Tahiti, le 14 avril 2022 - L'expert, nommé en 2019 par le juge d'instruction en charge de l'affaire de la décharge de Faa'a pour procéder à une expertise de l'impact environnemental de la décharge sur les eaux, l'air et les sols, a rendu la première partie de son rapport au début du mois de mars. Contrairement à ce qui avait été affirmé lors des précédentes expertises, le spécialiste a démontré la présence de lixiviats qui s'écoulent vers la rivière Piafau et une contamination des sols dans et hors la décharge après les incendies récurrents.
Plus de sept ans après l'ouverture d'une information judiciaire portant sur la décharge de Faa'a, un expert nommé par le magistrat instructeur, Thierry Fragnoli, pour évaluer l'impact environnemental de la décharge, a rendu la première partie de son rapport le mois dernier. Les constatations techniques ont été faites lors de la saison sèche en 2019 puis lors de la saison des pluies en 2020.
Dans ce document, auquel Tahiti Infos a eu accès, l'expert se penche tout d'abord sur l'historique de cette décharge qui occupe désormais de manière illégale une superficie évaluée à 62 000 m2. C'est au début des années 70 que des membres de la famille Mai avaient donné l'autorisation à l'ancien maire de Faa'a, Francis Sanford, d'entreposer des déchets sur la terre Mumavai. A son tour élu maire, Oscar Temaru avait continué à utiliser ce terrain bien qu'aucun arrêté n'ait jamais autorisé son exploitation. C'est à la suite d'une plainte que la justice avait ouvert, fin 2014, une information judiciaire pour des faits de pollution, d'exploitation non autorisée d'une installation classée, et de dégradation du bien d'autrui. Dans le cadre de cette information, la mairie de Faa'a avait été placée sous le statut de témoin assisté le 4 mai 2016.
700 000 tonnes de déchets
Tel que le précise l'expert dans son rapport, les services municipaux de la commune de Faa'a estiment que chaque année, ce sont 25 000 tonnes de déchets de toutes sortes qui sont déversés sur la terre Mumavai. A l'aide d'une modélisation numérique, le spécialiste a réussi à évaluer la quantité totale de déchets à 700 000 tonnes “plus ou moins impactés selon l'ancienneté”. Le volume de déchets enfoui est quant à lui “difficilement quantifiable”.
Comme le lui avait demandé le juge d'instruction, l'expert a axé son rapport sur les impacts environnementaux de la décharge sur les eaux, les sols et l'air. Et si le caractère polluant de ce dépotoir géant avait déjà été signalé à de nombreuses reprises –notamment par la CTC–, cette nouvelle expertise apporte une nouvelle et inquiétante composante : la présence de lixiviats, autrement appelés “jus de décharge”, qui s'écoulent vers la ravine et la rivière Piafau. Concernant la pollution des eaux, l'expert affirme que la présence de ces lixiviats n'avait pas été mise en évidence lors des dernières expertises car ces dernières “n'avaient pas été réalisées dans des périodes favorables à la démonstration de leur existence”. Il précise que les impacts “les plus immédiats se font sentir dans la ravine de la rivière Piafau pour les eaux superficielles et la flore et la faune potentielle (dont chevrettes) de la rivière”. A ce sujet, l'expert évoque dans son rapport “les témoignages de riverains qui évoquent des activités anciennes de pêche et de baignade qui n'auraient plus cours”.
Dans son rapport, l'expert précise cependant que “l'impact sur les eaux souterraines” est réduit car “les observations menées tendent à limiter l'importance des circulations verticales pouvant traverser les formations rocheuses et atteindre la ressource en eau potable”.
“Plus aucun sol naturel” sur la décharge
Outre cette pollution évidente des eaux, l'expert s'est également penché dans son étude sur la qualité des sols. Il conclut ainsi qu'il n'“existe plus aucun sol naturel dans l'emprise du site” alors qu'il s'agit pourtant d'anthroposols –sols constitués par une activité humaine avec des déchets purs et des sols en mélange– qui sont majoritairement pollués à très pollués dans leur masse”. Il a également constaté de “graves atteintes locales à la stabilité des sols, avec des désordres constatés sur le site” et rappelle que ces risques ont été “portés à la connaissance de l'exploitant sur site et pour lesquels des solutions de mise en sécurité ont été indiquées”.
En matière d'impact sur l'air, les conclusions de l'expert sont tout aussi effrayantes. Il écrit ainsi que des “impacts temporaires ont été constatés suffisamment fréquemment et en plusieurs points du site”. Ces impacts sont liés à des “fumerolles de gaz chaud s'échappant de trous dans le talus et annonçant une combustion interne des déchets”. Le spécialiste avertit que le mélange des déchets non dangereux avec des déchets dangereux “fait craindre la présence d'autres composés que les seuls biogaz issus de déchets organiques ménagers”. De plus, la combustion des matières plastiques qui sont “abondamment stockées car pas triées à la source” est susceptible d'entraîner “la formation de dioxines, furanes et PCB-dl qui se déposeraient sur les sols alentours”.
Impacts des incendies de la décharge
Dans son rapport, l'expert s'attarde longuement sur les nombreux incendies qui se sont déclarés ces deux dernières décennies sur la décharge. Entre 2007 et 2019, 15 incendies ont ainsi été recensés, mais l'expert précise que ce chiffre est à prendre avec des pincettes puisqu'il ne concerne que les incidents officiellement déclarés. Pendant et après ces incendies, le spécialiste affirme que les riverains de la décharge sont directement exposés “aux gaz et fumées toxiques” et que cela constitue un “risque aigu qualifiable de sub-chronique en raison de la fréquence de ces incidents”.
Après les incendies, la contamination des sols de la décharge est “avérée”. De plus, “la reprise des retombées atmosphériques par les eaux superficielles du ruissellement sur les voiries et par érosion des sols est susceptible d'amener des polluants organiques persistants vers la rivière Piafau”.
Absence de contrôles
Enfin, dans les conclusions de son rapport, l'expert soutient que la qualification de “décharge contrôlée” doit être réfutée pour de nombreuses raisons. Tout d'abord car, si les apports de déchets font l'objet d'un contrôle d'accès des véhicules, la récupération grise de déchets ne fait l'objet d'aucun contrôle. Ensuite, car l'“absence de tri et d'isolement des différentes natures de déchets ne concourt pas à la maîtrise des conséquences” et que les contrôles visuels sur la nature des déchets ne sont “pas efficaces”. Enfin, l'expert explique que “la fond de décharge n'a pas fait l'objet d'un aménagement permettant de limiter les infiltrations, malgré les déclarations de la commune de Faa'a prétendant que le mamu (argile dure, ndlr) de recépage de la colline du réservoir Mumuvai aurait servi à tapisser le fond de ravine”. L'expert avance que cette allégation est “contredite par l'examen des photographies aériennes qui montre une ravine à végétation sauvage après l'installation du réservoir”.
Alors que l'affaire des bonbonnes toxiques a refait surface en début de semaine et que les rapports successifs du GIEC ont récemment rappelé l'urgence d'agir en matière de protection de l'environnement, la décharge de Faa'a constitue un scandale écologique qui perdure impunément depuis un demi-siècle.
Plus de sept ans après l'ouverture d'une information judiciaire portant sur la décharge de Faa'a, un expert nommé par le magistrat instructeur, Thierry Fragnoli, pour évaluer l'impact environnemental de la décharge, a rendu la première partie de son rapport le mois dernier. Les constatations techniques ont été faites lors de la saison sèche en 2019 puis lors de la saison des pluies en 2020.
Dans ce document, auquel Tahiti Infos a eu accès, l'expert se penche tout d'abord sur l'historique de cette décharge qui occupe désormais de manière illégale une superficie évaluée à 62 000 m2. C'est au début des années 70 que des membres de la famille Mai avaient donné l'autorisation à l'ancien maire de Faa'a, Francis Sanford, d'entreposer des déchets sur la terre Mumavai. A son tour élu maire, Oscar Temaru avait continué à utiliser ce terrain bien qu'aucun arrêté n'ait jamais autorisé son exploitation. C'est à la suite d'une plainte que la justice avait ouvert, fin 2014, une information judiciaire pour des faits de pollution, d'exploitation non autorisée d'une installation classée, et de dégradation du bien d'autrui. Dans le cadre de cette information, la mairie de Faa'a avait été placée sous le statut de témoin assisté le 4 mai 2016.
700 000 tonnes de déchets
Tel que le précise l'expert dans son rapport, les services municipaux de la commune de Faa'a estiment que chaque année, ce sont 25 000 tonnes de déchets de toutes sortes qui sont déversés sur la terre Mumavai. A l'aide d'une modélisation numérique, le spécialiste a réussi à évaluer la quantité totale de déchets à 700 000 tonnes “plus ou moins impactés selon l'ancienneté”. Le volume de déchets enfoui est quant à lui “difficilement quantifiable”.
Comme le lui avait demandé le juge d'instruction, l'expert a axé son rapport sur les impacts environnementaux de la décharge sur les eaux, les sols et l'air. Et si le caractère polluant de ce dépotoir géant avait déjà été signalé à de nombreuses reprises –notamment par la CTC–, cette nouvelle expertise apporte une nouvelle et inquiétante composante : la présence de lixiviats, autrement appelés “jus de décharge”, qui s'écoulent vers la ravine et la rivière Piafau. Concernant la pollution des eaux, l'expert affirme que la présence de ces lixiviats n'avait pas été mise en évidence lors des dernières expertises car ces dernières “n'avaient pas été réalisées dans des périodes favorables à la démonstration de leur existence”. Il précise que les impacts “les plus immédiats se font sentir dans la ravine de la rivière Piafau pour les eaux superficielles et la flore et la faune potentielle (dont chevrettes) de la rivière”. A ce sujet, l'expert évoque dans son rapport “les témoignages de riverains qui évoquent des activités anciennes de pêche et de baignade qui n'auraient plus cours”.
Dans son rapport, l'expert précise cependant que “l'impact sur les eaux souterraines” est réduit car “les observations menées tendent à limiter l'importance des circulations verticales pouvant traverser les formations rocheuses et atteindre la ressource en eau potable”.
“Plus aucun sol naturel” sur la décharge
Outre cette pollution évidente des eaux, l'expert s'est également penché dans son étude sur la qualité des sols. Il conclut ainsi qu'il n'“existe plus aucun sol naturel dans l'emprise du site” alors qu'il s'agit pourtant d'anthroposols –sols constitués par une activité humaine avec des déchets purs et des sols en mélange– qui sont majoritairement pollués à très pollués dans leur masse”. Il a également constaté de “graves atteintes locales à la stabilité des sols, avec des désordres constatés sur le site” et rappelle que ces risques ont été “portés à la connaissance de l'exploitant sur site et pour lesquels des solutions de mise en sécurité ont été indiquées”.
En matière d'impact sur l'air, les conclusions de l'expert sont tout aussi effrayantes. Il écrit ainsi que des “impacts temporaires ont été constatés suffisamment fréquemment et en plusieurs points du site”. Ces impacts sont liés à des “fumerolles de gaz chaud s'échappant de trous dans le talus et annonçant une combustion interne des déchets”. Le spécialiste avertit que le mélange des déchets non dangereux avec des déchets dangereux “fait craindre la présence d'autres composés que les seuls biogaz issus de déchets organiques ménagers”. De plus, la combustion des matières plastiques qui sont “abondamment stockées car pas triées à la source” est susceptible d'entraîner “la formation de dioxines, furanes et PCB-dl qui se déposeraient sur les sols alentours”.
Impacts des incendies de la décharge
Dans son rapport, l'expert s'attarde longuement sur les nombreux incendies qui se sont déclarés ces deux dernières décennies sur la décharge. Entre 2007 et 2019, 15 incendies ont ainsi été recensés, mais l'expert précise que ce chiffre est à prendre avec des pincettes puisqu'il ne concerne que les incidents officiellement déclarés. Pendant et après ces incendies, le spécialiste affirme que les riverains de la décharge sont directement exposés “aux gaz et fumées toxiques” et que cela constitue un “risque aigu qualifiable de sub-chronique en raison de la fréquence de ces incidents”.
Après les incendies, la contamination des sols de la décharge est “avérée”. De plus, “la reprise des retombées atmosphériques par les eaux superficielles du ruissellement sur les voiries et par érosion des sols est susceptible d'amener des polluants organiques persistants vers la rivière Piafau”.
Absence de contrôles
Enfin, dans les conclusions de son rapport, l'expert soutient que la qualification de “décharge contrôlée” doit être réfutée pour de nombreuses raisons. Tout d'abord car, si les apports de déchets font l'objet d'un contrôle d'accès des véhicules, la récupération grise de déchets ne fait l'objet d'aucun contrôle. Ensuite, car l'“absence de tri et d'isolement des différentes natures de déchets ne concourt pas à la maîtrise des conséquences” et que les contrôles visuels sur la nature des déchets ne sont “pas efficaces”. Enfin, l'expert explique que “la fond de décharge n'a pas fait l'objet d'un aménagement permettant de limiter les infiltrations, malgré les déclarations de la commune de Faa'a prétendant que le mamu (argile dure, ndlr) de recépage de la colline du réservoir Mumuvai aurait servi à tapisser le fond de ravine”. L'expert avance que cette allégation est “contredite par l'examen des photographies aériennes qui montre une ravine à végétation sauvage après l'installation du réservoir”.
Alors que l'affaire des bonbonnes toxiques a refait surface en début de semaine et que les rapports successifs du GIEC ont récemment rappelé l'urgence d'agir en matière de protection de l'environnement, la décharge de Faa'a constitue un scandale écologique qui perdure impunément depuis un demi-siècle.
Les suggestions de l'expert pour réduire la pollution
A la fin de son rapport, l'expert expose ses “observations les plus utiles pour l'amélioration de la situation environnementale de la décharge et la minoration à court, moyen et long terme des impacts sur l'environnement et la santé humaine”. Il suggère ainsi :
Un meilleur tri des déchets à l'entrée du site et la non acceptation en casiers de déchets verts, d'encombrants valorisables, de recyclables secs fournissant des composés toxiques par dégradation thermique, de déchets dangereux provenant des activités humaines. Une gestion des eaux et des lixiviats par minoration des infiltrations, récupération et traitement. Le recouvrement des casiers après exploitation pour limiter les infiltrations d'eaux générant des lixiviats. La maîtrise du dégazage dans la décharge et la limitation des incendies par captation dans un réseau de drainage adapté.
Concernant le tri des déchets, l'expert indique qu'une part du travail peut être accomplie sur le site mais qu'elle est “fortement contrainte par la logique décidée d'absence de tri sélectif opéré à la source”. Selon lui, “toute modification actuelle et future n'aura pas d'impact sur la gestion des stocks existants”.
S'agissant de la gestion des eaux et des lixiviats, le spécialiste précise qu'il s'agit de l'une des voies d'amélioration “les plus immédiatement accessibles” et que les recommandations ont déjà été transmises à l'exploitant.
Un meilleur tri des déchets à l'entrée du site et la non acceptation en casiers de déchets verts, d'encombrants valorisables, de recyclables secs fournissant des composés toxiques par dégradation thermique, de déchets dangereux provenant des activités humaines. Une gestion des eaux et des lixiviats par minoration des infiltrations, récupération et traitement. Le recouvrement des casiers après exploitation pour limiter les infiltrations d'eaux générant des lixiviats. La maîtrise du dégazage dans la décharge et la limitation des incendies par captation dans un réseau de drainage adapté.
Concernant le tri des déchets, l'expert indique qu'une part du travail peut être accomplie sur le site mais qu'elle est “fortement contrainte par la logique décidée d'absence de tri sélectif opéré à la source”. Selon lui, “toute modification actuelle et future n'aura pas d'impact sur la gestion des stocks existants”.
S'agissant de la gestion des eaux et des lixiviats, le spécialiste précise qu'il s'agit de l'une des voies d'amélioration “les plus immédiatement accessibles” et que les recommandations ont déjà été transmises à l'exploitant.
Quels déchets dans la décharge ?
- Déchets ménagers
- Carcasses de véhicules utilisées pour soutenir les talus
- Huiles usagées
- Déchets médicaux ou industriels considérés comme dangereux (hydrocarbures, substances cancérigènes)
- Déchets verts
- Carcasses de véhicules utilisées pour soutenir les talus
- Huiles usagées
- Déchets médicaux ou industriels considérés comme dangereux (hydrocarbures, substances cancérigènes)
- Déchets verts