De la rue à l'entrepreneuriat : Bernard a réussi à s'en sortir


PAPEETE, le 27/01/2016 - Qui aurait cru qu'il serait aujourd'hui, un chef d'entreprise ? Ce père de famille de 39 ans est passé par des étapes difficiles dans sa vie. De la rue, à la drogue et aux bagarres, Bernard est aujourd'hui un entrepreneur qui sait où il veut aller. Négociant de poissons, il revend aux particuliers des poissons frais des Tuamotu. Et pour y arriver, il a sollicité l'aide de l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie).

Notre deuxième portrait d'entrepreneurs qui ont sollicité des prêts, dans le cadre de la semaine du microcrédit qui démarre à compter de lundi, est consacré à Bernard Nanuaiterai, un négociant de poissons qui a lancé son activité en juillet 2015.

Une rencontre particulière avec un homme qui est passé par des étapes difficiles qui l'ont fait grandir.

Âgé de 39 ans, Bernard Nanuaiterai était un caïd. En 2008, il a quitté le domicile familial et se retrouve à la rue pendant six mois. Une période particulière rythmée par l'alcool, la drogue et les bagarres. "Un jour, en 2009, j'ai eu la chance de pouvoir travailler au marché par l'intermédiaire d'un cousin et à partir de là, l'idée m'est venue de créer ma vente de poissons", raconte-t-il.

Un an plus tard, Bernard suit plusieurs formations à commencer par une remise à niveau. Puis, il enchaîne sur les techniques de la vente. "J'ai fait du porte-à-porte dans les banques pour avoir un emprunt et par pur hasard, j'ai vu l'Adie, j'ai été me renseigner et c'est comme cela que j'ai eu mon aide."
"C'était une personne qui était dans une situation difficile et de grande précarité, et justement c'est l'une des missions de l'Adie, d'aider ce type de population à s'en sortir et de pouvoir réussir par leurs propres moyens et de leur donner une seconde chance dans la vie", explique Wendy Mou Kui, directrice régionale de l'Adie en Polynésie.

Bernard fait un premier emprunt à hauteur de 150 000 Fcfp pour acheter le matériel nécessaire pour son activité. En juillet 2015, il travaille en collaboration avec un pêcheur de Kaukura, aux Tuamotu. "J'ai commencé avec mon ex beau-père, qui me fournit le poisson, ensuite, je le nettoie à la maison avant de le revendre aux particuliers. Mais aujourd'hui, nous avons arrêté les commandes sur Kaukura. Apparemment, il y aurait la ciguatera. Actuellement, je travaille avec un autre pêcheur de Fakarava et les premiers poissons devraient arriver pour le mois de février".

Il y a peu de temps, Bernard a de nouveau sollicité l'aide de l'Adie pour l'acquisition d'un scooter, "pour que je puisse livrer moi-même mes poissons comme cela je ne demanderai plus à ma belle-sœur de le faire avec moi. Ça n'a pas été évident d'obtenir ces deux prêts, il a fallu argumenter pour démontrer que mon projet est solide et c'est grâce aux formations que j'ai suivies que j'ai pu m'en sortir. Il faut avoir des connaissances de base. Lorsqu'on gère une entreprise, il faut avoir un cahier des charges. J'arrive à m'en sortir."

Actuellement, Bernard travaille avec son fils et son amie. Très motivé et reconnaissant pour cette nouvelle vie qui s'offre à lui, Bernard croit en sa bonne étoile. Pour lui, dans la vie, il faut "être courageux. Tout le monde a du potentiel, s'il n'y a pas de projet, il n'y a pas d'avenir. Il faut avoir un objectif et il faut tenir le coup parce que ce n'est pas facile. Il faut prouver qu'on est capable de réussir", assure-t-il.

Un autre ancien SDF a également monté sa société de jardinage, il vit aujourd'hui, dans son propre appartement. Une belle réussite pour l'équipe de l'Adie.

Depuis sa création en Polynésie en 2009, près de 2 000 porteurs de projets ont été aidés. "Il y a une forte demande suite à la récession, la crise économique, au chômage qui s'est accentué, le manque d'emploi. Nous sommes les seuls sur qui ils peuvent compter. Pour les archipels, c'est plutôt le secteur primaire qui est très demandeur (pêche, agriculture, coprah culture), sur Tahiti et Moorea, ce sont plutôt les prestations de service. Sur Taravao, on voit un petit peu les mêmes spécificités des archipels où c'est plutôt orienté vers l'agriculture", conclut Wendy Mou Kui.

L'Adie peut accompagner les porteurs de projets, jusqu'à près d'1,2 million Fcfp, un montant qui pourrait être réévalué d'ici quelque temps.

Demain, vous retrouverez le portrait d'un jeune entrepreneur de 22 ans, Terai Tarahu, fabricant de rames.

Grâce à son deuxième prêt accordé par l'ADIE, Bernard a acheté un scooter, qui lui permettra d'effectuer les livraisons chez ses clients.

Wendy Mou Kui, directrice régionale de l'Adie

"On leur fait totalement confiance"

Comment Bernard a-t-il eu votre confiance ?


"Dans un premier temps, nous l'avons rencontré et nous avons vu que c'était une personne volontaire et qui a fait les démarches auprès de l'Adie pour qu'on l'aide à soutenir son projet professionnel. Il nous a touchés par rapport à son parcours de vie, sa volonté de vouloir s'en sortir. On leur fait totalement confiance, bien entendu, on leur expose ce qu'est un crédit, les risques encourus, qu'il ne sera pas seul et qu'on l'accompagnera tout au long de son projet. On s'était dit que c'est une bonne personne qui a une volonté d'y arriver."

Comment ça fonctionne pour obtenir un prêt ?

"On finance les personnes et ils bénéficient automatiquement d'un accompagnement gratuit en gestion et organisation d'entreprise, en fonction de leurs besoins. C'est vraiment un accompagnement personnalisé. Pour Bernard, nous lui avons proposé de l'accompagner pas à pas dans son projet. On prend de ses nouvelles, on voit comment il évolue, comment ça se passe au niveau de son activité. Il arrive des fois où il a le coup de blues avec une baisse du moral, dans ce cas, on le soutient, on l'accompagne pour qu'il reprenne du poil de la bête."

Quels sont les objectifs de l'Adie ?

"Nous avons trois objectifs : financer les porteurs de projets, les accompagner dans la durée et faire du lobbying auprès du pouvoir public, afin de faire valoir entrepreneuriat populaire, c'est-à-dire favoriser les régimes fiscaux, sociaux auprès des très petites entreprises (TPE). À l'heure actuelle, ce n'est pas du tout adapté, on les exclut et on les oublie."


Rédigé par Corinne Tehetia le Mercredi 27 Janvier 2016 à 15:13 | Lu 9773 fois