Défilé de maris jaloux à la barre du tribunal


Le juge unique a eu droit, ce jeudi, à son lot habituel d'affaires de violences conjugales sur fond d'alcool et de jalousie.
PAPEETE, le 2 mars 2017 - L'audience à juge unique du tribunal correctionnel de Papeete, qui traite des infractions simples, prend parfois des allures de thérapie de couple.


Et l'audience de ce jeudi n'a pas dérogé à la règle. Entre deux-trois petits voleurs de téléphone et un papa à la main un peu trop lourde sur sa progéniture, les affaires de violences conjugales "légères" sont celles qui auront donné le plus de travail au magistrat qui présidait l'audience. 50 000 francs d'amende. C'est la peine prononcée contre un charpentier de 38 ans pour avoir frappé sa compagne d'un coup de balais niau à la tête, en fin d'année dernière. "Je revenais du travail, je lui ai parlé gentiment mais elle ne prêtait pas attention à moi et ça m'a énervé", explique le trentenaire qui reconnait aussi à la barre plusieurs altercations par le passé, sur fond de jalousie excessive. Le couple dit s'être séparé aujourd'hui mais continuer à se voir, uniquement "pour les bons moments"… Qu'il continue comme ça.

"Et hop, la jalousie, encore !", ressasse le magistrat avant de déclarer coupable dans la foulée de son précédent "client", un deuxième mari poursuivi pour avoir un peu violemment empoigné sa compagne de l'époque. "Un jour, j'ai regardé sur son vini et j'ai appelé le numéro de téléphone d'un homme qui m'a dit : "Salut Chérie !" quand il a décroché… Ça m'a énervé". "Ah oui, c'est un indice en effet…", se moque gentiment le juge. "Je suis un impulsif, je voulais la retenir mais pas lui faire de mal". Le couple était en instance de séparation.

800 plaintes par an

La jalousie, encore et toujours, mais cette fois l'alcool aussi, ont conduit le tribunal à condamner un troisième tane à une peine de 6 mois de prison avec sursis. Et mise à l'épreuve pendant deux ans. En août dernier, après avoir descendu plusieurs litres de bière, l'homme de 29 ans avait asséné plusieurs coups de poing au visage de sa compagne, suivis de coups de pied. Nonchalant à la barre, lui aussi explique sa colère du moment parce qu'il pensait avoir été trompé. "Dès que vous avez bu, c'est reparti, vous imaginez que votre femme est infidèle et vous devenez violent", constate un poil énervé le président de l'audience. "Je suis trop jaloux". "Ca se soigne ! Elle n'a pas de copain ! Donc elle prend des baffes pour rien. Votre enfant de 7 mois mérite mieux que de voir son père taper sa mère. C'est destructeur pour les enfants".

Madame est dans la salle. "Vous êtes toujours ensemble ?", s'enquiert le magistrat. "Oui". "Il vous frappe toujours ?". La jeune femme hésite à répondre, dit que non. "Votre hésitation indique le contraire, quand il a bu, il vous frappe encore ?" insiste le juge, autoritaire. "Oui..." souffle la vahine.

"800 plaintes sont déposées chaque année par des femmes polynésiennes victimes de violences commises par leur concubin, c'est beaucoup", glissera dans son réquisitoire le représentant du ministère public. "D'autant plus que la plainte n'est souvent pas déposée dès les premières violences. Parfois, aussi, on dépose plainte en espérant donner une bonne leçon, qu'il va changer, mais nous savons que ce n'est pas le cas. Certains attendent trop de la justice".

Rédigé par Raphaël Pierre le Jeudi 2 Mars 2017 à 14:19 | Lu 4311 fois