"Des abeilles et des hommes", un cri d'alerte depuis le coeur des ruches


PARIS, 19 fév 2013 (AFP) - Markus Imhooh "cherche simplement à comprendre pourquoi les abeilles meurent" et pour le réalisateur suisse, le chemin passe par l'intimité des ruches où il a introduit sa caméra, offrant un troublant face-à-face avec des reines et des ouvrières filmées "un peu comme des hommes".

Il les connaît depuis l'enfance. Son grand-père, apiculteur dont les 150 ruches pollinisaient les arbres fruitiers desquels il tirait ses confitures, lui avait expliqué que les "plantes, clouées au sol, ne peuvent pas traverser la prairie pour aller enlacer d'autres plantes et avoir des enfants".

Et que donc "il leur fallait un messager pour faire l'amour", raconte le réalisateur, aujourd'hui âgé de 71 ans, dans "Des abeilles et des hommes" narré par Charles Berling, et en salles le 20 février.

Une autre façon de rappeler que le tiers de notre alimentation dépend de la pollinisation et que le processus de disparition des abeilles depuis 15 ans, qui peut aller jusqu'à 90% dans certaines régions, est des plus inquiétants.

Aussi, Markus Imhooh a voulu les montrer au plus près. "Même les apiculteurs n'avaient jamais vu leurs abeilles comme dans le film", commente-t-il dans un entretien à l'AFP.

Des abeilles qui se passent le nectar fraîchement butiné, une trompe comme une seringue qui injecte du miel dans une alvéole, des insectes brinquebalés, prostrés, dans un camion à travers les Etats-Unis, mutilés par une machine à récupérer le miel, ou encore la saisissante scène d'une reine fécondée en plein vol...

Pour filmer cela, il a placé sa caméra sur de petits hélicoptères ou des ballons et pour entrer au coeur des ruches, l'a munie d'un objectif endoscopique utilisé pour les opérations chirurgicales.

Comme les abeilles bougent très vite, il a aussi fait le choix d'augmenter le nombre d'images par minute, avant de les diffuser en léger ralenti. Ainsi "elles bougent un peu comme les hommes", explique-t-il.

"Perdu votre âme"

"Il était important pour moi que le public puisse avoir une identification aux abeilles", dit Markus Imhooh qui pense qu'à l'origine de leur déclin, généralement attribué aux pesticides, virus, monocultures..., il y a d'abord l'instrumentalisation de la nature par l'homme.

"On a l'habitude de penser qu'on doit dominer la nature et c'est à cause de ça que ça va mal", analyse-t-il.

Après les abeilles, les hommes donc: l'apiculteur suisse qui, dans un cadre idyllique, se fait gardien de la tradition, l'ouvrière chinoise qui pollinise à la main dans une région où les abeilles ont totalement disparu.

Il y a aussi l'apiculteur industriel américain pris au coeur de la logique que Markus Imhooh pourfend : des immenses champs d'amandiers de Californie aux pommiers de l'Etat de Washington, puis au Dakota du Nord, il transporte ses abeilles comme de dociles employées pollinisatrices qui, exposées aux pesticides et au stress, sont souvent affaiblies et malades et du coup, sont dopées à coup d'antibiotiques.

"Mon grand-père prendrait certainement la fuite s'il voyait la façon dont on traite les abeilles aujourd'hui. Il penserait: +vous avez perdu votre âme!", reconnaît John Miller.

Mais le monde a changé, avance-t-il. "Nous avons 10 fois plus de ruches et ça coûte 10 fois plus cher" et puis, "nous sommes des capitalistes".

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Rédigé par AFP le Lundi 18 Février 2013 à 22:00 | Lu 538 fois