Délinquance : des mesures concrètes de prévention et de répression


Le conseil de prévention de la délinquance de la Polynésie française est coprésidé par le Haut commissaire, Lionel Beffre ; le procureur général François Badie et le président du Pays Edouard Fritch.
PAPEETE, le 2 mars 2016. Le Conseil de prévention de la délinquance créé le 11 janvier dernier a dévoilé, hier, le premier plan de lutte contre la délinquance du territoire. Il associe des mesures immédiates très concrètes et des projets à plus long terme dans le but d'enrayer l'augmentation constatée au cours des dix dernières années des faits délictueux.

Quatre axes prioritaires d'actions ont été définis par le Conseil de prévention de la délinquance, chacun constituant un groupe de travail associant l'Etat (Haut commissariat, services de police et de justice notamment), le Pays avec ses services mais aussi les communes. Il s'agit de la prévention des addictions (alcool, stupéfiants), de la délinquance des jeunes car les mineurs représentent aujourd'hui près de 9% des auteurs de violence et plus de 13% des auteurs de violences sexuelles, mais aussi des violences intrafamiliales et enfin de la tranquillité publique. Sur chacun de ces axes, les groupes de travail ont établi des propositions d'actions, en voici les principales.

TRANQUILLITE PUBLIQUE

La lutte contre les nuisances sonores sera accentuée : par exemple la réglementation locale va être adaptée afin d'interdire l'installation de sonorisation excessive dans les véhicules. C'est la fin annoncée des voitures "boum boum". A ce titre un travail avec la direction des transports va permettre de réviser le code de la route dans ce sens. "On devrait aboutir à un texte rapidement" annonçait le procureur de la République, José Thorel qui était le coordinateur de l'atelier sur ce sujet de la tranquillité publique. Par ailleurs une amende forfaitaire sera instaurée pour sanctionner les tapages, de façon à ce qu'une sanction immédiate puisse être apportée contre les auteurs des nuisances sonores. Seuls les groupes de danse qui répètent pour le Heiva échapperont à cette règle car "il est hors de question de s'attaquer aux pratiques coutumières ou aux activités sociales. Je m'y suis toujours opposé en classant sans suite des plaintes des riverains".

Autre texte emblématique attendu, une clarification du régime juridique des servitudes desservant les habitations. Il s'agira ici d'un travail pluridisciplinaire avec le tribunal, le Haut commissariat et le Pays afin d'aboutir "à un texte commun" sous la forme d'une circulaire "qui posera le système juridique de chacune des voies de circulation afin que certains ne se fourvoient pas en indiquant que des chemins sont privés alors qu'ils doivent être ouverts à la circulation publique" précisait le procureur. Cette circulaire pourra également rétablir l'accès aux plages alors que de nombreuses voies ont été privatisées à tort.

DELINQUANCE DES JEUNES

Pour lutter contre l'augmentation de la participation des jeunes mineurs à des faits de délinquance, l'accent est mis sur des actions de lutte contre l'absentéisme scolaire. Jusqu'ici seule la police nationale pouvait dans la zone urbaine contrôler les mineurs présents sur la voie publique aux heures habituelles de classe. Cette possibilité devra être ouverte aux gendarmes. Par ailleurs les violences scolaires devront faire l'objet d'une fiche de signalement systématique ce qui alimentera un observatoire de ces violences soulignait le vice-recteur Jean-Louis Baglan. L'objectif étant de situer la réalité de chaque établissement scolaire et de la Polynésie dans son ensemble sur ces violences scolaires souvent minimisées aujourd'hui du fait d'une certaine "rétention de l'information".

Pour les élèves scolarisés hors de leur noyau familial du fait de l'éclatement géographique de la Polynésie française –ils sont environ 12% de l'effectif scolaire total aujourd'hui - un diagnostic des internats et de leurs besoins de réhabilitation –ou de construction - sera effectué afin d'aboutir à un schéma directeur de réhabilitation et de construction d'internats. Cette mesure importante n'a cependant pas été mesurée budgétairement parlant. Ce sera là une mesure sur le long terme. Toujours en direction des jeunes, le plan prône le développement des activités extrascolaires, le recrutement d'animateurs de quartiers et d'adultes relais.

VIOLENCES INTRA-FAMILIALES

Avec 1200 faits de violence par an sur les femmes, la Polynésie française est un territoire où les violences intrafamiliales sont récurrentes. Chaque jour plus de trois femmes sont victimes d'un acte violent. Or, parfois les victimes sont isolées : dans les îles éloignées où il n'y a pas systématiquement de gendarmes, les femmes n'ont aucun relais. Pour les aider deux pages Facebook dédiées seront ouvertes, une en direction des femmes, l'autre pour les mineurs pour faciliter l'accès direct aux juges en charge de ces questions.

Une unité pédiatrique des mineurs victimes sera ouverte à l'hôpital de Taaone, afin de regrouper en un seul lieu et en un seul moment l'ensemble des auditions du mineur victime et des examens médicaux, psychologiques et sociaux à effectuer. En 2015, il y a eu 250 mineurs victimes de sévices sexuels en Polynésie, cette unité aura pour but de "leur éviter le parcours du combattant entre les différents experts et les auditions qui seront filmées" précise Brigitte Angibaud, avocate générale de la cour d'appel de Papeete. Cette unité nécessite seulement l'aménagement d'une salle dédiée. Une association nationale (La Voix de l'enfant) serait susceptible de financer la mise en place de cette structure.

PREVENTION DES ADDICTIONS

Donner un message cohérent de prévention est la première des mesures en formant notamment des animateurs sur la prévention des conduites addictives. Mais là, aussi le plan de prévention de la délinquance aborde aussi du concret. Ainsi, la production du "komo" deviendra un délit et les personnes qui en fabriquent pourront être condamnées à des peines de prison, plus seulement des amendes. La réglementation sur la consommation d'alcool du Pays étant obsolète – la plupart des textes date de 1959 -, de nouvelles règles seront établies. Elles concerneront notamment l'interdiction de consommation d'alcool sur la voie publique qui sera sanctionnée par une amende forfaitaire (immédiate). Les personnes poursuivies pour ivresse pénale se verront proposer des stages alternatifs pour un suivi plus personnalisé et actif.

En ce qui concerne les stupéfiants, la création d'un centre de désintoxication est actée (il y aurait environ 150 personnes qui nécessiteraient actuellement un suivi médical de désintoxiation), mais pas financée pour l'instant. Ce centre devant être intégré au pôle de santé mentale du CHPF dont la construction est inscrite au contrat de projets Etat/Pays mais qui n'a pas encore bénéficié de financements conjoints.


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Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 2 Mars 2016 à 18:23 | Lu 2513 fois