Démoustication : le Syndicat des apiculteurs dénonce toujours les pulvérisations à venir


Raiarii Crawford, le président du Syndicat des apiculteurs : «Tant que l’abeille ne sera pas considérée comme nécessaire à la santé publique, nous on se battra».
PAPEETE, jeudi 16 janvier 2014. L’absence de stratégie à long terme, le manque d’anticipation et par conséquence, l’utilisation dans l’urgence d’un insecticide pour tuer les moustiques adultes (la deltaméthrine), redoutable pour les abeilles tels sont les principaux griefs du Syndicat des apiculteurs de Polynésie envers le plan de lutte anti-vectorielle, mis en place par les autorités locales pour faire face à l’épidémie de zika. Certes, les apiculteurs ont été associés ces dernières semaines aux discussions et à la recherche de solutions pour épargner le plus possible les colonies d’abeilles. Ce sont même eux qui ont suggéré la claustration des abeilles dans la ruche au passage des pulvérisateurs pour limiter la mortalité dans leurs colonies ; d’être prévenus aussi 48 heures à l’avance pour pouvoir déplacer certaines ruches dans les zones qui seront épargnées. Des solutions qui n’empêcheront pas une perte d’abeilles en raison de la rémanence pendant plusieurs jours de la toxicité de l’insecticide, et du rayon de déplacement d’une abeille d’environ 3 km autour de la ruche.

Le plan de lutte anti-vectorielle du Pays déployé onze semaines après la déclaration de l’épidémie de zika et presque un an après le retour du virus de la dengue en Polynésie après deux ans de répit, n’épargne pas un constat amer. A savoir que dans un territoire qui vit constamment sous la menace des maladies transportées par les moustiques ce n’est pas quand une épidémie est installée qu’il faut réagir contre son vecteur. Pour être efficaces et éviter l'utilisation d'insecticide dangereux, il faut une stratégie en continu, une vraie surveillance des moustiques, une éducation des populations à long terme sur le dégitage, et non des actions sporadiques.

C'est précisément cette absence de vue à long terme que les apiculteurs mettent en avant. «Il n’y a pas de traitement de fond, on agit toujours dans l’urgence. Or, l’insecticide tue les abeilles, ruisselle et se retrouve ensuite dans le lagon et les poissons que nous consommons. La position du bureau du Syndicat des apiculteurs est nette : nous sommes contre les pulvérisations et nous n’hésiterons pas à mener des actions en justice pour obtenir des dédommagements si les pertes sur nos colonies sont lourdes» précise Raiarii Crawford, le président du Syndicat des apiculteurs, qui dénonce «certaines connivences» avec le gouvernement d’autres regroupements d’apiculteurs. «Nous, nous regroupons une quarantaine d’apiculteurs, nous sommes structurés et nous avons déjà fait venir des experts sur le territoire» rappelle-t-il, pour signifier qu’il n’est pas un amateur mais un vrai professionnel.

Le Syndicat des apiculteurs est d’autant plus inquiet que les ruches, à Tahiti, sont installées majoritairement dans la zone urbaine (de Pirae à Punaauia), le plus loin possible des zones de productions maraîchères, pour ne pas être sous la menace des produits pesticides utilisés par les agriculteurs. Or, ce sont les zones urbaines –les plus densément peuplées- qui seront visées par le passage des pulvérisateurs dès la semaine prochaine, car ce sont précisément dans les zones urbaines que les moustiques sont les mieux installés et que les épidémies de dengue et de zika sont les plus marquées.


Amostop est un larvicide qui permet de tuer les larves de moustiques dans tous les sites remplis d'eau stagnante qui ne peuvent pas être vidés à la main. Les fosses septiques notamment, quand elles ne sont pas étanches, sont d'énormes réservoirs pour que les moustiques femelles déposent leurs oeufs.
Larvicide : un produit importé plutôt que local

Le 15 décembre 2012 un communiqué de presse officiel du Pays et de l’Etat indiquait : «le produit biologique larvicide Amostop fabriqué localement sera intégré dans le traitement pour ce qui concerne les gîtes et les eaux stagnantes». L'entreprise Pacific Biotech qui fabrique ce produit sur le territoire depuis plusieurs années avait été contactée par les autorités du Pays et se tenait prête à augmenter sa production pour répondre à cette demande et à celles de particuliers qui veulent éliminer les nids à larves de moustiques chez eux.
Finalement, selon le Bernard Costa, le président de Pacific Biotech, le Pays a porté depuis son choix vers un autre produit importé cette fois. Le produit choisi utilise néanmoins le même principe actif, le BTI.

Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 16 Janvier 2014 à 15:44 | Lu 2488 fois