Dengue, zika : qui est immunisé en Polynésie française ?


Maite Aubry, docteur en virologie à l'Institut Louis Malardé mènera l'étude sur le terrain à partir de la semaine prochaine avec une infirmière de l'ILM.
PAPEETE, mardi 28 janvier 2014. L’Institut Louis Malardé, en partenariat avec la Direction de la Santé lance une vaste étude (financée par le Contrat de projets avec l’Etat) de séroprévalence de la dengue et du zika dans la population de Polynésie française. D’autres partenaires participent à cette étude : l’ISPF (Institut de la statistique de Polynésie française) pour le choix de l’échantillonnage représentatif de la population de l’ensemble du territoire (sur les cinq archipels) et le Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, basé à Marseille. L’objectif de l’étude est de connaître la proportion de la population de Polynésie française qui est immunisée contre chacun des quatre sérotypes du virus de la dengue, mais également contre le virus du zika qui a fait son entrée sur le territoire en octobre dernier. Cette étude de séroprévalence aux virus de la dengue (et a fortiori du zika apparu récemment) est une nouveauté en Polynésie française. Elle permettra aux autorités locales de santé publique de mieux appréhender les prochaines épidémies de dengue (ou de zika) en fonction du sérotype qui circule, voire même d’en anticiper l’ampleur.

Cette étude réclame néanmoins que des habitants de différentes îles de Polynésie française acceptent de recevoir, à leur domicile, un binôme composé d’une infirmière de l’Institut Malardé et d’une responsable d’études en virologie de l’ILM, le docteur Maite Aubry. Car une prise de sang sera nécessaire pour repérer les différents anticorps : ceux des quatre sérotypes de dengue connus (même si un 5e sérotype aurait été identifié et décrit en Asie tout récemment) et de celui du zika. «L’étude étant anonyme nous ne savons pas chez qui nous allons nous rendre. Nous n’avons que les données de géolocalisation des maisons qui ont été déterminées pour répondre aux nécessités rigoureuses de l’échantillon représentatif établi par l’ISPF à partir du dernier recensement de population de 2012 » explique le docteur en virologie Maite Aubry. Les deux femmes qui travaillent à l’Institut Louis Malardé devront donc tenter de convaincre les habitants des maisons sélectionnées de répondre à un questionnaire assez précis sur les éventuels épisodes de dengue qui les ont affectés au cours de leur vie, ou du zika.

La présence de l’Institut Louis Malardé (ILM) depuis de nombreuses années sur le territoire assure déjà d’un certain nombre d’informations utiles sur l’exposition des populations aux épidémies de dengue, mais en revanche on ne connait pas encore le nombre de personnes immunisées à ces maladies émergentes, dont la virulence et l’impact au plan mondial ne cessent de progresser. «Nous avons en Polynésie une bonne connaissance de la circulation des quatre sérotypes de dengue depuis les années 1940 et nous savons aussi que les quatre sérotypes de dengue connus jusqu’ici ont tous déjà circulé et nous connaissons aussi les dates des différentes épidémies. De plus, depuis 1970 les technologies disponibles à l’ILM permettent de détecter les anticorps dans le sang».

Quel que soit l’âge de la personne et même si une infection par l’un des sérotypes de dengue est ancien, les anticorps sont toujours détectables dans le sang. Il en est de même pour le zika. Ainsi, une simple prise de sang permet de savoir à quels sérotypes de dengue la personne a été exposée. La seule vraie difficulté pour les chercheurs de l’ILM réside dans le fait que les anticorps de la dengue, du zika et de différents autres virus du genre Flavivirus transmis par les moustiques peuvent se croiser et même interagir. Mais tout récemment, l’Institut Louis Pasteur de Paris et l’University of Western Australia ont mis au point de nouvelles techniques très sensibles pour permettre de détecter très précisément à partir de quel virus, les anticorps découverts chez une personne ont été développés. Les protocoles qui seront mis en place pour cette étude de séroprévalence en Polynésie s’appuient ainsi sur ces deux partenaires reconnus. En revanche, les anticorps étant très proches, cette étude permettra de savoir, pour chaque personne testée, si elle a été exposée à la dengue (et ses 4 sérotypes), au zika, mais aussi au virus West Nile, à l’encéphalite japonaise, au chikungunya (qui circule en Nouvelle-Calédonie) et même au virus Ross River (qui a circulé en Australie).


Le calendrier et les sites de l’étude

L’étude sera lancée sur le terrain dès la semaine prochaine et va se prolonger durant les mois de février et mars 2014. Du 4 février au 6 février à Makemo. Du 10 février au 12 février à Rurutu. Les 13 et 14 février à Moorea, du 18 au 22 février à Mangareva. Puis ce sera à tahiti avec le 24 février à Faa’a, le 25 février à Punaauia, le 26 février à Papeete et le 27 février à Faaone. En mars, le binôme se déplacera aux Marquises : du 3 au 5 mars à Hiva oa, du 5 au 7 mars à Nuku Hiva. Enfin, du 10 au 13 mars, l’étude ira recueillir ses données à Rangiroa. Il est demandé autant que possible d’accueillir avec bienveillance les deux personnes chargées de l’étude et d’y répondre favorablement. Au total, sur cette première approche au moins 200 personnes devraient être sondées sur leur prévalence à la dengue et au zika. Si cette première étude et son protocole fonctionnent correctement, une seconde phase d’étude portant cette fois sur 700 personnes supplémentaires sera lancée. Les résultats complets de cette étude sur la séroprévalence de la population de Polynésie française devraient être connus à la fin de l’année 2014.

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 28 Janvier 2014 à 17:13 | Lu 5308 fois