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"Dermatite du surfeur" : le phénomène se propage dans les îles...


Le phénomène se traduit par l'éruption de petits boutons, qui irritent et démangent la peau.
Le phénomène se traduit par l'éruption de petits boutons, qui irritent et démangent la peau.
PAPEETE, le 9 janvier 2017 - Depuis la mi-décembre, de nombreuses personnes ont consulté un médecin pour des éruptions cutanées importantes, accompagnées de fortes démangeaisons, de la peau après s'être baignées à la mer. Appelé "dermatite du surfeur", ce phénomène est récurrent depuis plusieurs années lors de la saison chaude et serait causé par des toxines de larves de méduses ou d’anémones. Le point avec le Bureau de veille sanitaire, qui a déjà enregistré une centaine de cas à Tahiti, Moorea et Taha'a.


Vous êtes allés vous baigner à la mer et vous avez constaté assez rapidement une irruption de petits boutons sur votre peau qui vous démangent et vous donnent envie de vous gratter ? Ne cherchez plus, vous venez sûrement d'attraper la "dermatite du surfeur", appelée aussi "dermatite du baigneur". Rassurez-vous, vous n'êtes pas le ou la seul(e). Une centaine de cas ont d'ores et déjà été recensés en quelques jours sur l'ensemble de l'archipel de la Société. En effet, dans un communiqué intitulé "Signalement d'un événement sanitaire", le Bureau de veille sanitaire de la Direction de la santé a tenu à informer la population, le 6 janvier dernier, que plusieurs signalements similaires ont été centralisés.

"Depuis mi-décembre, des enfants et jeunes adultes ont consulté pour une éruption prurigineuse du thorax et de la racine des cuisses, sans fièvre. L’éruption survient dans les heures qui suivent une baignade en mer incluant souvent la pratique du surf. Les lésions sont présentes notamment sous les maillots de bain et les tee-shirts en lycra. L’évolution est favorable en quelques jours. La zone de baignade la plus concernée va de la Pointe Vénus à l’embouchure de la Papenoo (zone des surfeurs), mais des cas ont également été décrits après des baignades à Arue, Punaauia et Moorea." Les premiers symptômes apparaissent pendant la baignade sous la forme de picotements généralement ressentis au niveau du torse et de l’aine. Également décrites ailleurs dans le monde, les irritations cutanées se manifestent de façon plus ou moins importante. Depuis ce week-end, des victimes adultes se sont par ailleurs déclarées, dont un signalement aux Îles aux Sous-le-Vent, précisément à Taha'a. À l'instar de Manavai, 40 ans, qui a "senti des petites brûlures" lors d'une partie de pêche sous-marine à Sapinus (Punaauia) et a accepté de témoigner (lire ci-contre).

Le Bureau de veille sanitaire a enregistré déjà 95 cas, mais il ne s'agit que de ceux qui se sont déclarés.
Le Bureau de veille sanitaire a enregistré déjà 95 cas, mais il ne s'agit que de ceux qui se sont déclarés.
"LES CAS DÉCLARÉS NE SONT PAS GRAVES ET CE N'EST PAS CONTAGIEUX"

Succédant au Dr Henri Pierre Mallet, Marine Giard est la nouvelle responsable du Bureau de veille sanitaire depuis le 1er novembre dernier. Médecin de santé publique et épidémiologiste, elle rapporte : "Nous sommes actuellement en phase d'investigation, donc il est difficile d'être catégorique. Il semblerait que ce phénomène soit bien la dermatite du baigneur, mais, pour éviter que cela soit assimilé aux inflammations liées aux larves d'escargots en eau douce, nous préférons parler de dermatite du surfeur. Elle serait causée par les toxines d’un micro-organisme, probablement des larves de méduses ou d’anémones. Les eaux chaudes stagnantes et la présence d'algues seraient des facteurs favorables pour leur prolifération, mais cela n'est pas systématique, puisque des cas ont aussi été observés au-delà de la barrière de corail, chez des plongeurs en bouteille qui ont eu notamment le cou et la bouche recouverts de boutons. En outre, c'est un phénomène cyclique qui revient chaque année au moment des fortes chaleurs, et cela pourrait correspondre également à la période de ponte des méduses."

Marine Giard, la nouvelle responsable du Bureau de veille sanitaire, assure qu'aucune complication clinique n'a été notée pour l'heure.
Marine Giard, la nouvelle responsable du Bureau de veille sanitaire, assure qu'aucune complication clinique n'a été notée pour l'heure.
Le port de maillots de bain, de lycras, ou de combinaisons contribue à l’apparition des lésions par emprisonnement et frottement en maintenant les micro-organismes au contact de la peau et en libérant les toxines. Pour l'heure, "95 cas ont été recensés, mais ce sont des chiffres sous-estimés, puisque ce sont uniquement ceux qui se sont déclarés", remarque Marine Giard. Pour autant, aucune analyse n'est envisagée : "Nous en avons parlé avec la directrice de la Santé qui est aussi la responsable du Service d'hygiène et de salubrité publique (Glenda Melix, ndlr) ; la quantité d'eau à prélever est énorme et les techniques pour réaliser des échantillons sont très difficiles. Cependant, il est important de rassurer la population : les cas déclarés ne sont pas graves et n'ont pas fait l'objet de complication clinique ; ce n'est pas contagieux ; et c'est un phénomène récurrent, donc il est inutile de s'inquiéter plus qu'il n'en faut. En cas d'éruption prurigineuse, il faut consulter un médecin. Outre le vinaigre dilué et l'alcool à 70°, nous avons suggéré aux professionnels de santé un traitement par des corticoïdes locaux. La durée des symptômes est variable selon les individus, de 48 heures jusqu'à environ deux semaines."

La zone de baignade la plus concernée va de la Pointe Vénus à l’embouchure de la Papenoo (zone des surfeurs), mais des cas ont également été décrits après des baignades à Arue, Punaauia (comme ici au spot de Sapinus) et Moorea. Un premier cas a été aussi déclaré aux Îles aux Sous-le-Vent, à Taha'a.
La zone de baignade la plus concernée va de la Pointe Vénus à l’embouchure de la Papenoo (zone des surfeurs), mais des cas ont également été décrits après des baignades à Arue, Punaauia (comme ici au spot de Sapinus) et Moorea. Un premier cas a été aussi déclaré aux Îles aux Sous-le-Vent, à Taha'a.
Manavai, 40 ans
"J'ai senti des picotements, comme des petites brûlures"


Samedi dernier, Manavai s'est rendu sur le spot de Sapinus, au large de la Pointe des pêcheurs, pour une partie de pêche sous-marine en compagnie d'un ami.

Il témoigne : "Nous sommes allés chasser assez tôt le matin, et il n'y avait rien, a priori, d'anormal, du moins au premier endroit où nous avons pêché, assez proche de la côte. Nous avons ensuite poursuivi notre session à proximité du spot de surf, au niveau d'un gros bloc de coraux où se trouve un joli tombant, prisé des plongeurs. Je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite, mais au bout d'un moment, j'ai senti des picotements assez douloureux, comme des petites brûlures, notamment sur mes lèvres. J'ai pensé que c'était simplement dû aux planctons, comme c'est souvent le cas. C'est en rentrant dans l'après-midi que les irritations ont commencé à se manifester, et cela me démangeait de plus en plus. Le lendemain matin, mon visage, mon cou surtout et mon thorax étaient recouverts de petits boutons, ainsi que les pliures des avant-bras et l'arrière des cuisses. Lorsque j'ai lu l'article dans Tahiti Infos, j'ai de suite compris que j'avais la dermatite des surfeurs. Et comme j'étais équipé d'une combinaison, cela a dû favoriser l'emprisonnement et la multiplication des toxines. Le masque m'a finalement protégé un peu le visage. Rétrospectivement, j'ai constaté une mousse importante et de nombreuses algues en suspension, qui stagnaient sur place en raison de courants opposés. En outre, j'ai observé la présence d'une source d'eau douce sous-marine qui s'échappait des fonds. Un ami pharmacien m'a conseillé de prendre des comprimés de prednisolone (type Solupred ou Cortancyl, ndlr) et de desloratadine (type Aerius, ndlr) en guise d'anti-inflammatoires, ainsi que de la cortisone en pommade (type Locoïd, ndlr). En quelques jours, cela va déjà beaucoup mieux."

Conseils

- Éviter de se baigner dans les zones mentionnées, notamment sur les plages situées entre la Pointe Vénus et Papenoo
- En cas de dermatite (picotements pendant la baignade) :
. retirer immédiatement le maillot/lycra
. se rincer abondamment à l’eau de mer ailleurs que dans la zone de baignade infestée (éviter de se rincer à l’eau douce de préférence)
. se sécher en tamponnant légèrement les parties du corps touchées avec une serviette (NE PAS FROTTER)
. se rincer au vinaigre dilué ou appliquer de l’alcool à 70°
. laver le maillot/lycra en machine ou le tremper dans de l’alcool ou du vinaigre puis le laver à la main avec du savon
- En cas d’apparition d’une éruption :
. se couper les ongles pour éviter la surinfection des boutons
. consulter un médecin en cas de démangeaisons importantes, de fièvre ou de lésions présentant du pus.

Rédigé par Dominique Schmitt le Lundi 9 Janvier 2017 à 17:28 | Lu 34364 fois