce qui est à César et à chaque président ce qui revient à chaque président...
Charles de Gaulle : 14 essais
Le général de Gaulle fit procéder à 14 essais atmosphériques en Polynésie française (17 essais avaient déjà eu lieu précédemment dans le Sahara). Il est considéré, à juste tire, comme le père de la bombe atomique française et de la force de dissuasion de notre pays.
A tout seigneur tout honneur, la force de dissuasion de la France, la “grandeur de la France”, du moins l’idée que s’en faisait le héros de la Seconde Guerre mondiale, passait par la maîtrise de l’arme nucléaire.
Pour cela, 17 essais ont été menés dans le Sahara alors français dont quatre furent des essais atmosphériques effectués à Reggane (les autres ayant été réalisés sous galeries dans le Hoggar).
La guerre d’indépendance de l’Algérie mit fin aux expérimentations françaises dans cette région du monde, le premier essai ayant eu lieu le 13 février 1960 et le dernier le 16 février 1966.
On le sait, de Gaulle avait songé très tôt à un nouveau site, et après des hésitations (Marquises, océan Indien – Kerguelen...) ce furent les atolls isolés et sans population de Moruroa et de Fangataufa qui furent choisis, choix validé par un vote de la commission permanente de l’Assemblée territoriale d’alors.
Le général vint d’ailleurs en personne à Moruroa appuyer sur le “petit bouton” ; il s’agissait de l’essai baptisé Bételgeuse, une bombe A de 110 kilotonnes, qui explosa précisément sous ballon, à 600 m d’altitude, le 11 septembre 1966 au matin (avec 24h de retard, à cause de la météo).
Bételgeuse, pour mémoire, est le nom d’une étoile de la constellation d’Orion située à 725 années-lumière de la Terre.
Pour cela, 17 essais ont été menés dans le Sahara alors français dont quatre furent des essais atmosphériques effectués à Reggane (les autres ayant été réalisés sous galeries dans le Hoggar).
La guerre d’indépendance de l’Algérie mit fin aux expérimentations françaises dans cette région du monde, le premier essai ayant eu lieu le 13 février 1960 et le dernier le 16 février 1966.
On le sait, de Gaulle avait songé très tôt à un nouveau site, et après des hésitations (Marquises, océan Indien – Kerguelen...) ce furent les atolls isolés et sans population de Moruroa et de Fangataufa qui furent choisis, choix validé par un vote de la commission permanente de l’Assemblée territoriale d’alors.
Le général vint d’ailleurs en personne à Moruroa appuyer sur le “petit bouton” ; il s’agissait de l’essai baptisé Bételgeuse, une bombe A de 110 kilotonnes, qui explosa précisément sous ballon, à 600 m d’altitude, le 11 septembre 1966 au matin (avec 24h de retard, à cause de la météo).
Bételgeuse, pour mémoire, est le nom d’une étoile de la constellation d’Orion située à 725 années-lumière de la Terre.
Photo prise le 4 octobre 1966 montrant l'essai Sirius sur l'atoll de Moruroa. (AFP)
Du 2 juillet 1966 (quatre mois et demi seulement après la fermeture des sites au Sahara) au 28 avril 1969, quatorze essais eurent lieu au sud des Tuamotu, dont deux à Fangataufa. A l’époque, tous furent des essais dits aériens ou atmosphériques, la bombe explosant à l’air libre, libérant le fameux “champignon” atomique.
Mais de Gaulle ne se releva jamais complètement des événements et de la contestation de mai 68, et,
Mais de Gaulle ne se releva jamais complètement des événements et de la contestation de mai 68, et,
Georges Pompidou : 23 essais
Georges Pompidou se savait atteint d’un cancer incurable. Durant sa mandature, 23 essais eurent lieu à Moruroa et Fangataufa.
C’est l’ancien Premier ministre de Charles de Gaulle qui succéda à ce dernier le 15 juin 1969. Il restera au pouvoir jusqu’à son décès, le 2 avril 1974.
Durant ces quelques années à la tête de l’Etat français, Pompidou ne révolutionna pas la politique de défense de la France, la nécessité de disposer d’une force de frappe nucléaire étant toujours jugée aussi impérieuse et indispensable. Aussi, les expérimentations menées par le CEP se poursuivirent-elles à leur rythme habituel, soit quatre à huit essais par saison (les tirs nucléaires obéissaient en effet à une saisonnalité puisqu’ils étaient effectués en règle générale en dehors des périodes cycloniques, donc durant l’hiver austral).
Durant ces quelques années à la tête de l’Etat français, Pompidou ne révolutionna pas la politique de défense de la France, la nécessité de disposer d’une force de frappe nucléaire étant toujours jugée aussi impérieuse et indispensable. Aussi, les expérimentations menées par le CEP se poursuivirent-elles à leur rythme habituel, soit quatre à huit essais par saison (les tirs nucléaires obéissaient en effet à une saisonnalité puisqu’ils étaient effectués en règle générale en dehors des périodes cycloniques, donc durant l’hiver austral).
Photo d'archive datée de 1971 d'un test nucléaire français à Moruroa.
Durant sa présidence, la France procéda à 23 essais, dont deux à Fangataufa, tous atmosphériques.
Malheureusement pour lui, le président Pompidou était atteint d’une forme rare de cancer du sang, la maladie de Waldenström. Il le savait sans doute avant son accession au pouvoir comme il savait que son espérance de vie était courte. De fait, il décéda dans l’exercice de ses fonctions. 4 ans, 9 mois et 13 jours après son élection, il mourut à Paris, âgé de seulement 62 ans.
Si le nucléaire ne fut pas remis en question sous son septennat abrégé, en revanche, soucieux de moderniser la France, on lui doit le lancement de projets comme Airbus et le TGV.
Malheureusement pour lui, le président Pompidou était atteint d’une forme rare de cancer du sang, la maladie de Waldenström. Il le savait sans doute avant son accession au pouvoir comme il savait que son espérance de vie était courte. De fait, il décéda dans l’exercice de ses fonctions. 4 ans, 9 mois et 13 jours après son élection, il mourut à Paris, âgé de seulement 62 ans.
Si le nucléaire ne fut pas remis en question sous son septennat abrégé, en revanche, soucieux de moderniser la France, on lui doit le lancement de projets comme Airbus et le TGV.
Valéry Giscard d’Estaing : 53 essais
Valéry Giscard d’Estaing savait que les tirs atmosphériques étaient indéfendables ; c’est lui qui décida de faire procéder à des expérimentations souterraines. On lui doit 53 essais.
Elu le 19 mai 1974, Valéry Giscard d’Estaing était un président jeune, décidé à réformer une société française qu’il jugeait quelque peu sclérosée. C’est lui qui, par exemple, abaissa la majorité à 18 ans (au lieu de 21 ans) et permit de faire aboutir la loi Veil (votée le 17 janvier 1975) autorisant l’avortement.
Sur le plan international, il n’était pas sourd aux plaintes de plus en plus fortes des pays du Pacifique Sud demandant à la France de cesser ses essais nucléaires atmosphériques, sources potentielles de pollution par leurs retombées radioactives.
Sous son septennat, les expérimentations menées à Moruroa et à Fangataufa devinrent donc souterraines à partir du 5 juin 1975.
Sur le plan international, il n’était pas sourd aux plaintes de plus en plus fortes des pays du Pacifique Sud demandant à la France de cesser ses essais nucléaires atmosphériques, sources potentielles de pollution par leurs retombées radioactives.
Sous son septennat, les expérimentations menées à Moruroa et à Fangataufa devinrent donc souterraines à partir du 5 juin 1975.
L'essai nucléaire Verseau, dernier essai atmosphérique le 14 septembre 1974. À partir de 1975 et jusqu'en 1996, les essais deviennent souterrains.
Durant la mandature de VGE, la France procédera à 53 essais dont deux à Fangataufa. Mais seuls neuf auront encore eu lieu en atmosphère.
Le 19 mai 1981, face au candidat socialiste François Mitterrand, Giscard perdit l'élection présidentielle alors qu’il espérait pouvoir effectuer un deuxième mandat.
On se souvient de son départ médiatique à la télévision lorsqu’il lança un “au revoir” resté dans les annales...
Le 19 mai 1981, face au candidat socialiste François Mitterrand, Giscard perdit l'élection présidentielle alors qu’il espérait pouvoir effectuer un deuxième mandat.
On se souvient de son départ médiatique à la télévision lorsqu’il lança un “au revoir” resté dans les annales...
François Mitterrand : 90 essais
Sous la présidence de François Mitterrand, la France procéda à 90 expérimentations au sud des Tuamotu. Mitterrand fut le grand ordonnateur de l’affaire du Rainbow Warrior avec son ministre de la Défense d’alors, Charles Hernu. Un naufrage absolu pour la diplomatie française !
Si, un peu irrespectueusement, l’on devait qualifier un président de la République française de “champion des essais”, c’est indubitablement François Mitterrand qui emporterait le titre, puisque sous ses deux septennats, la France procéda à la bagatelle de 90 essais nucléaires, chiffre faisant de lui l’incontestable et incontesté recordman des expérimentations en Polynésie française.
Lui aussi n’était pas sourd aux protestations internationales, mais il décida, maladroitement, avec son ministre de la Défense, Charles Hernu, non pas de lever le pied mais de régler par la violence la contestation : le 10 juillet 1985, les services secrets français coulèrent le navire amiral de la flotte de Greenpeace, le Rainbow Warrior, dans le port d’Auckland, causant la mort du photographe Fernando Pereira. On imagine la tempête médiatique et diplomatique que cet acte de terrorisme d’Etat suscita dans le monde entier.
L’opération lancée par le DGSE fut une “réussite” au sens où le navire écologiste fut bel et bien coulé, mais un fiasco international qui jeta l’opprobre sur toute la France et tous les Français.
Lui aussi n’était pas sourd aux protestations internationales, mais il décida, maladroitement, avec son ministre de la Défense, Charles Hernu, non pas de lever le pied mais de régler par la violence la contestation : le 10 juillet 1985, les services secrets français coulèrent le navire amiral de la flotte de Greenpeace, le Rainbow Warrior, dans le port d’Auckland, causant la mort du photographe Fernando Pereira. On imagine la tempête médiatique et diplomatique que cet acte de terrorisme d’Etat suscita dans le monde entier.
L’opération lancée par le DGSE fut une “réussite” au sens où le navire écologiste fut bel et bien coulé, mais un fiasco international qui jeta l’opprobre sur toute la France et tous les Français.
Photo datant du 14 août 1985 du navire de l'Organisation écologique Greenpeace, le Rainbow Warrior, coulé dans la baie de Auckland par les services secrets français, le 10 juillet 1985, alors qu'il se préparait à partir en campagne contre les essais nucléaires français dans le Pacifique. (AFP)
Le 24 octobre 1985, après une interruption de trois mois environ suite au scandale du Rainbow Warrior, François Mitterrand donnait son feu vert à la reprise des expérimentations (entre le 24 octobre et le 26 novembre, la France procéda à quatre expérimentations, dont un “coup double” le 24 et le 26 octobre).
Le président Mitterrand fit ensuite reprendre les campagnes de tirs comme si de rien n’était, “engrangeant” 49 essais après l’opération contre Greenpeace.
Finalement, de manière très ambiguë, comme il aimait agir, il décida le 8 avril 1992 et pour un an, que les essais seraient suspendus après celui du 15 juillet 1991, baptisé Lycurgus ; suspension des essais qui fut renouvelée année après année sans qu’une décision de fond ne soit prise. Une manière peu élégante de “refiler le bébé” à son successeur sans prendre pleinement ses responsabilités…
Le président Mitterrand fit ensuite reprendre les campagnes de tirs comme si de rien n’était, “engrangeant” 49 essais après l’opération contre Greenpeace.
Finalement, de manière très ambiguë, comme il aimait agir, il décida le 8 avril 1992 et pour un an, que les essais seraient suspendus après celui du 15 juillet 1991, baptisé Lycurgus ; suspension des essais qui fut renouvelée année après année sans qu’une décision de fond ne soit prise. Une manière peu élégante de “refiler le bébé” à son successeur sans prendre pleinement ses responsabilités…
Jacques Chirac : 6 essais
Jacques Chirac fut celui qui fit définitivement cesser les expérimentations à Moruroa. Mais c’est aussi lui qui décida de la dernière salve, fin 1995, début 1996.
Du haut de son 1m86, Jacques Chirac hérita du trône laissé vacant par François Mitterrand le 7 mai 1995 avec une redoutable “patate chaude” entre les mains, une suspension des expérimentations nucléaires qui ne voulait finalement rien dire.
Chirac écouta les décideurs du CEA et de l’armée et l’opinion internationale. Il savait que les essais étaient condamnés et qu’il ne pourrait pas reprendre de nouvelles campagnes de tirs, mais du côté du ministère de la Défense, on lui expliqua clairement que lorsqu’on construisait le toit d’une maison, on ne pouvait pas s’arrêter en laissant un trou de quelques tuiles. Trou que les intempéries auraient tôt fait de transformer en plaie béante.
Chirac écouta les décideurs du CEA et de l’armée et l’opinion internationale. Il savait que les essais étaient condamnés et qu’il ne pourrait pas reprendre de nouvelles campagnes de tirs, mais du côté du ministère de la Défense, on lui expliqua clairement que lorsqu’on construisait le toit d’une maison, on ne pouvait pas s’arrêter en laissant un trou de quelques tuiles. Trou que les intempéries auraient tôt fait de transformer en plaie béante.
La dissuasion française repose sur les armes nucléaires, tout le monde était presque prêt à passer aux simulations, mais il fallait encore une toute petite poignée de tirs pour être au point selon les experts.
Chirac savait que ce genre de décision impopulaire ne pouvait se prendre qu’en début de septennat ; il décida donc dès juillet 1995 de donner son feu vert à une ultime campagne d’essais, histoire de clore le travail que n’avait pas voulu ou pu achever son prédécesseur.
Du 5 septembre 1995 au 27 janvier 1996, la France procéda à ses six dernières expérimentations avant d’ordonner le démantèlement des sites de Moruroa, Fangataufa et Hao. Dans la foulée, la France signa avec 32 autres Etats le 24 septembre 1996 le TICE (Traité d’interdiction complète des essais nucléaires).
En termes d’image, Chirac aurait pu et sans doute dû coiffer les lauriers de celui qui a mis fin à cette époque si controversée ; les manifestations violentes à Papeete en 1995, l’hostilité des pays de la zone Pacifique (et de bien plus loin) firent qu’en réalité, c’est lui qui, malgré ses six petits essais (à comparer aux 90 de Mitterrand), coiffa le masque du “vilain”.
Sic transit gloria mundi comme l’on avait coutume de dire au nouveau Pape élu, au Vatican...
Chirac savait que ce genre de décision impopulaire ne pouvait se prendre qu’en début de septennat ; il décida donc dès juillet 1995 de donner son feu vert à une ultime campagne d’essais, histoire de clore le travail que n’avait pas voulu ou pu achever son prédécesseur.
Du 5 septembre 1995 au 27 janvier 1996, la France procéda à ses six dernières expérimentations avant d’ordonner le démantèlement des sites de Moruroa, Fangataufa et Hao. Dans la foulée, la France signa avec 32 autres Etats le 24 septembre 1996 le TICE (Traité d’interdiction complète des essais nucléaires).
En termes d’image, Chirac aurait pu et sans doute dû coiffer les lauriers de celui qui a mis fin à cette époque si controversée ; les manifestations violentes à Papeete en 1995, l’hostilité des pays de la zone Pacifique (et de bien plus loin) firent qu’en réalité, c’est lui qui, malgré ses six petits essais (à comparer aux 90 de Mitterrand), coiffa le masque du “vilain”.
Sic transit gloria mundi comme l’on avait coutume de dire au nouveau Pape élu, au Vatican...
Les émeutes consécutives à la reprise des essais nucléaires par le président Jacques Chirac à l'aéroport de Tahiti Faa'a le 6 septembre 1995 (AFP).
Moruroa : 5 000 Fcfp par an ?
Une vue aérienne partielle de la base-vie de Moruroa avec son double mur de béton pour la protéger des assauts éventuels de l’océan.
Au début du CEP, le Centre d’expérimentations du Pacifique, l’armée et le CEA étaient installés sur l’atoll de Moruroa en quasi-illégalité, puisqu’à l’époque, l’armée ne pouvait se prévaloir d’aucun titre ; l’atoll domanial, inhabité, était loué au Territoire pour 5 000 Fcfp par an à la société “Tahitia”, qui exploitait alors le coprah en y envoyant de temps en temps des travailleurs. Le bail de “Tahitia” devait prendre fin en 2004.
Du côté de la commission permanente de l’Assemblée territoriale, cette absence de statut justifiant de la présence de l’armée à Moruroa passait mal.
Jacques-Denis Drollet, rapporteur, estimait que la Polynésie française ne pouvait faire moins que de faire don à la France de Moruroa et de Fangataufa : “nous aurons ainsi apporté notre part de la façon la plus désintéressée, et cela, jamais la France ne l’oubliera”. Patriotisme et calcul financier bien évidemment...
La commission permanente comptait cinq membres : en février 1964, celle-ci avalisait, par trois voix contre deux, le don de Moruroa et de Fangataufa à la France : l’article 1er précisait que “sont cédés gratuitement, en toute propriété, par le Territoire à l’Etat, pour les besoins du Centre d’expérimentations du Pacifique, les atolls domaniaux de Moruroa et de Fangataufa, situés dans l’archipel des Tuamotu”.
Charge à la France de se débrouiller pour trouver un accord avec la société qui disposait du bail, “Tahitia”, et charge également à la France de restituer les atolls au territoire à la cessation des activités du CEP.
C’est bien entendu sur ce mot de “cessation des activités” qu’existent aujourd’hui des divergences d’interprétation : la France y poursuit ses activités de surveillance et de contrôle radiologique, mais évidemment elle ne procède plus à des expérimentations...
Du côté de la commission permanente de l’Assemblée territoriale, cette absence de statut justifiant de la présence de l’armée à Moruroa passait mal.
Jacques-Denis Drollet, rapporteur, estimait que la Polynésie française ne pouvait faire moins que de faire don à la France de Moruroa et de Fangataufa : “nous aurons ainsi apporté notre part de la façon la plus désintéressée, et cela, jamais la France ne l’oubliera”. Patriotisme et calcul financier bien évidemment...
La commission permanente comptait cinq membres : en février 1964, celle-ci avalisait, par trois voix contre deux, le don de Moruroa et de Fangataufa à la France : l’article 1er précisait que “sont cédés gratuitement, en toute propriété, par le Territoire à l’Etat, pour les besoins du Centre d’expérimentations du Pacifique, les atolls domaniaux de Moruroa et de Fangataufa, situés dans l’archipel des Tuamotu”.
Charge à la France de se débrouiller pour trouver un accord avec la société qui disposait du bail, “Tahitia”, et charge également à la France de restituer les atolls au territoire à la cessation des activités du CEP.
C’est bien entendu sur ce mot de “cessation des activités” qu’existent aujourd’hui des divergences d’interprétation : la France y poursuit ses activités de surveillance et de contrôle radiologique, mais évidemment elle ne procède plus à des expérimentations...
Une plainte caduque
Moruroa en mai 2020
On se souvient que le 2 octobre 2018, le Tavini Huiraatira et son leader, Oscar Temaru, avaient fait savoir qu’une plainte avait été déposée devant la CPI (Cour pénale internationale) à La Haye pour “crime contre l’humanité” à l’encontre des anciens présidents de la République française encore vivants, à savoir Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac. Une plainte qui, sur la forme comme sur le fond, avait, au départ, très peu de chances d’être recevable selon les juristes alors consultés. Elle n’en a, aujourd’hui, en toute logique juridique, plus aucune, puisque tous les anciens présidents de la République qui auraient pu être concernés, de Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand et enfin Chirac, sont décédés. Or la Justice ne poursuit pas les défunts...
Il n'est en effet pas possible de déposer une plainte au pénal contre une personne qui est décédée puisque lors d'une procédure pénale déjà engagée, si la personne visée par la plainte décède, cela éteint automatiquement l'action publique. La plainte du Tavini sera donc, à n’en pas douter désormais, classée sans suite car irrecevable. Elle n’aura relevé en réalité que de la geste politique.
Le tribunal des hommes ne sera donc jamais saisi de ce dossier ; seul le tribunal de l’Histoire sera à même de juger dans le futur de la responsabilité de tel ou tel ancien président de la République française...
Article 6 du code de procédure pénale : "L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale et la chose jugée.
Il n'est en effet pas possible de déposer une plainte au pénal contre une personne qui est décédée puisque lors d'une procédure pénale déjà engagée, si la personne visée par la plainte décède, cela éteint automatiquement l'action publique. La plainte du Tavini sera donc, à n’en pas douter désormais, classée sans suite car irrecevable. Elle n’aura relevé en réalité que de la geste politique.
Le tribunal des hommes ne sera donc jamais saisi de ce dossier ; seul le tribunal de l’Histoire sera à même de juger dans le futur de la responsabilité de tel ou tel ancien président de la République française...
Article 6 du code de procédure pénale : "L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale et la chose jugée.
Grande-Bretagne : Australie et Kiribati
Explosion à Maralinga. A l’époque, on venait voir le spectacle, car c’en était un. Il s’agissait d’être plus fort encore que les Soviétiques et que les Chinois.
L’histoire des essais nucléaires britanniques est complexe, puisque ceux-ci se déroulèrent d’abord en Australie, sur deux sites (Monte Bello, petites îles de la côte ouest) et Maralinga (au sud du centre de l’île continent), puis sur des atolls du Pacifique (Malden Island et Christmas) avant de cesser pour reprendre de plus belle, mais cette fois-ci sur les sites du continent américain, dans le désert du Nevada.
A cette époque, Etats-Unis et Grande-Bretagne conclurent un accord pour développer en quelque sorte en commun leur arsenal nucléaire. Voici les campagnes d’expérimentations britanniques dans le Pacifique Sud :
Hurricane, 3 octobre1952, 1 explosion de 25 kt à Monte Bello Island. Totem, 1953, deux explosions à Emu Field (proche de Maralinga) Mosaic 1956, deux explosions à Monte Bello Island Buffalo, 1956, quatre explosions à Maralinga Antler, 1957, trois explosions à Maralinga Grapple 1957-1958, neuf explosions à Malden Island et Christmas, ces deux îles se situant dans l’actuel Kiribati.
Les séries de tirs menées entre 1961 et 1991 représentent 24 explosions, toutes situées dans le désert du Nevada.
Au total, la Grande-Bretagne a effectué 45 expérimentations nucléaires, mais aura bénéficié des acquis de nombreux tirs américains.
A cette époque, Etats-Unis et Grande-Bretagne conclurent un accord pour développer en quelque sorte en commun leur arsenal nucléaire. Voici les campagnes d’expérimentations britanniques dans le Pacifique Sud :
Hurricane, 3 octobre1952, 1 explosion de 25 kt à Monte Bello Island. Totem, 1953, deux explosions à Emu Field (proche de Maralinga) Mosaic 1956, deux explosions à Monte Bello Island Buffalo, 1956, quatre explosions à Maralinga Antler, 1957, trois explosions à Maralinga Grapple 1957-1958, neuf explosions à Malden Island et Christmas, ces deux îles se situant dans l’actuel Kiribati.
Les séries de tirs menées entre 1961 et 1991 représentent 24 explosions, toutes situées dans le désert du Nevada.
Au total, la Grande-Bretagne a effectué 45 expérimentations nucléaires, mais aura bénéficié des acquis de nombreux tirs américains.
Trois atolls pour les USA
L’extraordinaire tir de Castle Bravo mené sur l’atoll de Bikini par les États-Unis en 1954 : 15 mégatonnes, l’essai américain le plus puissant.
L’histoire des essais nucléaires des Etats-Unis est complexe car les USA ont utilisé de nombreux sites de par le monde pour leurs expérimentations.
Pour ce qui concerne le Pacifique, les sites ont été baptisés “Pacific Proving Grounds” et concernent trois atolls, Bikini, Eniwetok et Johnston.
Voici la liste des campagnes de tirs, avec leur localisation et le nombre d’explosions atomiques. Crossroads, 1946, à Bikini : deux explosions Sandstone, 1948 à Eniwetok : trois explosions Greenhouse, 1951 à Eniwetok : quatre explosions Ivy, 1952 à Eniwetok : deux explosions Castle, 1954 à Bikini : six explosions dont Bravo, 15 mégatonnes Redwing, 1956 : Eniwetok et Bikini : 17 explosions Hardtrack, 1958 à Eniwetok, Bikini et Johnston : 35 explosions Dominic 1962-63 : Johnston, Christmas et au large de la Californie : 31 explosions Fishbowl ,1962 : Johnston et Christmas : 31 explosions
Les deux atolls de Bikini et d’Eniwetok représentent seulement 14 % des essais nucléaires américains, mais 80 % de la puissance (210 mégatonnes).
Si Castle Bravo a été un tir dévastateur (15 mégatonnes) qui a très gravement irradié des populations voisines, cette “super bombe H” demeure modeste face à la monstruosité qu’a représenté le plus puissant tir soviétique, la “Tsar Bomba” en 1961 (50 mégatonnes).
Pour ce qui concerne le Pacifique, les sites ont été baptisés “Pacific Proving Grounds” et concernent trois atolls, Bikini, Eniwetok et Johnston.
Voici la liste des campagnes de tirs, avec leur localisation et le nombre d’explosions atomiques. Crossroads, 1946, à Bikini : deux explosions Sandstone, 1948 à Eniwetok : trois explosions Greenhouse, 1951 à Eniwetok : quatre explosions Ivy, 1952 à Eniwetok : deux explosions Castle, 1954 à Bikini : six explosions dont Bravo, 15 mégatonnes Redwing, 1956 : Eniwetok et Bikini : 17 explosions Hardtrack, 1958 à Eniwetok, Bikini et Johnston : 35 explosions Dominic 1962-63 : Johnston, Christmas et au large de la Californie : 31 explosions Fishbowl ,1962 : Johnston et Christmas : 31 explosions
Les deux atolls de Bikini et d’Eniwetok représentent seulement 14 % des essais nucléaires américains, mais 80 % de la puissance (210 mégatonnes).
Si Castle Bravo a été un tir dévastateur (15 mégatonnes) qui a très gravement irradié des populations voisines, cette “super bombe H” demeure modeste face à la monstruosité qu’a représenté le plus puissant tir soviétique, la “Tsar Bomba” en 1961 (50 mégatonnes).
Unanimité politique
En France on l’a vu, la droite et la gauche ont validé les expérimentations nucléaires menées d’abord dans le Sahara, puis au sud des Tuamotu.
En Grande-Bretagne, même unanimité de la part des gouvernements Travaillistes et Conservateurs entre 1952 et 1991. Quelle que soit la sensibilité politique, feu vert a été donné pour doter le Royaume Uni de cette force de dissuasion qui devait lui assurer la paix.
Aux Etats-Unis, là encore, Démocrates et Républicains, du premier essai avant Hiroshima et Nagasaki jusqu’au dernier (les Etats-Unis ont procédé à près de mille expérimentations nucléaires), ont unanimement défendu la course aux armements, d’autant que les “ennemis” traditionnels, les deux puissances communistes (URSS et Chine populaire) en avaient fait une priorité absolue.
Aujourd’hui, ou du moins depuis l’an 2000, seule la féroce dictature de Kim Jong Il en Corée du Nord a procédé à des essais nucléaires.
En Grande-Bretagne, même unanimité de la part des gouvernements Travaillistes et Conservateurs entre 1952 et 1991. Quelle que soit la sensibilité politique, feu vert a été donné pour doter le Royaume Uni de cette force de dissuasion qui devait lui assurer la paix.
Aux Etats-Unis, là encore, Démocrates et Républicains, du premier essai avant Hiroshima et Nagasaki jusqu’au dernier (les Etats-Unis ont procédé à près de mille expérimentations nucléaires), ont unanimement défendu la course aux armements, d’autant que les “ennemis” traditionnels, les deux puissances communistes (URSS et Chine populaire) en avaient fait une priorité absolue.
Aujourd’hui, ou du moins depuis l’an 2000, seule la féroce dictature de Kim Jong Il en Corée du Nord a procédé à des essais nucléaires.