Déchets, le transfert de compétence au Pays préconisé


La gestion des déchets dans les territoires Outre-Mer est de plus en plus préoccupante. Dans un rapport présenté mercredi par les sénatrices Gisèle Jourda et Viviane Malet, la situation est présentée comme une “urgence sanitaire et environnementale”. Des solutions ont été présentées pour tenter dendiguer ce phénomène. Sur le territoire Polynésien, le transfert de la compétence du traitement des déchets, dont les communes ont la charge depuis 2004, au Pays, a été préconisé.
 
La gestion des déchets à Tahiti et dans le reste de la Polynésie est un problème épineux depuis de nombreuses années. Une situation qui est similaire dans la totalité des différents territoires doutre-mer. Cest pourquoi deux sénatrices, Gisèle Jourda (Aude) et Viviane Malet (La Réunion) se sont penchées sur le sujet. Après plusieurs mois denquête, elles ont présenté un rapport dinformations sur la gestion de ces déchets mercredi matin au Sénat. Un bilan peu flatteur, où une situation durgence sanitaire et environnemental” est évoquée. "La cote dalerte est dépassée” écrivent-elles. Les causes de ces dysfonctionnements sont pointées du doigt et des préconisations sont présentées pour tenter daméliorer la situation. Parmi elles, débloquer au moins 250 millions deuros (Près de 30 milliards de Fcfp) sur cinq ans pour construire les équipements nécessaires ou adapter les réglementations aux territoires ultramarins.
 
Pour la Polynésie, le rapport recommande un changement de compétence, afin que la gouvernance du traitement des déchets ménagers soit désormais prise en charge par le Pays. Une redistribution des cartes que réclamait activement Cyril Tetuanui, président du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française (SPCPF), lors d'une table ronde Pacifique organisée sur ce sujet en juillet 2022 : “Le souhait du président de la communauté de communes que je suis est de restituer cette compétence au Pays”. Pour rappel, le traitement des ordures ménagères est organisé par les communes depuis la loi de 2004.
 
Les décharges illégales dans le viseur
 
Le rapport des sénatrices Gisèle Jourda et Viviane Malet identifie les nombreuses défaillances directes. Parmi elles, les filières de recyclage très limitées, les difficultés d'exportation des déchets depuis les îles ou encore une gouvernance locale pas toujours adaptée et avec trop dacteurs. Toutes ces défaillances proviennent malgré tout dun seul et même facteur, le manque de financement pour mettre en œuvre les infrastructures adaptées. En Polynésie, comme dans le reste des Outre-Mer, ce manque se fait cruellement sentir. Seules de rares îles sont dotées dun centre denfouissement technique (CET) réglementaire (Tahiti, Bora Bora, Tubuai, Rapa, Ua Pou et Nuku Hiva) ou d'une décharge autorisée (Moorea).
 
Ailleurs, les déchets sont jetés dans d'immenses décharges publiques à ciel ouvert, qui sont un véritable désastre écologique. Elles seraient à lorigine d’épidémie de dengue, zika ou même chikungunya. Même si selon le rapport, la Polynésie nest pas la plus mauvaise élève dans ce domaine, –la palme revenant à Mayotte et à la Guyane–, de nombreuses décharges illégales pullulent dans les îles. La plus impressionnante de toutes étant celle de Faaa où, chaque année, plus de 25 000 tonnes de déchets en tous genres sont jetées illégalement.
 
Un soulagement pour les communes polynésiennes
 
Depuis la loi de 2004, les communes ont la charge du traitement des ordures ménagères de leurs habitants, en plus du ramassage. Un service quelles assurent sans subvention. Le Pays quant à lui a gardé à sa charge le traitement des déchets spéciaux comme ceux médicaux, les carcasses de véhicules, etc. Ce transfert de compétences engendrerait une vague de soulagement pour les communes, dont les finances sont plombées par ces coûts. “Le Pays a les moyens financiers et fonciers de construire des centres denfouissement techniques” indiquait d'ailleurs Cyril Tetuanui en juillet 2022, “cela représente des ressources et une expertise impossible à mettre en œuvre pour les communes elles-mêmes”. Cette analyse a dailleurs été confirmée par la chambre territoriale des comptes en 2021 qui expliquait que “le Pays ne verse pas daide financière pour les îles qui envoient leurs déchets recyclables pour un traitement à Tahiti. Or ces communes supportent le coût du transport jusqu'à Papeete, ainsi que le coût de traitement”.
 
Ce transfert apparaît comme la solution miracle, cependant, Benoît Layrle, directeur général de Fenua ma, tempère la situation : “Est-ce que le Pays va vraiment avoir les ressources nécessaires pour gérer entièrement le territoire ? Je ne sais pas. Je pense quil faudrait mélanger toutes ses solutions pour équilibrer les budgets de chacun et ainsi gérer au mieux notre traitement des déchets. Ce nest pas une patate chaude quil faut se renvoyer”. Il continue en expliquant que “nous sommes dans tous les cas dépendant à lexport. Jamais nous naurons tous les filières de valorisation de traitements de déchets, même un territoire comme la Nouvelle-Zélande ne les possède pas”.
 
La situation particulière de la Polynésie
 
Ce rapport est brutal de réalité. Cependant ses conclusions sont pour la plupart trop éloigné de la réalité d’un territoire aussi vaste. D’autant plus que dans la plupart des études et des statistiques réalisées, la Polynésie est absente, signe de la complexité qu'elle représente. Jerry Birret, conseiller technique du ministre de la Culture, de l’Environnement et des ressources marines s’exprimait sur ce sujet lors de la même table ronde Pacifique “On ne produit pas assez de déchet par habitants, –environ 301 kilos par habitant et par an–, pour pouvoir avoir accès à une nouvelle méthodologie étrangère. De plus, les contraintes de transport maritime de récupérations des déchets vers Papeete sont immenses. C’est cette faiblesse de gisement de déchets, notre dispersion et notre éloignement géographique qui constituent les ingrédients de cette gestion si particulière”. Pour l’heure, aucune décision n’a été actée à propos de ce transfert de compétence.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Jeudi 8 Décembre 2022 à 19:13 | Lu 1716 fois